lundi 26 septembre 2011

soixante ans, déjà.


J'aurais du publier ce texte vendredi mais partant pour Paris, je l'ai oublié. Le voici quand même

Ce dimanche, nous serons le 25 septembre et j’aurai soixante ans. Je me demande parfois si j’adore le mois de septembre parce que c’est mon anniversaire ou parce que je trouve le soleil de septembre particulier et poétique. Les deux sans doute. Je n’aurais jamais cru que cela irait si vite. A certaines périodes de ma vie, j’ai parfois cru que je n’y arriverai pas. Mais j’y suis et il m’est très difficile de le réaliser vraiment, si toutefois il y a quelque chose de particulier à réaliser. Mes enfants me « traitent » parfois comme « un vieux », alors que moi, j’ai l’impression d’être comme j’ai toujours été : en forme, curieux, avec des tonnes de projets pour les vingt ans à venir. J’ai commencé à faire du vélo depuis avril, ce que je n’avais jamais fait. Il serait plus juste de dire que j’ai commencé à faire de la bicyclette, des balades, et qu’aujourd’hui, je fais du vélo. Le coup de pédale est plus sportif, je fais mes vingt cinq à trente kilomètres chaque jour et de temps en temps je vais jusque Masstricht ou Comblain au pont…
Nous ne ferons pas de fête pour mon anniversaire, simplement parce qu’il était prévu de la faire avec Paco, mon beau frère qui allait aussi faire soixante ans. Nous avions envisagé de fêté cela en Italie, dans mon village, nous aurions invités des tas de gens, vous tous par exemple, qui auraient pu passer un jour ou deux, en venant de Rome ou de Florence et en allant vers l’Adriatique. Vous auriez dormi sous tentes ou dans des agritourismes des environs, dans les Abruzzes. Nous vous aurions accueilli avec Porchetta et focaccia…Mais un cancer du pancréas à emporter Paco en quelques mois et l’envie de fête n’y est pas. Une autre année peut être ou à une autre occasion.
Marlène m’offre trois jours à Paris, (à Paris, quand un amour fleuri, cela fait pendant des semaines deux cœurs qui se sourient tout cela parce qu’ils s’aiment, à Pariiiis…) nous irons manger au Temps des Cerises, un restaurant coopératif de la butte aux cailles, nous ferons une balade en bateau partant du canal Saint Martin et traversant les endroits que les vieilles chansons françaises évoquent, je vous raconterai bien sûr. Le centre Pompidou expose Munch, je m’en régale à l’avance.
Quand j’ai dit à Eliane, une amie,  que je faisais soixante ans, elle m’a dit « oh, c’est bien ça !» et je ne savais pas si elle voulait dire que c’était bien d’avoir soixante ans ou si c’était bien d’avoir son anniversaire, quel qu’il soit, ou si c’était bien d’en profiter ou que sais-je encore ?
Alors, je me suis demandé si c’était bien d’avoir soixante ans et je me suis répondu oui. Comme j’aurais dit que c’était bien d’avoir cinquante ans (là, on avait fait la fête en Italie avec Paco, Nino, Giovanni, Vicensinno…).
C’était bien aussi d’avoir quarante ans, ma vie a complètement changé à quarante ans,  « bon, maintenant tu décides Mario parce que bientôt il sera trop tard » avais-je pensé, et je ne le regrette pas, que du contraire.
D’ailleurs, je ne regrette rien de ce que j’ai fait. Je suis heureux de ce que j’ai vécu jusqu’à présent et souvent je me dis quelle chance, mais quelle chance ! Que cette vie est belle, riche, parfois difficile mais  si surprenante et gaie quand on la regarde avec curiosité et qu’on accueille ce qui se présente.
Du plus loin que je m’en souvienne, ma vie m’a plu et l’ambiance qui domine est la luminosité du soleil, jaune tendre. En face de notre maison d’enfance à Strépy, il y avait le jaune du blé mûr à perte de vue, décoré du plus beau terril de la région, noir et vert, du « bo carré » (le bois carré), et des marres d’eau ou des immenses bac à eau des vaches. Un paysage vieille France dans lequel nous courrions, nous cachions, jouions à la guerre... Je vous ai déjà raconté le fermier qui arrivait épuisé près de ma mère après nous avoir poursuivis en courant parce que, garnements que nous étions, nous avions enlevé la bonde du bac à eau.
