mercredi 19 octobre 2011

Le foie gras de Nadia


Cette année je reçois plus souvent que d’habitude des nouvelles de Nadia. Nadia c’est ma plus jeune sœur, elle vit à Nantes. Je l’appelle du même petit nom que ma mère lui avait donné : « Nadichou ». Elle doit être seize ou dix sept ans plus jeune que moi. Enfant, elle était la petite gâtée de la famille.  A Nantes, elle habite le centre historique, entre le pont et la prison, protégée par les murs du château. Elle a connu la fille du geôlier, le geôlier lui-même et le prisonnier itou. Son appartement du premier étage est vaste et magnifique, elle y vit avec un « coloc ». Appartement de style bourgeois empli d’objets kitch et de couleurs plus ou moins criardes, hétéroclites, mais harmonieuses. C’est bien qu’elle soit là-bas, cela nous a permis de découvrir cette ville et son « Lieu Unique », extraordinaire centre d’Art, avec sa brasserie et son café tels que nous rêverions de les réaliser à Liège, installé dans l’ancien complexe industriel qui était la fabrique des biscuits LU. Le Lieu Unique est dirigé par Jean Blaise, le même qui a organisé la première Nuit Blanche de Paris pendant que j’organisais celle de Bruxelles. Nadia me donne habituellement de ses nouvelles quatre fois par an : au nouvel an, à la veille des vacances, après les vacances et avant la Noël. C’est jamais plus de quatre lignes sur une carte postale ou dans un mail. Parfois elle revient nous voir à la Noël mais comme elle trouve que nous ne changeons pas, elle s’en va bien vite. Cette année je recevrai cinq fois de ses nouvelles car elle m’a envoyé un SMS pour mon anniversaire. Ce n’était pas quatre phrases cette fois mais juste quatre mots « Bravo, te voilà sexygénaire ». La dernière fois que nous avons été à Nantes, ses amis et amies, nombreux, nous ont fait comprendre que Nadia était « une personnalité » dans la ville qui adorait son originalité. Nadia est photographe de formation. Elle a fait beaucoup de noir et blanc et comme on lui disait d’essayer la couleur, elle s’est mise à peindre ses photos à la main, ce qui a donné de très belles œuvres dont certaines sont exposées chez nous. Aujourd’hui, on pourrait dire que Nadia est « animatrice d’événements ». Ses animations, qui vont parfois de la déco de la salle et des tables, à la musique en passant par les buffets tapas et bouchées, s’appellent : « Nadia met sa musique dans ton bar ». Elle anime des soirées sur base de vieilles chansons françaises dont elle met le début et que les gens doivent reconnaître. Elle a un co-équipier animateur qu’on appelle « super Guy de Luxe » et ces soirées tournent parfois au délire. On s’est toujours promis d’en organiser une à Como en casa, cela finira par arriver. Nadia s’habille de fripes qu’elle customise et qui sont toujours d’une élégance au dessus de la moyenne. Si je devais la décrire physiquement, je dirais qu’elle a un côté Pénélope Cruz et un côté Sophia Loren. Elle est pince sans rire et elle s’amuse à terroriser les garçons qui la regardent de trop près « dis-moi mon petit, quel est ton problème ? » C’est radical. La réponse est le plus souvent un bredouillage incompréhensible et Nadia doit parfois s’adoucir et consoler pour éviter que le mec, cramoisi,  ne s’écroule en larmes. Quand elle vient nous voir, Nadia nous apporte toujours des bonnes choses de sa fabrication. Si dans la famille nous pratiquons tous la cuisine, c’est elle qui a la palme de l’originalité. Son foie gras cru, au torchon est imbattable. Ses amis, et elle ne fréquente que du beau monde, nous disent que c’est une des meilleures tables de Nantes. Pour le "foie gras de Nadia" (c’est le nom officiel donné à ce met dans la région de Nantes), il faut séparer le lobe frais, pour éveiner et dénerver. Ensuite, reconstituer le lobe en serrant bien. Saupoudrer généreusement le foie d'une grosse cuillère à soupe de poivre ou piment doux (Espelette), Nadia dit avoir déjà essayé les 2 et les 2 sont bons. D’ailleurs, la dernière fois elle a fait un mélange de poivre et de piment d’Espelette et ce fut encore mieux. Envelopper le foie dans de la gaze à pansements (une seule couche). Dans une terrine, mettre un lit de gros sel (2cm), y poser le foie en tassant bien. Recouvrir de gros sel (2cm) en tassant bien aussi. Poser le couvercle et emballer le tout dans du film plastic. Mettre au frigo environ 12h. Ensuite, retirer le sel et la gaze et rincer à l'eau froide quelques secondes, essuyer en tamponnant avec du papier de cuisine, présenter dans un beau plat, décorer, déguster. A Nantes, Nadia  le sert sur du pain brioché toasté, accompagné de fleur de sel et d’une compotée d'oignons à la cassonade déglacée au balsamique...
Je vous disais hein !  Nadia fait comme moi, comme faisait notre mère d’ailleurs, quant c’est servi, elle ne dit rien, elle attend les réactions, mais le silence religieux qui règne lors des premières bouchées est le compliment qu’elle apprécie le plus.
Outre de bonnes préparations culinaires, elle nous apporte aussi chaque année une nouvelle blague de son cru, la dernière est celle-ci : C’est un belge dans un compartiment avec deux français qui ont décidé de se le payer. Le belge demande au premier français « vous allei où une fois ? » Et le français de répondre « à Parisse ». « A Paris quoi ! « dit le belge. « Non, non à Parisse avec deux s » dit le français. « Ah bon et vous monsieur vous allez où ? » Et le deuxième français de répondre « Moi à Bordeauxxe  avec deux x ». C’est cela avec deux x, pense le belge qui comprend qu’on se paie sa tête et décide de se replier dans son coin. A la station suivante, monte un troisième français et le belge espère bien s’en faire un pote : « allei monsieur, assoyiez vous ici une fois », « ah » dis le nouveau venu, « mais vous êtes belge vous ». « Oui, oui » répond notre ami. « Et vous allez où vous ? » demande le français. «  Moi, je vais à Macon et désignant du pouce les deux autres voyageurs, il ajoute…avec deux cons ».
Il y aurait tant de choses à dire de ma petite sœur, mais comme elle ne m’a autorisé qu’à dire des choses bien,  je suis à court évidemment. Le mieux serait que vous la rencontriez. Soit en allant à Nantes, c’est facile : en arrivant à la gare vous demandez à un passant quelconque où vit Nadia et on vous indiquera l’endroit précis,  soit à  l’ouverture de Como en casa, sans doute au printemps prochain, nous verrons si elle peut venir passer trois jours et travailler avec nous. L'entrée sera payante évidemment car l'artiste vit de son art.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire