vendredi 30 septembre 2011

mes années à Bonne Espérance



Bonne espérance est une magnifique ancienne Abbaye des Prémontrés. (Un ordre religieux, le même qui possédait également l’Abbaye de Floreffe). A l’époque, l’internat était obligatoire à Bonne Espérance et nous rentrions à la maison tous les quinze jours, du samedi midi au dimanche soir où nous devions être de retour au collège dés 18h30. A partir de 1964, le retour à la maison avait lieu chaque semaine.Nous dormions dans des alcôves assez petites, en bois avec lit et armoire intégrés. La plupart des alcôves disposaient d’un lavabo et d’un « pisse pot » qu’un vieux monsieur vidait tous les matins. Mais j’ai occupé pendant un an une alcôve dans ce qu’on appelait « le sous marin », en raison de ses fenêtres rondes, alcôve sans lavabo avec juste un broc et une vasque. Nous étions un peu plus de 300 élèves, venant de toutes la Belgique francophone, la plupart étaient issus de familles privilégiées et nous n’étions que quelques uns de familles ouvrières.
Le matin, nous étions réveillés par une cloche qu’agitait un des deux prêtres surveillants quand ce n’était pas par le préfet de discipline, l’abbé Deblaere (tiens, comme Claudine !). Nous avions alors trois minutes pour enfiler short, chemisette et sandales de gym et courir nous aligner dans le corridor, par classe. Nous descendions alors, conduit par un « moniteur» (des élèves de rétho) faire notre quart d’heure de gymnastique matinale dans les cloîtres de l’abbaye. Nous remontions ensuite et nous avions un quart d’heure pour nous laver, nous habiller, nous remettre en file dés le son de la même cloche, pour descendre les mêmes escaliers qui nous conduisaient cette fois dans la basilique pour les prières du matin. Celles-ci duraient 20 minutes.C’est durant une de ces prières matinales que le 22 novembre 1963, le
préfet nous annonça, de façon solennelle et dramatique, l’assassinat de Kennedy. Nous fûmes très marqués par cette annonce et pensions que le monde allait basculer dans la  guerre ou dans d’autres catastrophes. On nous demanda donc de prier pour le repos de son âme et pour la paix dans le monde.
 
Après les prières nous allions au réfectoire. Là, c’était la prière avant le repas (vous comprendrez que j'ai assez prié là pour le reste de ma vie), puis nous déjeunions et le surveillant qui tournait autour du réfectoire nous faisait un signe  nous autorisant à parler. En effet, jusque là, nous étions levés depuis plus d’une heure que nous avions vécu dans le silence total car il était interdit de parler entre nous. Le « réfectoire des petits », était fait de colonnes et de grandes voûtes magnifiques, mais n’était pas aussi beau que le « réfectoire des grands » qui occupait la salle capillaire, toute décorée de toiles peintes, de boiseries et de vitraux, mais tellement sombre qu’elle avait un côté malgré tout déprimant. C’est dans le réfectoire des petits que j’ai mené ma première grève. En effet, nous étions autour de tables de dix places et chaque jour, c’était un élève
différent qui pouvait se servir le premier de margarine (je détestais) et de confiture. Les pots circulaient dans le sens des aiguilles d’une montre et c’était imparable, malgré les efforts de chacun, le dernier n’avait ni margarine, ni confiture à mettre sur son pain. Ainsi si c’était moi qui me servait le premier aujourd’hui, je savais que le lendemain, je serais le dernier. Nous avions le même problème les « jours de frites » à midi, il y avait toujours un élève de la table qui n’avait pas de frites. Un jour, j’étais dans ma deuxième année de collège, j’ai proposé à ma tablée de faire la grève du petit déjeuner. Personne ne toucha au pain jusqu’à ce que le surveillant, intrigué, vienne demander ce qui se passait. Je lui dis, « puisqu’il n’y a pas de confiture ni de margarine pour tous, personne ne mange ». Il partit furieux et revint après 5 minutes me dire à l’oreille « es-tu sûr que tu paies ta « pension » entièrement ici ? » De fait, mon père avait obtenu une réduction car le coût de l’internat était élevé. J’en fus humilié et j’ai dit aux autres, qui ne comprenaient pas et voulaient savoir, « c’est fini, on mange ». Le lendemain, le prêtre est venu s’excuser de ce qu’il m’avait dit et de ce jour, sur chaque table il y avait deux pots de confitures et deux beurriers. On abandonna alors ce système qu’on appelait « les tours ». Mais je n’ai jamais oublié cet incident.
