mardi 17 septembre 2019

Il Forno di Mario


Il Forno di Mario

Passez une journée dans le fournil de Mario et apprenez à faire :
-          Du pain, intégral et/ou blanc, au levain et cuisson au feu de bois.
-          De la pâte aux œufs pour spaghetti et/ou tagliatelle et /ou lasagne
-          Des Msemens, ces fameuses crêpes marocaines délicieuses.
La formation dure 7 heures, de 10h à 17h. (Le pain au levain demande de laisser du temps au temps)
Vous repartez chez vous non seulement avec un savoir-faire, mais aussi avec quatre pains, 300 gr de pâtes et Trois msemens, tous de votre production. Ainsi qu’une base de levain que vous pourrez utiliser toute votre vie.
La participation aux frais est de 13 euros /heure. (Voir plus précisément sur Listminut). Le repas du midi est offert bien sûr.
La journée se déroule comme suit : (Cet horaire est indicatif et peut varier selon la fermentation des pâtes et la vitesse d’exécution de l’apprenant)
9h45 : accueil, café ou thé
10h : infusion de l’huile d’olive aux herbes aromatiques (pour repas du midi) et confection de la pâte pour msemens
10h20 : confection et pétrissage de la  ou des (max 2) pâtes pour pains
10h50 : pendant que la pâte pour pain lève, confection de la pâte pour spaghettis
11h10 : pendant que la pâte à spaghettis repose et se détend, allumage du four avec le bois
11h30 : laminage de la pâte et fabrication des spaghettis ou tagliatelle ou feuille de lasagne.
12h30 : repas : spaghettis à l’huile d’olive infusée aux herbes aromatiques
13h (eh oui, on ne peut pas traîner) : rabattage et pliage de la pâte à pain.
13h15 : gestion du feu à bois, répartition de la chaleur, des braises et des parfums du feu.
13h45 : pesage et boulage des pâtons de pains.
14h15 : pendant que les pains lèvent, confection des msemens
14h45 : évacuation des braises et nettoyage du four
15h : enfournement du pain
15h15 : cuisson des msemens (à la poêle)
16h : défournement du pain
16h15 : remise en ordre du fournil et débriefing
La formation se déroule dans un esprit amical et convivial, vous êtes chez vous durant cette journée. Je ne prends qu’un apprenant à la fois, vous pourrez donc mettre la main à la pâte autant que vous le souhaitez et je vous transmets mon savoir autant que possible.
L’apprentissage est assez exigeant : il faut pétrir, pétrir et pétrir la pâte, allumer et gérer le feu, vider les braises etc…La cuisson au feu de bois suppose un côté « travail de charbonnier ». Sachez-le par avance mais ne craignez rien, c’est moi qui conduis.

Prenez avec vous le jour même :
-          Des vêtements que vous n’aurez pas peur de salir ainsi qu’un tablier et un chapeau pour retenir les cheveux (une casquette ou autre)
-          Un cahier pour y noter les recettes et tout ce qui les accompagne.
Et surtout, n’oubliez pas votre enthousiasme. Vous le verrez, la boulange est un travail passionnant. Mettre ses mains dans la farine, y ajouter l’eau, le levain et le sel, et au bout du processus se retrouver avec un pain chaud, croustillant et délicieusement parfumé…
Après cela, vous n’aurez qu’une envie : achetez vous-même un four à bois (il existe de très bons fours  autour de 500 à 700 euros en province de Liège) et une petite machine à pâtes italiennes.
Mon souhait le plus cher est que l’économie et la production alimentaires domestiques et de qualité se développent autant que possible. Quoi de plus normal que de commencer par le pain.
Des formations complémentaires sont également organisées en séance de trois heures :  
-          Tortellini avec deux farces différentes
-          Ravioli idem
-          Pâtes de couleur
-          Mais aussi pizza, focaccia, sfogliatelle…
Chaque séance dure trois heures. Vous rentrez chez vous avec la moitié de la production. La participation aux frais de ces ateliers est également de 13euros/heure).
Pour vous inscrire à ces formations (les dates sont fixées de commun accord), vous devez, passer par la plateforme listminut. C’est également listminut qui s’occupe des paiements et des aspects administratifs. Facile, suivez le lien "https://listminut.be/fr/listworkers/72656-Mario-G"
Au plaisir de vous recevoir.
Mario Gotto

mardi 21 mai 2019

Les deux frères de la rue des Canadiens



Dès la sortie de l’hiver, j'aime me lever plus tôt et voir la nature s'éveiller. J'en profite ainsi pour tenter de me remettre à l'écriture que, par paresse, j’ai abandonnée depuis un certain temps déjà. Mais, malgré ma bonne volonté, je fixe des heures durant un écran blanc. Je fouille mon passé à la recherche de souvenirs qui pourraient donner prétexte à une histoire. Une foule  de situations me viennent à l'esprit, je sais lesquelles seraient les plus intéressantes et significatives. Mais cela suppose un effort de ma part. Cela m’oblige non seulement à raconter l’histoire mais aussi à évoquer des détails, décrire les gens, l'environnement, les circonstances...Alors la paresse l'emporte et par précaution, par peur d'être entraîné trop loin, je trainaille, regarde par la fenêtre mon jardin s’épanouir, me mets à rêver et pas un mot ne s’imprime.

