jeudi 29 mars 2012

Cachez-vous sous les bancs (3)


J’eus l’impression d’émerger par moment, je me sentais suspendu dans le vide, soutenu par des liens et des personnes paraissaient tourner autour de moi, harnachés comme des alpinistes. Je rêvais d’une descente en rappel le long d’une montagne. Je croyais que mon rêve de jeunesse, celui de grimper l’Annapurna, s’était enfin réalisé. J’entendais des murmures, des personnes qui parlaient entre elles, des voix d’homme me semblait-il.
Mais à d’autres moments, je plongeais dans le noir et le sommeil le plus absolus, n’ayant aucune conscience de ce qui pouvait se passer autour de moi. Parfois, je ré émergeais avec l’impression qu’on m’avait donné des coups, ou que mon corps avait été projeté contre une falaise ou contre un mur.
Quand je me réveillai, il me fallut plusieurs minutes pour reprendre conscience de ce que j’étais et de ce qui s’était passé. Je relevai la moitié de mon corps en paniquant, on m’avait endormi et enlevé, mais deux très vieilles femmes posèrent les mains sur moi, tentant de me rassurer « calmez vous, tout bien, nous occuper de vous… » Je n’avais aucunes possibilités de savoir combien de temps j’avais dormi. D’où venaient donc ces deux femmes que je n’avais jamais rencontrées ? Des tatouages parcouraient leur visage et leurs mains. Elles avaient la peau terriblement fripées, couvert de rides, les yeux très fins, presque fermés, le menton en galoche et la bouche edentée, les mains osseuses où se dessinaient de grosses veines. Elles me firent penser aux femmes d’Aquilano, qui tournaient autour de mon lit quand enfant, un furoncle énorme accompagné de fièvre m’avait cloué au lit plusieurs jours. Je retrouvais à cette évocation l’odeur infect des cataplasmes que chacune avait préparé à sa façon et m’appliquait qui sur le genou, qui sur le front.
Le local dans lequel je me trouvais à mon réveil, paraissait vaste, éclairé assez faiblement sans aucune lumière naturelle. J’étais allongé dans un sofa recouvert d’un drap blanc tout à fait propre. Je m’imaginais dans un espace non occupé près de l’hôpital de la Citadelle. A une dizaine de mètres se tenait un groupe de quelques personnes, échangeant entre eux tout en me jetant de temps en temps des coups d’œil furtifs. Trois ou quatre  étaient vêtus de salopette rouge-orange et harnachés comme des alpinistes. Comme dans mon rêve ? Qu’est-ce que tout cela voulait dire? Pourquoi m’avait-on endormi et amené là ? Qui? Que me voulait-on? Je m’adressais aux femmes, qu’est-ce que je fais ici ? Mais pour toutes réponses, elles continuaient à me dire « calme, tout  bien, pas de problèmes… » Un membre du groupe me regardait avec insistance. Il me semblait le connaître, avec son gros pardessus brun. C’est à lui que les autres s’adressait comme si de lui on attendait les consignes. Subitement, je me souvins de lui. Mais oui bien sûr, le tuberculeux, celui qui circulait dans les rues de Liège avec un masque médical sur la bouche et le nez ! A tout moment, il montrait de sa main gauche un papier A4 griffonné sur le quel on pouvait juste lire « tuberculeux » et dont on ne pouvait déchiffrer le reste, tout en tendant sa main droite. Il mendiait dans les rues de Liège et était entré à plusieurs reprises à Como en casa, place Saint Etienne. J’imagine qu’à l’époque, ma réaction avait été la même que tous les restaurateurs,  lui donner une pièce pour qu’il s’en aille au plus vite avant que son accoutrement et sa tuberculose fasse fuir les clients. Mais la dernière fois, il avait insisté, avec des yeux qui m’apparurent moqueurs, pour que je lui offre un verre d’eau. Il est vrai que nous étions en période de fortes chaleurs et qu’avec son pardessus, il transpirait à grosses gouttes qu’on aurait pu mettre sur le compte d’un état fiévreux du à sa tuberculose.
Du sofa, j’affrontais son regard, par provocation, il était temps en effet qu’on me donne une explication. Au bout d’un certain temps, il s’approcha, s’installa sur la chaise qu’une des femmes lui cédait
-             -Comment allez-vous, Mario ?
-          -Serais-je sensé aller bien ? Et vous vous êtes tuberculeux ou pas ? Pourquoi m’avez-vous enlever ?
-          -Je ne suis pas tuberculeux, me dit-il, c’était une astuce pour mendier et aussi pour qu’on ne me pose pas de question. Nous ne vous avons pas enlevé, souvenez vous, vous êtes entré de votre propre initiative dans le tunnel du Bloc 4.
-          - Mais enfin, on m’y a attiré, quatre personnes se sont jetées sur moi pour m’endormir ! Où suis-je et comment m’a-t-on emmené ici ?
-           -Vous n’avez aucune crainte à avoir, nous ne vous voulons pas de mal, nous vous considérons comme un ami.
-           -Drôle de façon de manifester votre amitié, me prenez-vous pour un demeuré ?
-         -Je comprends votre réaction, nous allons tout vous expliquer, dés que vous vous serez habillé. Ces deux charmantes dames ont lavé et repassé votre linge, elles vous offriront également de quoi manger et boire. Nous nous retrouverons dans une demi-heure.
De fait, mes vêtements étaient parfaitement propres et repassés. On m’offrit des beurrecks à la feta, absolument délicieux. J’en conclus que mes deux nounous venaient de Turquie ou du Kurdistan. La dernière fois que j’avais mangé des beurrecks aussi délicieux, c’était au Centre Culturel Kurde de Verviers et j’en avais longtemps gardé le souvenir.
Dés la fin de ce court repas, je retrouvais mon interlocuteur.