Après le petit déjeuner, nous avions un break de vingt minutes, avant de nous rendre dans l’immense salle d’étude, préparer cahiers (merveilleux cahiers noirs avec la tranche rouge) et livres de cours, nous aligner par classe en présence de notre titulaire qui nous conduisait en classe. Mon titulaire de sixième (la sixième A)
s’appelait  Lechat, le titulaire se la sixième B s’appelait Loiseau. Vous imaginez bien les blagues qui courraient.
J’ai de bons souvenirs de Bonne Espérance, ma famille , mes frères, mes amis me manquaient bien sûr, mais j’avais conscience d’être dans un cadre extraordinaire, d’être privilégié. Nous avions nombre d’activités, collectives et individuelles qui allaient de la musique au foot, aux grandes promenades …
La suite à demain

mardi 27 septembre 2011

Les villages de Paris


On dit beaucoup de choses de Paris, on dit entre autres qu’elle est la ville aux cent villages. La Butte aux cailles est un de ceux-là et nous étions impatients de le découvrir. Nous sommes arrivés en gare du Nord vendredi à onze heures et à midi trente, nous grimpions la Butte aux Cailles.
Nous avions juste pris le temps de déposer nos bagages à l’hôtel « Le Chariot d’or » sur Turbigo et non au Tiquetonne, qui est notre hôtel habituel depuis plus de vingt. Nous ne lui avions fait qu’une seule infidélité en logeant quelques nuits à l’hôtel des Croisés, très bien mais décentré. Nous adorons les vieux hôtels parisiens, où les murs des chambres sont encore tapissés de papiers peints, avec leur allure vieillotte et leurs meubles usés, « puisqu’il ne faut rien jetés n’est-ce pas, ça peut toujours servir… ». Ce « Chariot d’or » était particulièrement vieillot. Seuls, la salle à manger et les salons ont gardés les traces et le décor, défraîchis et usés,  de sa splendeur passée. On y est accueilli aujourd’hui non plus par la vieille dame ronchonne qui regarde si vous vous êtes bien essuyé les pieds avant d’entrer, mais par une femme avenante dont l’accent laisse penser qu’elle est d’origine suédoise et c’est une autre dame, d’origine philippine elle, qui vous sert le petit déjeuner ; bref des françaises comme nous les adorons puisqu’elles font râler les Lepen, père et fille. La chambre était bien tapissée de vieux papiers, le lit confortable, la salle de bain plus grande que celle que nous avions dans notre palace newyorkais et le double vitrage ne laissait passer aucun bruit. Dans nos city trips, nous ne rentrons à l’hôtel que pour nous changer pour le dîner du soir et ensuite, fourbus, souvent un peu pompette, pour dormir. Nous faisons donc tout pour fuir les hôtels sans âme, sans passé et aseptisés. Ce n’est pas le cas quand nous partons pour séjourner durant des vacances plus longues bien sûr. Le Chariot d’or et le Tiquetonne se trouvent à Montorgueil, près de Beaubourg et de la Grande Halle.