Pourtant, il y a cette histoire des deux frères de la rue des Canadiens à laquelle je pense si souvent. Il y aurait tant de choses à en dire. Un article lu il y a quelques années dans un journal français à propos d’une toute autre affaire m’avait rappelé ma rencontre avec un des deux frères.  La partager avec vous serait en fait une catharsis et m’enlèverait un fameux poids qui m’encombre depuis l’enfance. Je sais que tant que je ne la mettrai pas noir sur blanc, les souvenirs resteront flous et incomplets. Aujourd'hui j'ai décidé de tenter de surmonter ma léthargie et de commencer à vous raconter, sachant que je pourrais de toute façon abandonner si cela finissait par m’ennuyer. Car pour que l’histoire vous plaise, vous conviendrez qu’il faut qu’elle me plaise aussi et que je prenne du plaisir à vous la narrer. Donc, ce que j’écris est basé sur des faits réels qui se sont déroulés dans le Strépy où j’ai grandi. Mais comme vous le savez, malgré la réalité des faits, la mémoire est parfois capricieuse et  a une fâcheuse tendance à travestir la réalité. D’autant que j’ai bien conscience de vous parler d’un monde  qui n’existe plus et que nous sommes de moins en moins  nombreux à avoir connu.

La rue Des Canadiens à Strépy, est parallèle à la rue Delsamme, celle où nous habitions ma famille et moi. Pour y arriver, nous allions au fond de notre jardin et atteignions une ruelle où se trouvaient deux maisons, celle de la petite Denise et de son fils Oscar, vieux garçon, et une autre maison plus grande, où vivait une famille avec trois enfants. Bien sûr, nous saluions ces derniers quand nous les rencontrions mais nous avions peu de contacts avec eux, nous ne connaissions pas leurs noms, ils ne se mêlaient pas à la vie des gosses du quartier. C'était différent avec Denise et Oscar, ils venaient chez nous et nous allions chez eux. Le boulanger et la laitière passaient par notre cours et jardin pour aller desservir ces deux maisons. Il fallait ensuite prendre la ruelle à droite et tout au bout, en passant au milieu de champs et de prairies, nous atteignions alors la rue des Canadiens. En descendant à gauche, la rue nous conduisait vers la place de Strépy, si par contre nous la prenions vers la droite nous aboutissions à Bracquegnies. Il n'y avait dans cette rue que deux ou trois blocs de maisons d'apparences assez pauvres et mal en point. Par contre il y avait  le charbonnage Saint Julien, son terril, les bâtiments (on appelait l’ensemble des bâtiments le carreau de la mine) y attenant et son château. Le château était entouré d'un grand parc et d'un verger où nous allions parfois « marauder » des sacs de pommes. Aujourd’hui, tout cela a laissé place à un grand complexe sportif, qui a gardé comme nom Saint Julien.

La maison des deux frères était située face au château, isolée, en retrait de la route d'une vingtaine de mètres, entourée de champs. Le chemin d'accès n'était guère attrayant. La maison, pour ce qu'on en voyait, paraissait sale, délaissée, entourée de décombres et de crasses. Des buissons sauvages et des sureaux s’accrochaient aux murs et à la cheminée. La seule fois où nous avions, avec un ami, osé nous en approcher, c'était lors d’une distribution d’eau bénite dans les rues du village durant la semaine qui suivait Pâques.
Si nous commencions cette distribution dans l'enthousiasme et avec la volonté ferme de faire en sorte que tous les habitants, croyants ou non, belges ou étrangers, aient droit à leur décilitre d'eau bénite, peu à peu, au fur et à mesure que s’accumulaient les kilomètres,  la fatigue et le découragement nous gagnaient. Il nous arrivait souvent d'hésiter avant de frapper à la porte de telle maison dont les occupants avaient mauvaise réputation, de pénétrer dans tel quartier du coron d’en haut où une bande risquait de nous tomber dessus. Nous tentions de nous renvoyer la balle : « vas-y toi, moi j'ai déjà fait plusieurs polacks ». Nous préférions évidemment nous présenter aux portes des belles demeures où nous recevions biscuits et chocolats. Mais nous allions au bout de notre mission et en fin de compte aucune porte n'était évitée, chacun s'était vu proposer l'eau bénite et pour tout dire, rare étaient les gens qui la refusaient. Croyant ou pas, la crainte était la plus forte. « Qu'arriverait-il si on refusait l'entrée de sa maison à l'eau bénite ? Cela pouvait toujours être utile, cela pouvait guérir ou prévenir une maladie, chasser les mauvais esprits »...autant d'arguments que nous avions appris à manier et qui facilitait la « vente ». La distribution de l'eau bénite nous prenait deux jours au bout desquels nous nous retrouvions chez le curé pour compter les pièces récoltées (eh oui, nous monnayions l'eau bénite) et nous les partager équitablement. Auparavant, nous avions prélevés le montant nécessaire pour acheter les deux boîtes de cigares du curé. Bon, je ne voulais pas m’étendre sur cette histoire de distribution d’eau bénite si ce n’est du fait que c’est à cette occasion que j’avais approché la maison des deux frères.