-             -Vous connaissez mon nom, mais je ne connais pas le vôtre.
-           -Oh, me répondit-il, on m’a tellement donné de noms au long de ma longue existence ! En Belgique, on m’appelle Eterno.
-           -Où sommes-nous, toujours dans les sous sols de la Citadelle.
-          -Non, nous sommes toujours dans les sous sols mais sous  la rue Hors château. Nous occupons ce qui était autrefois une areine de Liège.
-          -Une areine ?
-          -Oui, une galerie si vous voulez, de celles qui autrefois servait à emporter les eaux auxquelles les mineurs se trouvaient confrontées en creusant leur galerie. Les areines ont été remplacées par des égouts en bonne et dues forme mais toutes  n’ont pas été détruites et nous en avons assainies quelques unes. Nous vous avons descendus par Païenporte, un puit creusé par les mineurs au XIV ième siècle qui a à maintes reprises été comblé puis rouvert, qui a servi dans le passé à amener l’eau dans la citadelle, qui est aujourd’hui parfaitement asséché et géré par un club de spéléologue dans lequel nous avons quelques « amis ». Sachez qu’il est profond de 125 m et que votre descente jusqu’ici nécessitait toutes les précautions.
Je n’avais donc pas rêvé. Cette descente, les hommes harnachés, mon corps qui cognait contre les murs…Je sentis la colère monter à m’étouffer
-        -Mais vous êtes complètement fous ! vous m’avez enlevé, endormi et fait courir un énorme danger. Si vous vouliez me voir, il suffisait de me téléphoner !!
-         -Nous vous avons endormi car vous risquiez de nous brûler et de dévoiler notre présence à des travailleurs de l’hôpital. Ce que bien sûr, nous ne souhaitons pas. Nous occupons, depuis quelques années, les sous sols de Liège, Laissez moi vous raconter :
« Comme toutes les vieilles villes, Liège est une superposition de ruines, d’édifices non démolis, de souterrains dont les fonctions ont variés, y compris de souterrains récents que l’on a creusés pour un projet de métro pas très réfléchi. Mais la plupart des souterrains sont anciens, certains remontent au 17 ième siècle, comme le puits de Païenporte, les areines et nombre de puits houillers. La montagne de Pierreuse par exemple est un véritable gruyère et les abords de la gare du Palais regorgent de caves, corridors et salles très convenables. Vous savez, me dit Eterno, l’homme oublie très souvent sa propre histoire. Savez vous qu’au moyen âge, les riches, les nobles, les prêtres, les couvents, bref, tous les notables, s’assuraient très souvent de deux niveaux de caves. Il s’agissait de disposer de suffisamment d’espaces pour les réserves de nourritures et surtout pour faire face aux nombreuses guerres qui faisaient presque le quotidien de l’Europe. Où cacher les trésors tant convoités par ces guerriers ? Quand on a tant et tant démoli le centre de Liège pour faire place au béton, aux constructions modernes, et surtout pour permettre à un maximum de voitures d’accéder dans l’hyper centre ville, que de monuments, d’édifices détruits et effacés de la carte. Les abords de la gare du palais est le sommet dans l’art de la démolition. Tout devait disparaître. L’hôtel Notger comme le couvent et l’hopital des bons enfants et nombre de constructions néo classiques et d’hôtel de maîtres. Que croyez-vous, que l’ouvrier chargé de la démolition se préoccupait de savoir si, quand il avait comblé une cave, il y en avait d’autres en dessous? Souvenez-vous de la Roma de Fellini. Comment imaginer que le palais des  Prince évêques ne possédât pas ses sous sols, ses souterrains conduisant à la cathédrale mais aussi permettant de fuir si besoin en était? Nous sommes aujourd’hui les seuls à disposer d’un recensement complet des espaces disponibles dans le sous sol liégeois. »
-          -Nous ? Mais qui êtes-vous donc ? Pourquoi vous réfugiez dans ces catacombes ?
-          -Je suis Eterno. Il y a très longtemps, je vécu quelques années à Rome, on m’appelait Angelo, les italiens pensait que j’étais un ange. Les madrilènes à une autre époque m’appelaient Salvador, le sauveur. Aujourd’hui on m’appelle Eterno. Ne comprenez-vous pas ?
-          - C’est cela vous êtes éternel sans doute ?
-         - Ne vous moquez pas Mario. Vous doutez de notre existence ? Souvenez-vous du personnage de la Ligne Verte, Paul Edgecombe et sa souris. Souvenez-vous de l’homme en noir du Jeu de l’Ange. On a besoin d’homme éternel Mario, comment voulez-vous que se transmette l’histoire
-          -Mais que me voulez-vous ? Qu’ai-je à voir dans tout cela ?
-        -Vous allez comprendre. Je vous ai fait venir parce que j’ai besoin de vous. Nous avons trois problèmes que vous pouvez nous aider à résoudre. Avant de vous en parler, un de nos membres va vous faire visiter notre Liège souterraine. Pour commencer cette visite, je voudrais moi-même vous présenter quelqu’un, une petite fille  que nous avons recueilli et que vous pouvez nous aider à soigner.
Eterno m’entraîna vers une porte que je n’avais pas vue, avant de l’ouvrir il me dit « ne soyez pas étonner de son attitude, elle est due au terrible traumatisme qu’elle a subi. Quand il ouvrit la porte de ce qui paraissait être une petite pièce à vivre, je vis une petite fille africaine et fut immédiatement frappé par son énorme chevelure frisée et pourtant légère et les yeux immenses avec lesquels elle me regardait.
-         -Bonjour Darline, je te présente Mario, dit Eterno.

L’INSTITUTRICE ELLE NOUS A DIT QUE SI NOUS ENTENDIONS DE GRANDS BRUITS COMME DES EXPLOSIONS SI NOUS VOYIONS ENTRER DES HOMMES EN ARMES QUI CRIAIENT  S IL Y AVAIT BEAUCOUP DE BRUITS ET DE  CRIS  CACHEZ VOUS SOUS LES BANCS METTEZ VOS MAINS SUR VOS OREILLES ET FERMEZ LES YEUX NE REGARDEZ PAS N ECOUTEZ PAS NE VOUS RELEVEZ QUE QUAND IL NE SE PASSERA PLUS RIEN ALORS UN JOUR LES HOMMES ARMES SONT ARRIVES ET ONT FAIT BEAUCOUP DE BRUIT ALORS NOUS NOUS SOMMES CACHES SOUS LES BANCS NOUS AVONS FERMES LES YEUX ET MIS NOS MAINS SUR LES OREILLES QUAND NOUS NOUS SOMMES RELEVES LES HOMMES ETAIENT PARTIS TOUT ÉTAIT CASSE LES ENFANTS PLEURAIENT ET CRIAIENT ET NOUS AVONS VU L INSTITUTRICE COUCHEE PAR TERRE PLEINE DE SANG ON AVAIT COUPE SA GORGE ELLE ÉTAIT MORTE ET AVAIT LES YEUX GRANDS OUVERTS . MON GRAND PÈRE M AVAIT DIT SI DES HOMMES ARMES VIENNENT ET LUI FAISAIENT DU MAL IL NE FALLAIT PAS REGARDER ET IL FALLAIT FAIRE SEMBLANT DE NE PAS LE CONNAITRE QUAND JE SUIS SORTI DE LECOLE DES HOMMES ARMES FRAPPAIENT MON GRAND PÈRE JAI FAIT SEMBLANT DE NE PAS LE CONNAITRE ET ILS L ONT EMMENE AVEC EUX …

Elle avait débité cela sur un ton monocorde et sans respiration, je sorti précipitamment, j’avais les boyaux tordus ? je m’appuyai au mur, soutenu par mes deux vieilles et éclatais en sanglot.

Elle s’appelle Darline et vient de Guinée me dit l’homme au pardessus. Elle a onze ans.

jeudi 22 mars 2012

cachez-vous sous les bancs (2)


