lundi 3 octobre 2011

Suite Bonne Espérance: l'eau qui monte


le mercredi après midi, nous avions le choix entre deux activités : le championnat interne de football ou la botanique.
L’activité « botanique » consistait à faire partie d’une équipe de douze garçons chargés sous la direction de l’abbé Loiseau, habillé pour l’occasion en militaire américain et au volant d’une jeep de la même origine, d’entretenir le merveilleux parc, appelé botanique, qui faisait  la réputation de l’Abbaye. J’avais passé toutes les  vacances de mes années d’école primaire à travailler avec mes frères et quelques amis à l’entretien du jardin du curé (un vrai jardin de curé, avec ses allées de graviers rouges bordées de buis qu’on taillait pour
le dimanche des rameaux, ses rosiers hauts ou bas, grimpants, jaunes, roses, rouges, son puits et son énorme pompe en fonte, ses carrés de poireaux, ses autres carrés de choux, de salades, de patates, ses herbes…). Bref, botanique, je connaissais et j’avais déjà donné. Je choisis donc le foot, je devins capitaine d’une équipe et …ce choix fut fatal à mes études !! On dit qu’il ne faut jamais  rien regretter !!, pourtant, si vous saviez comme je m’en veux de ne pas avoir poursuivis des études alors qu’une chance fabuleuse m’était
offerte. 
Le football était couplé à une autre activité: « les grandes promenades ». En effet, par manque de terrains, il n’y avait que quatre équipes sur les huit en compétition qui pouvaient jouer le mercredi après midi, les autres partaient donc alternativement en promenade durant deux heures, c’était la grande promenade. Toujours
dans la campagne environnante, faite de bosquets et de bois, de prairies vallonnées, de ruisseaux et de quelques hameaux et fermes disséminés. Très peu de voitures circulaient à l’époque et nous étions donc une cinquantaine de gamins, étirés sur parfois deux cent mètres, à marcher, nous arrêter, chanter selon que nous étions accompagné d’un surveillant capable de conduire un chant. Le plus souvent, nous prenions la route campagnarde qui partait vers Binche, arrivés à Waudrez, nous contournions le petit couvent des Picpus dont nous adorions le parc avec ses gros chênes et ses fleurs de sous bois. (J’avais eu, deux ou trois années plus tôt, l’occasion de fréquenter un des Frère Picpus de Waudrez, le Frère Luc, et de lui servir la messe du matin chez les sœurs de Lavares (Strépy Bracquegnies) quand il remplaçait le curé de la paroisse. Une année, à la Saint Nicolas, il m’avait présenté sa vieille mallette de cuir remplie de friandises, j’en avais pris une mais il m’avait fait comprendre que tout m’était destiné !! Je suis rentré à la maison les poches bourrées, en vrai Saint Nicolas. Nous ne manquions de rien à la maison, mais il n’était pas dans les habitudes d’avoir ainsi des réserves de friandises, de voir autant de mars et de chacha rassemblés…réserves épuisées le jour
même bien sûr, par les trois gaillards que nous étions, mes frères et moi.)
Notre promenade contournait donc la maison des Picpus pour aller voir… l’eau qui monte !!! Un pont traversait un petit ruisseau à l’eau cristalline et au fonds tapissé de petits cailloux de calcaire tout blanc. La première fois qu’on m’avait dit que nous allions voir l’eau qui monte, je m’étais imaginé une légère crue, une source ou je ne sais quoi. Mais quelle ne fut ma surprise : en regardant le ruisseau, un fantastique effet d’optique donnait l’impression que l’eau montait, qu’elle ne coulait pas mais qu’elle grimpait. C’était incroyable mais l’eau allait vers l’amont et non vers l’aval, elle coulait dans le sens de la montée si vous voulez. J’étais fasciné, j’avais beau reculer, m’approcher, me pencher, changer de point de vue, l’eau montait et quand nous y retournions quinze jours plus tard, c’était encore le cas. Je ne me fatiguais pas de la regarder. Les autres riaient parfois de moi car il fallait m’arracher de là pour continuer la promenade vers Vellereille lez Brayeux. « Allez Gotto, (il était de coutume que nous nous appelions par nos noms de famille), tu la verras encore l’eau qui monte ». J’adorais cette promenade et n’y aurais renoncé à aucun prix. Bien des années plus tard, j’y suis retourné à plusieurs reprises, la faire découvrir à mes frères et plus tard à mes
enfants. Il faudra que j’y emmène Marlène durant les quelques mois de fermeture du resto. J’espère que je le retrouverai ce petit ruisseau, que son eau est toujours aussi claire et transparente et …assez courageuse  pour continuer à monter....

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