En un bon quart d’heure, vous êtes à la Butte aux cailles. Vous prenez la ligne sept du métro, descendez Place d’Italie, prenez à pieds le boulevard Blanqui et à hauteur du numéro 51, (de l’autre côté du boulevard se trouvent le beau bâtiment du journal « Le Monde ») un passage sous le HLM et des escaliers vous conduisent à la Butte. De suite vous êtes dans un autre Paris, fait de petites maisons, d’ambiance populaire et conviviale, d’absence de voitures et de bruits de circulation, de sirènes et de coups de klaxons…Les habitants de la Butte ont été les derniers à se rendre aux versaillais lors du renversement de la Commune, aussi les cafés et les restaurants portent des noms tels que « Le Clément », « La folie en tête », « Le Merle Moqueur ». Certains ont des noms qui ont quitté l’époque de la Commune, ainsi au Passage Barrault, un café a pour nom « les oiseaux de passage ». Nous, nous venions pour aller manger au restaurant « Le Temps des Cerises », société coopérative ouvrière de production comme le dit l’enseigne. Le décor et l’ambiance y sont d’une simplicité qui rend le lieu magique. Sur les treize personnes qui y travaillent, dix sont des coopérateurs. Tous ont presque le même salaire et 3 jours de congé par semaine. Un lunch (entrée+plat ou plat+dessert) vous est déjà proposé à partir de 11€. J’ai pris la formule à 16€, Marlène a pris le plat seul, ce qui nous a permis de partager l’entrée faite de fromage blanc au concombre et céleri. Je n’aurais pas su manger ces 500 gr de fromage seul. Marlène a pris de délicieuses joues de porc, parfaitement cuites, moi, j’ai eu droit à un boudin noir à la Normande : un caquelon chaud recouvert de tranches de pomme cuites en-dessous desquelles, j’ai trouvé de la compote un peu rosée dans laquelle j’ai trouvé mes deux boudins noirs cuits. Original, simple et bon. Si nous avons payé 48e c’est parce que nous avons pris chacun un demi litre de vin, Marlène boit du blanc, moi du rouge.
Nous avons traîné un  peu dans le resto, ambiance trop bonne, et sommes partis en nous promettant d’y revenir même si on sent que le lieu finira envahi par les bobos venant du tout Paris.
Si l’envie vous prend d’y aller, nous avons découvert un hôtel intéressant, dans le quartier. Vous voyez, un de ces hôtels où les gens louent la chambre à la semaine, au mois ou à l’année, là où va se réfugier le pauvre homme dont la femme menace de tuer le chat, là où le représentant de commerce dépose ses produits de démonstration, là où une vieille concierge passe ses journées derrière son rideau, qu’elle écarte légèrement pour dévisager le nouvel arrivant qui ramène une fille dans sa chambre en plein milieu de l’après midi…Je vous assure que cela vaut la peine de faire l’expérience si le Paris qui vous intéresse n’est pas (seulement) le Paris classique, mais bien celui des gens. La chambre pour une personne avec coin cuisine est à 140€ la semaine, 170 avec cuisine et bain. La chambre pour deux avec cuisine est à 200€ la semaine et à 240 avec cuisine et bain. Il s’appelle « l’hôtel des cinq diamants » à la rue des cinq diamants. Vous pouvez ne pas prendre la salle de bains et utiliser les nombreux bains publics encore bien présents à Pazris, dont un très beau près de Beaubourg.
Justement, l’après midi, nous sommes allés à Beaubourg,  visiter la rétrospective sur Munch. Riche de 140 peintures et photos, elle a plu à Marlène, à moi moins. Evidement, la spécialité de Munch, le névrosé, était de recopier jusque dix ou douze fois ses tableaux, se faisant un point d’honneur à bâcler son travail, qui s’il était très expressif, manquait grandement d’imagination et de créativité. Bref, je comprends qu’on puisse aimer mais moi, pas. Heureusement les douze euros du prix d’entrée donnent accès aux collections permanentes, réparties sur deux étages du Centre Pompidou, l’un pour la période de 1960 à nos jours, qui s’ouvrent par une toile d’un de mes peintres préférés, Cy Twombly,  l’autre couvrant la période de 1905 à 1960, moins intéressante pour nous parce que vus et revus…
Nous avons soupé dans le quartier où nous logions : Montorgueil, autre village parisien qui couvre les rues Tiquetonne, Montorgueil et Saint Denis. La rue Saint Denis des prostituées d’hier, des filles de joie, des dames de plaisir où n’importe quel nom respectable que vous voulez leurs donner. Il y en avait encore quand nous étions venus la dernière fois. Aujourd’hui, les « maisons closes » ou les « hôtels de passe » ont laissé place aux restaurants et aux cafés où vous payez minimum cinq euros le plus petit verre de vin.