J’entends alors deux bruits très forts, deux bangs qui résonnent assez longtemps, que je n’ai aucun mal à identifier. Ce sont deux énormes portes qui se ferment, tellement lourdes que les vibrations se font sentir sous mes pieds. Je m’aperçois que mes mains et tous mes membres trembles, y compris les genoux, je sens déjà le froid et l’humidité qui me transperce, mais je sais pertinemment que c’est la peur qui m’envahit. J’ai envie de pleurer, d’hurler. J’y parviens avec difficulté tant ma gorge est serrée, à m’étouffer. Stupidement, je demande, avec la voix d’un enfant terrorisé « qui est là ? » Sans réponse bien entendu. J’ai de nouveau le sentiment d’être complètement ridicule, mais je parviens quand même à me maîtriser suffisamment pour dire d’une voix forte et en colère « assez joué, qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ? De nouveau seul l’écho me répond.
Une enclume s’est posée sur ma poitrine, j’ai subitement peur d’une crise, il faut que je me ressaisisse, que je prenne l’initiative, je me suis avancé trop loin, je dois maintenant aller de l’avant. Je m’avance donc sur le chemin balisé de bougies. Elles ne m’éclairent que faiblement sur ma gauche, ma droite est faite de ténèbres, je pense qu’il y a un mur, mais je n’ose m’en approcher. Le sol devient pentu et glissant, de plus en plus pentu et glissant. Je suis tout à coup surpris par un envol, ce ne peut être un oiseau dans le noir. Une chauve souris, pensais-je. Une chauve souris, mon hantise. Malgré mon âge, deux choses me font peur dans le noir : une nuée de chauves-souris qui m’entoureraient, un monstre qui surgirait derrière moi. Or derrière moi, les bougies s’éteignent immédiatement après mon passage et désormais, plusieurs chauves souris, sans doute aussi paniquées que moi virevoltent dans tous les sens. J’essaye de courir, mais la boue est glissante, je m’étale alors que le sol est devenu un vrai toboggan sur lequel je glisse sur une distance qui me paraît être de 15 ou 20 mètres. J’arrive tout à coup dans une zone suffisamment éclairée pour me permettre de voir que je fonce vers un mur. Dans ma glissade, je réussis à mettre les deux pieds en avant, jambes pliées et à amortir le choc contre le mur. Malgré tout, je suis légèrement sonné et il me faut quelques temps pour me ressaisir, reprendre conscience de ce qui se passe. Mes vêtements sont trempés et boueux. Ma veste en peau est fichue. Je sens une puanteur m’envahir et je comprends aussitôt que j’ai marché et glissé dans ce qui devait être les excréments des chauves souris.
La clarté est très faible et semble provenir de ces petites ouvertures grillagées dans le mur, de meurtrières recouvertes de grilles. Je me dirige vers l’une d’entre elle et de l’autre côté, j’aperçois des murs blancs, carrelés, des armoires, des chariots de services, un peu comme des tables roulantes. C’est évident, ce sont les sous sols de l’hôpital de la citadelle. Ils n’ont pas l’air d’être fréquentés, sans doute le système domotique du bâtiment déclenche l’éclairage sur les deux ou trois niveaux de sous sols. C’est un faible éclairage mais quand même plus qu’un éclairage de secours. Ma vue s’y habitue et je vois que tout ce mobilier est poussiéreux, peu ou pas utilisé et que donc cette partie du sous sol est peu fréquentée. Je crois deviner ce qu’il en est. Lors de la construction du CHR, on a sans doute évité de combler toutes les cavités de l’ancienne caserne, on a préféré construire des murs, quelques ouvertures d’aération, sans doute quelques part une porte en tôle zinguée, permet une communication mais  indique « passage interdit » ou « réservés au service de sécurité », ou que sais-je encore. Mais l’espoir est trop grand et je dois saisir cette chance « Y a-t-il quelqu’un ? Eh, oh, vous êtes là ? » Cela raisonne mais je n’obtiens pas de réponse et je n’entends venir personne. Je me déplace le long du mur dans l’espoir d’y trouver une porte, de pouvoir y frapper du poing, de faire un boucan d’enfer impossible à ne pas entendre à un autre niveau.
En me déplaçant, e m’aperçois que le mur est fait de grands cadres, entourés de moulures et séparés l’un de l’autre de 50 cm. J’ai déjà parcouru au moins dix mètres et je ne vois pas la fin de ce mur. Il y a des peintures dans ces cadres, sont-ce des toiles ? J’observe d’un peu plus près, et je découvre qu’il s’agit de collage de journaux, surmontés d’un titre ! Non, ce n’est pas un titre. Le tableau devant lequel je suis, plus éclairé que d’autres grâce à la proximité d’une ouverture grillagée, est fait de journaux collés ou punaisés et plastifiés. Des journaux écrits en espagnols ! Le cadre, qui fait deux mètres d’hauteur et un mètre trente ou quarante de largeur est surmonté du nom ARGENTINE.
Les journaux ont pour titre Clarin , La Nacion, La Voz. Je ne suis pas un spécialiste de l’Argentine mais je reconnais sur les journaux les photos du dictateur Videla, de Peron, de Marradona beaucoup plus bas.