Mon souvenir le plus lointain, celui qui a sans doute scellé ma relation avec ma mère, me revient souvent. J’étais bébé, dans la chambre de mes parents, celle qui donnait sur le champ de blé. Je me réveille dans mon lit de bébé, complètement fermé. Non par des barreaux mais des plaques de bois pleines. Je ne vois donc rien de ce qu’il y a à droite ou à gauche, je vois le dessus des murs, le plafond, éclairés de soleil. Cette belle couleur lumineuse dont je vous parlais. J’ai fait sous moi, dans mon lange. Je ne pleure pas, j’attends, je ne crie pas, je ne pleure pas, je suis bien mais ai un peu peur que ma mère me gronde. Je vois le dessus de la porte qui s’ouvre, ma mère entre, les cheveux mi courts, elle est grande, fine, belle, elle me sourit, me dit que je suis son bébé sage, qu’il a fait un gros dodo, se penche pour me prendre dans ses bras. Je souris, gesticule, elle me prend et me couvre de baisers, me répète que je suis son bébé et je serre très fort son cou dans mes bras…Cela s’arrête là. Je n’ai sans doute pas un an ou alors à peine, et pourtant je m’en souviens exactement.
Et bien, c’était moi et ce n’était pas un autre moi, je suis celui-là même aujourd’hui, et à soixante ans, n’ai pas l’impression d’avoir changé par rapport à l’enfant que j’étais, toujours heureux d’ouvrir les yeux.
Bien sûr, tout n’a pas toujours été rose. La méchanceté de certains, la solitude au collège, une forte dépression a diagnostiqué le médecin quand j’avais quinze ans, des incertitudes obsédantes quand au sens de la vie, des actions et des engagements ; ces combats qu’il faut mener si non on ne sait pas vivre, cet argent qu’il faut toujours aller chercher quand vous travaillez dans le social et que vous êtes dans des postes à responsabilité, des coups de cafards, des déceptions, tout ce qui fait une vie et pourtant, finalement, quand on a reconnu et assumé ses imperfections humaines le bilan est positif
Il faudrait que je vous raconte mes engagements qui furent autant d’aventures. J’avais besoin des deux, je crois que je n’aurais jamais pu m’engager si je n’avais été qu’exécutant. J’ai pris des risques, dans l’Haïti de Duvalier, dans la Pologne de Jaruzelski, dans la Grèce des colonels, dans la Prague de la fin du communisme. Les montées d’adrénaline me plaisit, me stimulait, je les recherchais. J’ai rencontré de grands hommes, qui m’ont marqué. Celui qui m’a marqué le plus est aujourd’hui tombé dans l’oubli : Jiri Hayeck (je ne suis plus sûr de l’orthographe de son nom). Il avait été ministre des affaires étrangères de Dubcek dans la Tchécoslovaquie du socialisme démocratique. Il me recevait dans sa maison modeste de la banlieue de Prague, me faisait du thé, parlait de la charte 77, de ses a engagements et me prédisait la fin du système. Je l’ai écrit, en septembre 89, quelques mois avant la révolution de velours. Cela m’a valu des ennuis, je vous passe les détails.
Bon mais qu’est-ce que j’ai à vous raconter tout cela ? Vous allez me prendre pour un vieux radoteur ! Surtout, n’hésitez pas à me dire si toutes ces histoires vous dérangent.
 Mais je ferais mieux de vous expliquer comment j’ai fait le « pain de courgettes » hier soir. C’est Ilva, une amie à ma mère, qui m’a enseigné ce « pain de courgettes ».
J’ai coupé les courgettes en tranches d’1 cm. Trois belles courgettes de 25 cm, les ai saupoudrées de sel et les ai laissées dégorger durant deux bonnes heures (elles rejettent leur eau). Suis retourné à ma lecture passionnante : « Ce qui a dévoré nos cœurs » de Louise Erdrich, chez Albin Michel.
Vers 18h30, J’ai mis une casserole d’eau salée à bouillir, ai rincé les courgettes et les ai plongées dans l’eau bouillante, cinq minutes, pour bien les blanchir en somme.
Parallèlement, J’ai coupé, assez petit, un oignon moyen et trois gousses d’ail que j’ai fait brunir lentement dans de l’huile d’olive et j’y ai fait revenir six cents grammes d’haché porc et bœuf, en émiettant bien l’haché et en le saupoudrant de persil, de basilic et de graines de cumin (une bonne cuillère à soupe de cumin).
J’ai pris un plat allant au four (un plat en terre cuite, acheté au Portugal, il y a bien trente ans), y ai mis les courgettes que j’avais entre temps passées au mix-soupe, ai  mélangé avec haché, rectifié l’assaisonnement (sel-poivre) et mis au four que j’avais préchauffé à 230 degrés. Quand cela a commencé à doré après 35 minutes, nous sommes passés à table et je suis désolé de ne pas pouvoir vous le faire goûter car il n’en est rien resté.

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