Je découvre depuis New York et surtout Clesea, que l’on peut mesurer la « boboisation » d’un quartier aux nombres, au  design et à la cherté des vélos qui y circulent. Inimaginable de voir des vélos à cinq ou six mille euros qui amènent les aisés de Paris dans les dizaines de restos de Montorgueil qui est ainsi devenus « Le » quartier branché du centre. Nous avons mangé des plats « modernes », pas extraordinaires, mais nous est venus l’idée de détourner le contenu de l’un d’entre eux pour en faire une merveille. C’est encore secret mais ce sera terrible, vous verrez. C’est aussi  à cela que nous servent les voyages.
Figurez-vous : nous fréquentons le Tiquetonne depuis vingt ans, bien avant le phénomène actuel. Nous y allions pour le charme et le prix (69€ la chambre double) de l’hôtel (à condition de refuser les chambres du sixième étage) et pour sa position centrale, en un quart d’heure vous êtes à Notre Dame ou à Saint Germain. Il ya quelques mois, nous discutions famille avec les parents de Marlène, en Espagne ; nous parlions d’un des oncles de Marlène, mineur antifranquiste, réfugié à Paris et le père de Marlène de nous dire « je me souviens encore du nom de la rue car c’était un nom spécial « rue Tiquetonne ». Prononcez à la façon du père de Marlène cela donne « roué Tiquétonné ». Nous étions abasourdis et avons dit pourquoi bien sûr. Une coïncidence qui ferait pâlir d’envie Paul Auster.
Le lendemain, nous avons visité deux autres villages parisiens. Le premier, nous l’avons fait en croisière sur un bateau, « l’Arletty », sur le canal Saint Martin. La croisière dure deux heures trente qui est un peu plus que le temps nécessaire pour passer les quatre doubles écluses qui permettent de rejoindre le canal d’Ourq à la Villette (on n’y tranche plus le lard puisque l’abattoir, dans le parc de la Villette, est devenu la Cité des sciences à côté de la Cité de la musique, parc dans lequel j’avais durant cinq mois installé avec sept ONG française, en 2001, l’expo du CIRE où nous avions accueilli septante cinq mille visiteurs.)
L’intérêt de la croisière est bien sûr le passage du canal souterrain d’un km huit cents et le passage de la première double écluse. A la deuxième double écluse, vous êtes bien mouillé et dans les deux dernières écluses, complètement blasés. Mais cela a un certain charme, surtout au passage devant l’hôtel du Nord, du même nom que le film de Marcel Carné qui y a été tourné, vous entendez les voix d’Arletty et de Jouvet bien sûr, « atmosphère, atmosphère, est-ce que j’ai une tête d’atmosphère ? ». Le canal de l’Ourq a été construit par Napoléon pour amener l’eau potable à tous les parisiens car jusque là, la bonne eau était réservée aux classes privilégiées. Pour financer ce canal de plus de cent kilomètres, Napoléon eut l’idée de taxer le vin, vendus dans l’enceinte du Paris d’alors dont ne faisait pas partie le village de La Villette. On dit depuis lors que c’est le vin qui a payé l’eau des parisiens. Mais, à La Villette, on cultivait la vigne qui produisait une piquette appelée guinguette. Les ouvriers parisiens prenaient le train à la gare d’Austerlitz pour aller boire ce vin, non taxé,  le dimanche, au bord de l’eau, d’où le nom de guinguette donné aux endroits où l’on buvait le guinguette.
Aujourd’hui, les guinguettes ont pratiquement disparus pour laisser place à l’asphalte et au béton.
Le départ du bateau est à 9h45 au « Port de l’Arsenal ».  Pour y aller, prenez la ligne cinq et descendez à Bastille, sorti du métro, vous y êtes. Si vous ne voulez pas d’une croisière, cela vaut la peine de parcourir les quatre à cinq km des chemins de halage du canal Saint Martin, (je ne suis pas sûr qu’on puisse aller à pieds dans le souterrain) d’admirer ses écluses et ses passerelles, de boire une bière dans un des bistrots qui le bordent en écoutant parler le « parigo ».
La rue des martyrs est un autre village, en dessous de Pigalle (prendre le métro Pigalle, ensuite parcourir cent mètres dans le boulevard Clichy et descendre la rue des Martyrs) Notre amie Nadia nous avait renseigné un restaurant bio, « le Rose Bakkery », au numéro 49. Très belle découverte. Le lieu est d’une simplicité totale, un petit bouiboui propret, l’ambiance y est aussi excellente, le restaurant magasin ne désemplit pas et le saumon bio, fumé, accompagné d’œufs brouillé que Marlène a choisi et accepté de partager avec moi, est divin. J’avais pris une assiette de légumes pas mal non plus, avec beaucoup de graines de couges, de tournesol et de pignons, mais pas aussi bonne que celle que nous servons à Como en casa. Nous avons fait connaissance avec un des patrons et avons oublié de lui demander où il se procurait ce saumon. La rue est remplie de commerces magnifiques, de caves à vin très bien achalandés, de boulangeries artisanales dont une, bio, où les pains et les tartes sont extraordinaires. Croyez-moi j’ai rarement vu d’aussi belles marchandises.
Nous nous y sommes promenés et avons ensuite traversé tout Paris à pieds, par le jardin des tuileries, en passant « curioser » aux magasins Lafayette et Printemps, d’où nous avons fuis les hordes de japonaises, pour gagner Saint Germain et nous offrir le luxe d’un verre à la brasserie les Deux Magots.
Le dernier jour, c’était dimanche, nous étions le 25 septembre et le thermomètre affichait 25 degrés. Mon téléphone, lui,  affichait bon anniversaire et notre flânerie était paradisiaque. Merci à vous pour vos messages. Marlène tenait à marquer le coup et m’a offert un plateau d’huîtres dans un bar spécialisé de Saint Germain. Elles n’étaient pas bonnes, elles étaient succulentes. Je n’ai pris que des numéros trois et les perles blanches (d’Aquitaine je crois) charnues, fraîches, servies sur un plateau refroidi à l’azote, qui fumait en son milieu.  On nous a fait payer cher le verre de Chablis mais, que voulez-vous, on n’a pas tous les jours soixante ans.
Les lieux « classiques » de Paris sont devenus impossibles à fréquenter, ce sont des milliers et des milliers de touristes qui s’y pressent et font la file. Heureusement, nous avions flâné de bonne heure le long de la Seine, à visiter les bouquinistes et y acheter un virux recueil d’Eluard et la première édition de monsieur Vertigo.
Nous sommes descendus du train venant de Paris et Bruxelles à vingt heures aux Guillemin. Yoann, le fils de Marlène, avait dressé une belle table, le champagne était au frais et nous avons frappé le gewurztraminer vendange tardive, acheté à Paris. Marlène avait préparé un morceau de saumon fumé avant notre départ. Elle avait acheté un filet de 400gr, elle l’a saupoudré très généreusement d’aneth et mis entre deux couches de deux cm de gros sel, couvert d’une planchette avec des poids dessus et demandé à Yoann de l’enlever du sel deux jours plus tard. Il était délicieux.
Yoann ne s’est pas contenté d’enlever le saumon du sel. Il a dépouillé une belle plante de basilic de ses feuilles, a mis celles-ci dans l’hachoir à légumes, avec un morceau de 75 gr de parmesan, plaque d’or, et une cuillère à soupe de pignons arrosant le tout de trois ou quatre cuillères d’huile d’olive. Les pennes furent cuites al dente, le pesto, non cuit, versé dessus et bien mélangé. Yoann a bien insisté pour que l’on sache qu’il ne mettait de sel ni dans la cuisson ni dans le pesto, qu’il fallait l’ajouter dans son assiette, un sel rouge de l’Himalaya, que cela relèverait le goût. J’ai mangé en fermant les yeux pour profiter du plaisir et ai pensé « quel bel anniversaire ».

lundi 26 septembre 2011

soixante ans, déjà.