Je me déplace vers la gauche pour déchiffrer l’autre tableau voisin. Les ETATS UNIS. Je reconnais les titres New York times, Washington post. Je reconnais la photo de l’assassinat de Kennedy, une autre de Martin Luther King, Il y a une photo qui semble être tirée de la guerre de sécession ??
Le tableau suivant  est l’ITALIE, le suivant le Sénégal, ensuite vient le Brésil, l’Inde. Cela a l’air d’être installé sans ordre rationnel, ni par continent, ni par ordre alphabétique, ni par importance de la population. Qui a pu s’amuser à cela et qu’est-ce que cela peut vouloir dire. Je passe et repasse devant les tableaux. Le cadre italien, parle de Garibaldi, de Mussolini, de l’assassinat d’Aldo Moro. Et je crois commencer à comprendre, on a rassemblé là des unes des grands journaux des pays, unes qui reprennent les événements essentiels dans leur histoire. Mais oui, c’est cela Peron, marradona, Videla pour l’Argentine. Kennedy, la guerre de sécession pour les Etats Unis, Helder camara et Lula que j’ai reconnu sur les unes de La Folha ou correo Popular du Brésil, Sédar Senghor sur la une de L’Aurore sénégalais, Julius Nyerere sur le Dayli news de Tanzanie.  Je suis presque sûr que c’est de cela qu’il s’agit, une sorte d’exposition sur l’histoire des pays de la planète. Il doit bien y avoir une centaine de ces tableaux. Ce mur semble très long. Quelque chose  de plus m’intrigue pourtant : sur chaque Une, un article de bas de page, moins important donc, est entouré de rouge, encadré, à la manière de William Klein. On a voulu attiré l’attention sur ces articles. Pour le peu que je comprenne, ils font allusion à des mouvements sociaux, à des personnes arrêtées ?? Je ne saisis pas le sens mais à l’évidence, il y en a un.
Soudain, je m’aperçois qu’il y a des bouteilles au pied du tableau d’Italie devant lequel je suis. Je jette un œil à gauche et à droite et il y a des bouteilles couchées et empilées devant chacun des tableaux. Elles sont poussiéreuses et grasse. Impossible de voir ce qu’elles contiennent.  Un bouchon est posé sur chacune d’entre elles mais sans être tout à fait enfoncé. J’en ouvre une et découvre qu’y sont roulées des feuilles à l’intérieur. Je sors les papiers, ce sont des lettres manuscrites. Celle-ci s’intitule, « Questo e la mia storia » à droite un nom : Giovanni Nobile. Je lis, les mains tremblantes, continuant de me demander qui a eu cette idée, cette obstination à rassembler journaux et histoires d’individus. La lettre est écrite à la première personne et raconte l’enfance de l’auteur dans un village des Pouilles, on y retrouve les noms de ses parents, de ses nombreux frères et sœurs. Giovanni y égrène ses souvenirs d’enfance, bons et mauvais, il finit par expliquer pourquoi il a du quitter l’Italie, pour quoi et comment il est venu en Belgique, comment s’est passé son arrivée…Je retire d’autres feuilles de la bouteille, chacune raconte une histoire et il est évident que toutes ces personnes ont quitté l’Italie pour venir en Belgique. Je retourne vers Argentine, j’ouvre une bouteille et m’aperçois qu’il s’agit la aussi d’histoire semblable. Idem a à Sénégal. A Amérique, je m’aperçois, avec le peu de connaissance que j’ai de l’anglais qu’il s’agit de soldats américains venus se battre lors de la deuxième guerre mondiale. Je suis ébahi, émerveillé, j’en oublie les circonstances qui m’ont emmené là, j’en oublie presque le lieu où je suis et je ne me pose même pas la question de comment je vais en sortir. Je m’aperçois que de nouveau mes mains tremblent, non plus de peur mais d’émotion. L’émotion produite par ce que je viens de découvrir et surtout par le fait que quelqu’un  a passé sans doute des années à rassembler ce matériau, à le protéger, à l’exposer. Pour qui dans le fond ? Pourquoi exposer tout cela dans un lieu où personne ne vient et ne viendra jamais ? Je réalise tout à coup que l’on m’a attiré dans ce lieu, quelqu’un a voulu que je voie cette exposition. Ainsi, on ne me voulait pas de  mal mais on voulait me montrer ce trésor !! Je pense être un privilégié et crois tout à coup que je vis une aventure exaltante
Je tressaille tout à coup, un bruit de pas se fait entendre dans le corridor éclairé de l’hôpital. Quelqu’un s’approche, c’est évident. Mes doigts s’accrochent aux grilles, je suis fou de joie, je me prépare à crier mais deux individus, sortis de nulle part, surgissent sur ma droite, m’empoignent violemment et me plaquent au sol. Deux autres surgissent sur ma gauche, je veux crier mais une main écrase ma bouche, je vois un des hommes dont je ne distingue pas les traits sortir une seringue, on me découvre le ventre, j’ai beau me débattre, rien n’y fait, on me fait une piqûre dans le ventre, mes cris sont étouffés, mes jambes et mes bras sont entravés. Ils veulent ma mort. Mes yeux implorent pitié et doivent sans doute exprimer la terreur qui s’empare de moi. En quelques secondes ma vue se brouille, j’essaye de m’accrocher à la vie et n’ai que le temps de prendre conscience, une fraction de seconde, qu’on m’a anesthésié et que je sombre dans le sommeil le plus total.

