vendredi 30 septembre 2011

mes années à Bonne Espérance



Bonne espérance est une magnifique ancienne Abbaye des Prémontrés. (Un ordre religieux, le même qui possédait également l’Abbaye de Floreffe). A l’époque, l’internat était obligatoire à Bonne Espérance et nous rentrions à la maison tous les quinze jours, du samedi midi au dimanche soir où nous devions être de retour au collège dés 18h30. A partir de 1964, le retour à la maison avait lieu chaque semaine.Nous dormions dans des alcôves assez petites, en bois avec lit et armoire intégrés. La plupart des alcôves disposaient d’un lavabo et d’un « pisse pot » qu’un vieux monsieur vidait tous les matins. Mais j’ai occupé pendant un an une alcôve dans ce qu’on appelait « le sous marin », en raison de ses fenêtres rondes, alcôve sans lavabo avec juste un broc et une vasque. Nous étions un peu plus de 300 élèves, venant de toutes la Belgique francophone, la plupart étaient issus de familles privilégiées et nous n’étions que quelques uns de familles ouvrières.
Le matin, nous étions réveillés par une cloche qu’agitait un des deux prêtres surveillants quand ce n’était pas par le préfet de discipline, l’abbé Deblaere (tiens, comme Claudine !). Nous avions alors trois minutes pour enfiler short, chemisette et sandales de gym et courir nous aligner dans le corridor, par classe. Nous descendions alors, conduit par un « moniteur» (des élèves de rétho) faire notre quart d’heure de gymnastique matinale dans les cloîtres de l’abbaye. Nous remontions ensuite et nous avions un quart d’heure pour nous laver, nous habiller, nous remettre en file dés le son de la même cloche, pour descendre les mêmes escaliers qui nous conduisaient cette fois dans la basilique pour les prières du matin. Celles-ci duraient 20 minutes.C’est durant une de ces prières matinales que le 22 novembre 1963, le
préfet nous annonça, de façon solennelle et dramatique, l’assassinat de Kennedy. Nous fûmes très marqués par cette annonce et pensions que le monde allait basculer dans la  guerre ou dans d’autres catastrophes. On nous demanda donc de prier pour le repos de son âme et pour la paix dans le monde.
 
Après les prières nous allions au réfectoire. Là, c’était la prière avant le repas (vous comprendrez que j'ai assez prié là pour le reste de ma vie), puis nous déjeunions et le surveillant qui tournait autour du réfectoire nous faisait un signe  nous autorisant à parler. En effet, jusque là, nous étions levés depuis plus d’une heure que nous avions vécu dans le silence total car il était interdit de parler entre nous. Le « réfectoire des petits », était fait de colonnes et de grandes voûtes magnifiques, mais n’était pas aussi beau que le « réfectoire des grands » qui occupait la salle capillaire, toute décorée de toiles peintes, de boiseries et de vitraux, mais tellement sombre qu’elle avait un côté malgré tout déprimant. C’est dans le réfectoire des petits que j’ai mené ma première grève. En effet, nous étions autour de tables de dix places et chaque jour, c’était un élève
différent qui pouvait se servir le premier de margarine (je détestais) et de confiture. Les pots circulaient dans le sens des aiguilles d’une montre et c’était imparable, malgré les efforts de chacun, le dernier n’avait ni margarine, ni confiture à mettre sur son pain. Ainsi si c’était moi qui me servait le premier aujourd’hui, je savais que le lendemain, je serais le dernier. Nous avions le même problème les « jours de frites » à midi, il y avait toujours un élève de la table qui n’avait pas de frites. Un jour, j’étais dans ma deuxième année de collège, j’ai proposé à ma tablée de faire la grève du petit déjeuner. Personne ne toucha au pain jusqu’à ce que le surveillant, intrigué, vienne demander ce qui se passait. Je lui dis, « puisqu’il n’y a pas de confiture ni de margarine pour tous, personne ne mange ». Il partit furieux et revint après 5 minutes me dire à l’oreille « es-tu sûr que tu paies ta « pension » entièrement ici ? » De fait, mon père avait obtenu une réduction car le coût de l’internat était élevé. J’en fus humilié et j’ai dit aux autres, qui ne comprenaient pas et voulaient savoir, « c’est fini, on mange ». Le lendemain, le prêtre est venu s’excuser de ce qu’il m’avait dit et de ce jour, sur chaque table il y avait deux pots de confitures et deux beurriers. On abandonna alors ce système qu’on appelait « les tours ». Mais je n’ai jamais oublié cet incident.
Après le petit déjeuner, nous avions un break de vingt minutes, avant de nous rendre dans l’immense salle d’étude, préparer cahiers (merveilleux cahiers noirs avec la tranche rouge) et livres de cours, nous aligner par classe en présence de notre titulaire qui nous conduisait en classe. Mon titulaire de sixième (la sixième A)
s’appelait  Lechat, le titulaire se la sixième B s’appelait Loiseau. Vous imaginez bien les blagues qui courraient.
J’ai de bons souvenirs de Bonne Espérance, ma famille , mes frères, mes amis me manquaient bien sûr, mais j’avais conscience d’être dans un cadre extraordinaire, d’être privilégié. Nous avions nombre d’activités, collectives et individuelles qui allaient de la musique au foot, aux grandes promenades …
La suite à demain

1 commentaire:

  1. Dans les années 1983 et 1984 (pratiquement les dernières avant l'arrivée de la mixité à Bonne-Espérance), les réveils dans les dortoirs se faisaient aussi à la cloche. Les élèves disposaient d'un quart d'heure pour se préparer. Venait ensuite la descente pour la prière du matin (toujours un je vous salue marie, un gloria, un pater). Ensuite, l'étude puis le petit déjeuner (avec toujours la même prière : seigneur, bénissez-nous ainsi que la nourriture que nous allons prendre et que nous tenons de votre bonté. Par Jésus-Christ notre Seigneur Amen... Le changement du n de nourriture en p pouvait coûter 500 lignes). Caractéristiques de Bonne-Espérance en 1982, 83 et 84 : pas de télévision mais bien souvent des activités communes (jeux communs, football...). Il y avait aussi en première année une demi-heure de lecture imposée chaque soir. Et de temps à autres des soirées "visages et réalités du monde" (parmi les premières du genre en Belgique ?)

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