J'aurais du publier ce texte vendredi mais partant pour Paris, je l'ai oublié. Le voici quand même

Ce dimanche, nous serons le 25 septembre et j’aurai soixante ans. Je me demande parfois si j’adore le mois de septembre parce que c’est mon anniversaire ou parce que je trouve le soleil de septembre particulier et poétique. Les deux sans doute. Je n’aurais jamais cru que cela irait si vite. A certaines périodes de ma vie, j’ai parfois cru que je n’y arriverai pas. Mais j’y suis et il m’est très difficile de le réaliser vraiment, si toutefois il y a quelque chose de particulier à réaliser. Mes enfants me « traitent » parfois comme « un vieux », alors que moi, j’ai l’impression d’être comme j’ai toujours été : en forme, curieux, avec des tonnes de projets pour les vingt ans à venir. J’ai commencé à faire du vélo depuis avril, ce que je n’avais jamais fait. Il serait plus juste de dire que j’ai commencé à faire de la bicyclette, des balades, et qu’aujourd’hui, je fais du vélo. Le coup de pédale est plus sportif, je fais mes vingt cinq à trente kilomètres chaque jour et de temps en temps je vais jusque Masstricht ou Comblain au pont…
Nous ne ferons pas de fête pour mon anniversaire, simplement parce qu’il était prévu de la faire avec Paco, mon beau frère qui allait aussi faire soixante ans. Nous avions envisagé de fêté cela en Italie, dans mon village, nous aurions invités des tas de gens, vous tous par exemple, qui auraient pu passer un jour ou deux, en venant de Rome ou de Florence et en allant vers l’Adriatique. Vous auriez dormi sous tentes ou dans des agritourismes des environs, dans les Abruzzes. Nous vous aurions accueilli avec Porchetta et focaccia…Mais un cancer du pancréas à emporter Paco en quelques mois et l’envie de fête n’y est pas. Une autre année peut être ou à une autre occasion.
Marlène m’offre trois jours à Paris, (à Paris, quand un amour fleuri, cela fait pendant des semaines deux cœurs qui se sourient tout cela parce qu’ils s’aiment, à Pariiiis…) nous irons manger au Temps des Cerises, un restaurant coopératif de la butte aux cailles, nous ferons une balade en bateau partant du canal Saint Martin et traversant les endroits que les vieilles chansons françaises évoquent, je vous raconterai bien sûr. Le centre Pompidou expose Munch, je m’en régale à l’avance.
Quand j’ai dit à Eliane, une amie,  que je faisais soixante ans, elle m’a dit « oh, c’est bien ça !» et je ne savais pas si elle voulait dire que c’était bien d’avoir soixante ans ou si c’était bien d’avoir son anniversaire, quel qu’il soit, ou si c’était bien d’en profiter ou que sais-je encore ?
Alors, je me suis demandé si c’était bien d’avoir soixante ans et je me suis répondu oui. Comme j’aurais dit que c’était bien d’avoir cinquante ans (là, on avait fait la fête en Italie avec Paco, Nino, Giovanni, Vicensinno…).
C’était bien aussi d’avoir quarante ans, ma vie a complètement changé à quarante ans,  « bon, maintenant tu décides Mario parce que bientôt il sera trop tard » avais-je pensé, et je ne le regrette pas, que du contraire.
D’ailleurs, je ne regrette rien de ce que j’ai fait. Je suis heureux de ce que j’ai vécu jusqu’à présent et souvent je me dis quelle chance, mais quelle chance ! Que cette vie est belle, riche, parfois difficile mais  si surprenante et gaie quand on la regarde avec curiosité et qu’on accueille ce qui se présente.
Du plus loin que je m’en souvienne, ma vie m’a plu et l’ambiance qui domine est la luminosité du soleil, jaune tendre. En face de notre maison d’enfance à Strépy, il y avait le jaune du blé mûr à perte de vue, décoré du plus beau terril de la région, noir et vert, du « bo carré » (le bois carré), et des marres d’eau ou des immenses bac à eau des vaches. Un paysage vieille France dans lequel nous courrions, nous cachions, jouions à la guerre... Je vous ai déjà raconté le fermier qui arrivait épuisé près de ma mère après nous avoir poursuivis en courant parce que, garnements que nous étions, nous avions enlevé la bonde du bac à eau.