jeudi 15 mars 2012

Cachez-vous sous les bancs

Cachez-vous sous les bancs


J’ai promis de vous conter les événements terribles qui me sont tombés dessus cet hiver et qui ont chamboulé ma vie. Ce récit me prendra quelques semaines. Désolé. J’essayerai de vous faire parvenir les suites chaque jeudi. Si j’arrive à vous écrire deux fois par semaine, je ne manquerai pas de le faire.
Pourquoi vous raconter tout cela ? Peut être pour vous convaincre que l’aventure est souvent là où on l’attend le moins, qu’il suffit parfois de franchir une ligne, un petit obstacle qu’on préférerait éviter. Si je vous raconte, c’est que j’en suis sorti vivant. Ai-je bien fait de transgresser cette ligne? Je ne peux pas vous le dire aujourd’hui, je ne le saurai que dans très longtemps, très très longtemps.
Dés la venue des grands froids, j’avais remplacé mes sorties à vélo par des marches. J’ai toujours particulièrement froid aux genoux et le vélo exige des genoux en pleine forme si je puis dire. D’autre part, faute de lunettes adéquates, j’avais ramassé une petite conjonctivite que je n’ai pas voulu aggraver. Donc va pour la marche. Indispensable ai-je lu, si on veut éviter encrassement des artères et autres conduits sanguins, crises d’angor et autres ennuis cardio-vasculaire. Mes recherches à ce sujet sur internet m’ont appris que le froid et l’hiver sont propices à ce genre d’accidents et que nombre de personnes de mon âge qui ne pratiquent aucune activité physique, sont victimes d’accident cardiaque au moment où…ils déblayent la neige. Bref, je n’avais pas envie de perdre le bénéfice des mois de pratique du vélo auquel j’avais pris goût, il fazllait que j’entretienne mon corps autant que mon esprit
J’allais marcher pratiquement tous les jours autour de la citadelle. J’allais jusque là en voiture, me garais le plus souvent dans la rue des Glacis et marchais trente à quarante minutes, ce qui me permettait de faire deux fois le tour de la citadelle, qu’il pleuve, qu’il neige et qu’il fasse moins 10 degrés comme cela a été le cas à plusieurs reprises. J’adore l’endroit, on y croise peu de monde, et presque tout le long, on a une belle vue sur une variété de paysages : le Thiers à Liège, Droixhe, Saint Léonard, Hors Château et enfin le centre ville et la Meuse. J’ai d’ailleurs fini par repérer le bâtiment où nous installerons bientôt notre restaurant et me suis promis de tenter de suivre les travaux à partir de ce point de vue.
Régulièrement, je fais un détour par l’enclos des fusillés. J’avais un jour découvert cet endroit par moi-même -je ne suis pas un vieux liégeois-  alors qu’on ne m’en avait jamais parlé ni mentionné  son existence. Une fois découvert, j’avais bien entendu régulièrement pris le temps d’étudier son origine et son histoire. Mes recherches m’apprirent que la citadelle avait gardé sa fonction de caserne jusqu’au début des années soixante, qu’en 1974, elle avait été en grande partie rasée pour faire place à la construction du CHR et que durant la deuxième guerre mondiale, les allemands l’avaient occupée et en avaient fait un lieu de détention et d’exécutions  des membres des réseaux de résistance. Ce sont les tombes de ces résistants qui emplissent l’enclos.
416 croix y sont plantées, 416 tombes y sont creusées, dont seules aujourd’hui 98 sont, si je puis dire, « occupées » et restent des sépultures, les autres corps ayant été rendus à leur famille. 10 nationalités différentes ont été victimes de ces exécutions: 377 belges, 10 luxembourgeois, 10 polonais, 10 russes, 6 français, 4 hollandais, 1 espagnol, 1 italien, 1 serbe et 1 arménien. C’est dans ce qui s’appelait le bloc 24 qu’étaient détenus les prisonniers, bloc 24 aujourd’hui disparu dans la démolition des années soixante et septante. Mais mes aventures allaient m’apprendre que les bâtiments, les grands édifices en tout cas, ne sont jamais entièrement rasés et ne disparaissent jamais totalement.
Du bloc 24, les prisonniers étaient amenés par un court tunnel dans un petit enclos où se trouvaient les poteaux d’exécutions. Un de ces poteaux est aujourd’hui serti dans un bloc de pierre bleue à l’entrée du site.
Hommage soit rendu à tous ces combattants morts pour la liberté et je ne pouvais commencer cette histoire sans rappeler leur existence, même si leur existence n’a pas de rapport direct avec ce qui m’est arrivé. Mais ce sont eux qui m’ont amené régulièrement sur les lieux et c’est sur ces lieux que les choses ont commencé, que j’ai été happé par un monde que je ne soupçonnais pas.
La construction du CHR a démarré en 1974 et la construction du gros œuvre a pris quatre ans. Un des raisons de la durée de ces travaux est la présence sur toute la colline de la citadelle de nombreuses galeries souterraines ainsi que de nombreux puits verticaux puisque la citadelle a été dés le 17 ième siècle un lieu d’extraction houillère. A tel point que 650 pieux forés allant jusqu’à 12 m de longueur ont été nécessaires pour ancrer le nouveau bâtiment dans la roche.