Mon souvenir le plus lointain, celui qui a sans doute scellé ma relation avec ma mère, me revient souvent. J’étais bébé, dans la chambre de mes parents, celle qui donnait sur le champ de blé. Je me réveille dans mon lit de bébé, complètement fermé. Non par des barreaux mais des plaques de bois pleines. Je ne vois donc rien de ce qu’il y a à droite ou à gauche, je vois le dessus des murs, le plafond, éclairés de soleil. Cette belle couleur lumineuse dont je vous parlais. J’ai fait sous moi, dans mon lange. Je ne pleure pas, j’attends, je ne crie pas, je ne pleure pas, je suis bien mais ai un peu peur que ma mère me gronde. Je vois le dessus de la porte qui s’ouvre, ma mère entre, les cheveux mi courts, elle est grande, fine, belle, elle me sourit, me dit que je suis son bébé sage, qu’il a fait un gros dodo, se penche pour me prendre dans ses bras. Je souris, gesticule, elle me prend et me couvre de baisers, me répète que je suis son bébé et je serre très fort son cou dans mes bras…Cela s’arrête là. Je n’ai sans doute pas un an ou alors à peine, et pourtant je m’en souviens exactement.
Et bien, c’était moi et ce n’était pas un autre moi, je suis celui-là même aujourd’hui, et à soixante ans, n’ai pas l’impression d’avoir changé par rapport à l’enfant que j’étais, toujours heureux d’ouvrir les yeux.
Bien sûr, tout n’a pas toujours été rose. La méchanceté de certains, la solitude au collège, une forte dépression a diagnostiqué le médecin quand j’avais quinze ans, des incertitudes obsédantes quand au sens de la vie, des actions et des engagements ; ces combats qu’il faut mener si non on ne sait pas vivre, cet argent qu’il faut toujours aller chercher quand vous travaillez dans le social et que vous êtes dans des postes à responsabilité, des coups de cafards, des déceptions, tout ce qui fait une vie et pourtant, finalement, quand on a reconnu et assumé ses imperfections humaines le bilan est positif
Il faudrait que je vous raconte mes engagements qui furent autant d’aventures. J’avais besoin des deux, je crois que je n’aurais jamais pu m’engager si je n’avais été qu’exécutant. J’ai pris des risques, dans l’Haïti de Duvalier, dans la Pologne de Jaruzelski, dans la Grèce des colonels, dans la Prague de la fin du communisme. Les montées d’adrénaline me plaisit, me stimulait, je les recherchais. J’ai rencontré de grands hommes, qui m’ont marqué. Celui qui m’a marqué le plus est aujourd’hui tombé dans l’oubli : Jiri Hayeck (je ne suis plus sûr de l’orthographe de son nom). Il avait été ministre des affaires étrangères de Dubcek dans la Tchécoslovaquie du socialisme démocratique. Il me recevait dans sa maison modeste de la banlieue de Prague, me faisait du thé, parlait de la charte 77, de ses a engagements et me prédisait la fin du système. Je l’ai écrit, en septembre 89, quelques mois avant la révolution de velours. Cela m’a valu des ennuis, je vous passe les détails.
Bon mais qu’est-ce que j’ai à vous raconter tout cela ? Vous allez me prendre pour un vieux radoteur ! Surtout, n’hésitez pas à me dire si toutes ces histoires vous dérangent.
 Mais je ferais mieux de vous expliquer comment j’ai fait le « pain de courgettes » hier soir. C’est Ilva, une amie à ma mère, qui m’a enseigné ce « pain de courgettes ».
J’ai coupé les courgettes en tranches d’1 cm. Trois belles courgettes de 25 cm, les ai saupoudrées de sel et les ai laissées dégorger durant deux bonnes heures (elles rejettent leur eau). Suis retourné à ma lecture passionnante : « Ce qui a dévoré nos cœurs » de Louise Erdrich, chez Albin Michel.
Vers 18h30, J’ai mis une casserole d’eau salée à bouillir, ai rincé les courgettes et les ai plongées dans l’eau bouillante, cinq minutes, pour bien les blanchir en somme.
Parallèlement, J’ai coupé, assez petit, un oignon moyen et trois gousses d’ail que j’ai fait brunir lentement dans de l’huile d’olive et j’y ai fait revenir six cents grammes d’haché porc et bœuf, en émiettant bien l’haché et en le saupoudrant de persil, de basilic et de graines de cumin (une bonne cuillère à soupe de cumin).
J’ai pris un plat allant au four (un plat en terre cuite, acheté au Portugal, il y a bien trente ans), y ai mis les courgettes que j’avais entre temps passées au mix-soupe, ai  mélangé avec haché, rectifié l’assaisonnement (sel-poivre) et mis au four que j’avais préchauffé à 230 degrés. Quand cela a commencé à doré après 35 minutes, nous sommes passés à table et je suis désolé de ne pas pouvoir vous le faire goûter car il n’en est rien resté.

jeudi 22 septembre 2011

Le pot de mayonnaise et le vin

Ce texte n'est pas de moi, même si je l'ai un peu arranger à ma sauce. Je ne sais de qui il est. Si vous le savez, merci de me le dire et je le ferai savoir.



 
Quand les choses de la vie te paraissent incontrôlables, quand 24 heures dans une journée ne suffisent pas, souviens-toi du pot de mayonnaise… et du vin
Un professeur était debout devant sa classe de philosophie et avait quelques articles sur le bureau devant lui.  Quand le cours débuta, sans dire un mot, il prit un grand pot de mayonnaise vide et il commença à le remplir de balles de golf.  Ensuite il demanda aux étudiants si le pot était plein. Les étudiants dirent : "Oui."
Alors le professeur prit une boîte de cailloux et en mit dans le pot. Il brassa le pot de mayonnaise. Les cailloux roulèrent partout autour des balles de golfs.  Il demanda encore aux étudiants si le pot était plein.
Les étudiants dirent : "Oui."
Le professeur prit ensuite un sac de sable et en versa dans le pot.  Le sable s’intégra partout entre les balles de golf et les cailloux. Il demanda encore si le pot était plein. Les étudiants répondirent unanimement: « cette fois définitivement Oui."
Le professeur prit alors 1 bouteille de vin sous la table et la versa dans le pot de mayonnaise remplissant effectivement tout l’espace libre entre le sable. Les étudiants se mirent à rire.
”Maintenant,” dit le professeur, “Je voudrais vous montrer comment ce pot de mayonnaise représente votre vie.  Les balles de golf sont les choses les plus importantes dans votre vie – votre famille, vos enfants, votre santé, vos amis, vos passions, des choses que même si veniez à perdre tout le reste, s’il ne vous restait que celles-là, votre vie serait bien remplie. ”Les cailloux représentent les autres choses qui ont une importance pour vous comme votre travail, votre maison, votre automobile. "Et le sable est tout le reste – des petites choses sans vraiment d’importance."Si vous placez le sable en premier dans le pot," dit-il, "Il n’y aura plus de place pour les balles et les cailloux. "C’est la même chose dans votre vie. Si vous dépensez toute votre énergie pour des affaires secondaires, il n’y aura jamais de place pour celles qui sont importantes pour vous. Portez une attention toute particulière aux choses qui sont nécessaires à votre bonheur.  Jouer avec vos enfants. Prendre le temps de passer un examen médical régulier. Aller au restaurant avec son conjoint ou sa conjointe. Rencontrer vos amis régulièrement. Visiter vos vieux parents plus souvent.  Jouer un autre 18 trous. Il restera toujours du temps pour nettoyer la maison ou sortir les vidanges."
"Prenez soin des balles de golf en premier, les choses vraiment importantes.  Ayez des priorités. Le reste, c’est juste du sable"
Un des étudiants leva sa main et demanda au professeur : “Et le vin dans tout ça ?”
Le professeur sourit.
“Je suis heureux que tu le demandes." dit-il. "C’est juste pour vous montrer que même si votre vie est remplie à pleine capacité, il y a toujours de la place pour un bon verre de vin."