Lors de mes nombreuses visites à l’enclos des fusillés, j’avais pris pour habitude d’en faire le tour complet, de descendre vers le lieu des cérémonies devant l’autel et de pénétrer dans la petite cour en face du tunnel qui conduisait dans le temps au fameux bloc 24. Ma première sortie de janvier, eu lieu juste le lendemain du départ de Bégonia, la sœur de Marlène et de son fils Paco qui étaient venus passer les fêtes de fin d’année avec nous. On devait donc être le 6 ou 7 janvier. J’avais remarqué en descendant les escaliers au fond de l’enclos, au dessus de la courette où avaient lieu les exécutions, que le sol avait été récemment piétiné. J’avais été intrigué mais avais assez vite  mis cela sur le compte d’enfants qui y seraient venus jouer ou d’une visite d’un groupe quelconque de touristes et n’y avait plus pensé. Mais, en passant le porche qui conduit au tunnel, j’avais eu le sentiment bizarre d’être épié et d’avoir perçu, une fraction de seconde, le bruit de quelqu’un- une personne, un animal- qui se déplaçait. Une fraction de seconde, un reflet anormal du soleil m’était apparu à l’entrée de la galerie. J’avais tressailli et, par peur ou par paresse, je n’avais pas voulu pousser la réflexion et l’investigation plus loin et m’était éloigné rapidement pour continuer ma marche.
Mais j’y avais repensé le soir et une bonne part de la nuit. J’étais persuadé que quelqu’un s’était bien caché, que ce n’était pas un jeu d’enfant. J’avais également écarté l’idée que cela put être un couple d’amoureux cherchant un endroit tranquille. Quelles raisons aurait poussé un couple à m’observer? Non, j’avais la quasi certitude d’avoir été observé et étais presqu’aussi certain que celui, celle ou ceux qui m’observaient, voulaient que je le sache. Habituellement, j’adore les insomnies. Elles me permettent de rêver, de retourner dans le passé, de réveiller des souvenirs, de tirer aussi des plans sur la comète et de rêver à des futurs faits de bonheur et de plaisirs. Mais cette fois, ma nuit fut exécrable et agitée comme elle ne l’avait plus été depuis longtemps.
Evidement le lendemain, je ne résistai pas à l’envie de retourner sur place, de refaire le même parcours. De nouveau, j’eus cette impression d’être observé et cette fois aussi cette impression que quelqu’un voulait m’attirer dans la galerie. Un frôlement, la vision, éphémère et douteuse,  que juste au-delà de la clarté projetée de l’extérieur, une ombre se déplace. Si au bout de ma nuit blanche, j’avais fini par me dire que ce que je croyais avoir vu n’avait jamais existé, là, cette fois, c’était indéniable, il  se passait quelque chose. Je me décidai à appeler, « ohé, il ya quelqu’un ? » «  Pourquoi vous cachez-vous ? » Bien entendu seul l’écho suivi du silence me répondirent. Je me sentais ridicule et vérifiai que personne ne m’observait dans les alentours.
Que faire ? Raisonnablement, je devrais laisser tomber, reprendre ma promenade, oublier cette histoire qui n’en est pas une. Peut être s’agissait-il simplement d’un rat ou d’un chat apeuré. Mais comme souvent dans ces cas là, la curiosité prend le dessus sur l’inquiétude, vous vous approchez malgré vous, vous vous dites qu’après tout, les allemands ne sont quand même plus là, ce tunnel ne doit pas conduire bien loin, c’est de la déco !! A ton âge, on n’a plus peur du noir quand même !
Je me décide donc à faire deux trois pas, très lentement, scrutant les ténèbres au-delà de quelques mètres, tentant de voir si au bout c’est le vide ou un mur qui m’attend. Et puis, encore un frôlement, encore une ombre qui fait un mouvement rapide. Je prends alors conscience que si je vais plus loin, si je franchis cette zone, tout va basculer, que je risque de découvrir des choses qu’il vaut mieux ignorer, que ma vie ne sera plus la même. Mais c’est trop tard, cette ombre existe bien, j’en ai maintenant la certitude, je me refuse à une nouvelle nuit blanche, mieux vaut essayer d’y voir clair, de comprendre, cela ne peut être bien dangereux, c’est un petit jeu, une petite blague. Quelqu’un veut me faire peur…
J’ai sur moi un stylo lampe qu’une firme m’a offert avec l’inscription « Como en Casa ». Publicité gratuite pour un outil publicitaire. Je l’allume. L’éclairage est faible mais me permet de voir le bout de mon pied et d’avancer peu à peu, centimètre par centimètre, évitant de tomber dans un vide éventuel. Je me retrouve devant un mur de pierre, je tente de prendre à droite mais un autre mur m’arrête. La pierre suinte l’humidité dont est chargé l’air presque poisseux. Par contre un espace s’ouvre sur la gauche, j’y vais en tâtonnant, je marche sur de la boue peu épaisse mais très liquide. Apres quelques mètres de nouveau un mur, je tends le bras sur la droite, rien ne l’arrête, je fais quelques pas, me retrouve dans un espace dont j’ignore la mesure. J’avance m’appuyant au mur et contourne de nouveau un angle. Et là, surprise, un chemin de bougies posées à même le sol semble avoir été posé pour moi. Il doit y avoir une vingtaine de bougies sans doute distantes d’un mètre. Le corridor semble assez large. Cette fois il n’y a plus de place pour le doute, « on » m’invite vers quelque chose, je dois décider si je continue.
Mais j’ai pleinement conscience  à ce moment qu’il est trop tard, qu’un retour en arrière n’est plus possible.

jeudi 8 mars 2012

On reprend

Je vous avais promis et bien voilà, je m’y remets. Ma dernière news date du 26 janvier. J’espère que je…vous ai manqué. Que s’est-il passé depuis lors ? Pas énormément de choses : nous avons reçu nos deux petites fille, Elina 5 ans, fille de Vincent et Cristelle et Elsa, bientôt 4 ans, fille de Dimitri et Delphine. Quatre jours de joie, de dessins animés (c’était durant le festival « Anima ») et de stress (rattrapé Elsa qui se faisait un plaisir de s’enfuir vers la route où passaient les voitures.)
Ensuite une semaine de bonne grippe avec une fièvre à presque 39°, ensuite une déprime due à la situation socio économique (et je me suis dit que je n’allais pas vous ennuyer avec les états d’âme politique et que ce n’était pas pour cela que vous m’aviez donné votre adresse) et puis, au moment de reprendre mes lettres, rechute, re-grippe, dont je ne suis pas tout à fait remis.
Bon, le moral est bon, donc ne vous tracassez pas. J’ai fait de la marche assez régulièrement et avant ma dernière grippe, j’ai repris le vélo et fait une quinzaine de km de remise en jambe, dans mon circuit habituel. J’ai vu que des maisons pour lesquelles il y avait enquête d’urbanisme était en pleine construction, que des maisons à vendre étaient vendues, que d’autres maisons étaient maintenant à vendre. Pour le reste, rien de changé dans le paysage et les rudes journées de gel n’ont pas l’air d’avoir trop abimés les routes. Je me demande juste si ce premier tour à vélo n’est pas la cause de mes yeux gonflés et de ma gorge enrouée. Je devrais peut être achetés des lunettes spéciales.
J’ai lu bien sûr : le meilleur « Les chaussures italiennes ». Une merveille de roman de vie quotidienne. Merci Alicia et Sabine qui m’avaient recommandé ce livre. J’ai bien aimé aussi « Comedia infantil »  du même Henning Mankell, ainsi que « Presque mort » de Ake Edwardson. C’est le premier livre de cet auteur que j’aborde, c’est le dixième et dernier épisode des aventures du commissaire Erik Winter. Donc Anne, si tu as ces neuf premiers, cela m’intéresse. J’ai essayé à plusieurs reprise de m’attaquer à « Dans la grande nuit des temps » de Antonio Munoz Molina, dont j’ai pourtant adoré plusieurs livres, ici rien à faire, après quarante pages et deux reprises, je n’ai toujours pas mordu et comme pour moi lire doit être un plaisir, j’ai éliminé.
J’ai pris peur évidement et me suis demandé si je n’avais pas pris gout à la littérature mineure depuis Millénium et autre policiers scandinaves ?? Marlène m’a remis en mains « le jeu de l’ange » de Carlos Ruiz Zafon (auteur de « L’ombre du vent »). Je l’ai relu en deux jours durant lesquels je n’ai adressé la parole à personne, je crois. Entretemps j’avais refait un petit détour par De Vigan et son « No et moi », avec l’impression de retrouvé une autre Lisbeth Zalender. (S ou Z ?)
Ben oui, voilà, une vie de pensionné durant l’hiver. J’attrape d’ailleurs des routines, retour le matin d’avoir conduit Marlène, lecture des journaux, remise en ordre de la cuisine, mise à jour du courrier électronique, petite marche quotidienne, fabrication du pain, préparation du repas du soir…Oui mais voilà, c’est souvent dans ces routines que surgissent de grandes et terribles aventures. Au détour d’un mur, une apparition soudaine, tellement rapide qu’on se demande si elle a eu lieu. Puis la fois suivante, un reflet du soleil, un petit éblouissement à un endroit où il ne devrait rien se passer. La curiosité qui prend le dessus sur la peur et l’inquiétude. Vous vous approchez malgré vous… J’ai beau me dire à ce moment, « laisse tomber, passe ton chemin », j’ai beau avoir pleinement conscience que si je franchis cette zone, tout va basculer, je vais pénétrer un nouveau monde et ma vie ne sera plus jamais la même. Vous le savez, je le sais mais il est déjà trop tard, j’ai vu, j’ai vu l’amorce, l’étincelle, le petit morceau d’une vie que je n’aurais pas du voir et il était  déjà trop tard.
Je vous raconterai, je suis déjà en train de vous décrire ce monde que j’ai découvert, qui m’a tenu éloigné des miens durant des jours et des semaines, un monde que vous ne soupçonnez pas, que l’on ne peut pas soupçonner. Un monde où des centaines de personnes survivent, se battent, meurent. J’y ai plongé, la peur au ventre, j’en suis sorti mais pas indemne car on ne sort pas indemne d’une vie dans les entrailles et les catacombes. Je vous raconterai, peut être déjà la semaine prochaine.
Entretemps, le repas du 9 mars a du être reporté, seulement quarante inscriptions. C’est trop peu. Nous l’avons transformé en auberge espagnole qui aura lieu à 19 heures au local de VEGA, au 427, rue Vivegnies.
Allei, morituri te salutam.