Avec un autre enfant de chœur, j'étais donc allé frapper à leur porte. Dans pareil cas, nous espérions secrètement qu'ils mettent trop de temps pour venir ouvrir et que nous ayons ainsi une excuse pour déguerpir. Mais du bruit se fit entendre et rapidement, une armoire, je ne trouve pas d’autres mots pour évoquer sa carrure, brune ou noire, nous n'aurions pu le dire, la tête ronde et lisse, se tenait devant nous, le visage sans expression. « C’est pour l'eau bénite » dis-je. Le frère mit un temps à enregistrer, comprendre et réagir. « Hein, quoi ? ». « Et bien nous apportons l’eau qui a été bénie à Pâques et si vous en souhaitez, donnez-nous un récipient pour que nous vous en versions ». Nous étions restés sur le seuil de la porte. Pour ce que nous apercevions de l'intérieur, il nous semblait que le sol était d'une crasse luisante. La table, qui allait servir plus tard de support à l'acte dément qui fait l'objet de cette histoire, était aussi graisseuse et sale que le sol. La pièce était terriblement sombre. Mais nous n'avions aucune envie d'étudier la situation en détails ni de traîner sur les lieux. Une fois l'eau bénite versée dans la petite bouteille brune - une bouteille de bière vide me semble-t-il - que le frère nous avait présentée, nous avions dit un au revoir rapide et étions partis sans demander nos restes. En le quittant pourtant, il me semblait que le frère était content. Nous l'avions traité comme tous les habitants. Il n'en avait probablement rien à faire de l'eau bénite, mais des gens du « monde normal », étaient venus et l'avaient abordé avec respect. Peut-être même, me dis-je, qu'il regrettait que cela fût aussi bref et qu'aucune conversation ne fut engagée. J'y pensais au point qu’à mon tour, l'espace d'un instant, je me reprochai de ne pas être resté plus longtemps et de n'avoir pas saisi l'occasion pour faire réellement connaissance. La peur avait été la plus forte.

Bref, c'est la seule fois dans mon enfance que je m'étais réellement approché de l’un des frères. Pour le reste, nous les apercevions assez rarement : à la kermesse, parfois au café du coin ou simplement dans la rue. Ils se ressemblaient et étaient tous deux pareils au jour où je leur avais livré l'eau bénite. Ils paraissaient jumeaux. Leur peau était toujours sombre, leur tête lisse et leur vêtement noir. Il m’arrivait alors de scruter discrètement leur regard tentant de distinguer celui qui nous avait reçus. Me reconnaîtrait-il et si oui, me manifesterait-il quelques sympathies comme je l'avais imaginé en le quittant ? Par devers moi, j'aurais voulu que nous devenions amis. J'aurais alors pu faire en sorte que d'autres  puissent les connaître, les reconnaître comme personne et les apprécier.
De quoi vivaient-ils ? Avaient-ils un travail régulier ? Nous n'en savions pas grand-chose. Plus tard, à la suite des faits dont je vais vous parler, nous apprîmes qu'ils étaient commis à la ferme Tonbit, dont de fait une des entrées carrossables donnait sur la rue des Canadiens, juste plus bas que la maison des deux frères. Ils étaient bien traités et les gens s’accordaient pour dire que les fermiers veillaient à ce qu'ils soient correctement nourris et qu'ils aient de quoi s'habiller pour le travail comme pour la ville.

C'est à peine quelques semaines après la kermesse que circula cette rumeur ahurissante. La vie dans notre village était généralement paisible. De temps en temps un accident de voiture ou de motos, une dispute entre voisins, une bagarre entre buveurs venaient en perturber la monotonie. C’est peu dire que la nouvelle nous tomba dessus comme un orage inattendu : l'un des deux frères s'était émasculé ! En fait la précision de l’information parvint à mes oreilles d'enfants de façon beaucoup plus abrupte et crue, sortie de la bouche d'Armande, l'une de nos voisines : « Comment ? Vous ne savez pas ce que veut dire émasculé ? » Armande s’agaçait en permanence de la candeur et de la religiosité de ma mère. « L'un des deux frères a posé sa bite sur la table et l'a tranchée à la hache, voilà ce que veut dire », avait-elle lâché de manière provocante. Ma mère était horrifiée et des yeux, suppliait Armande de faire attention à ce qu’elle disait en présence des enfants.

Dans les heures et jours qui suivirent, les adultes parlaient entre eux à voix basse, échangeant à demi-mots. Nous tentions d’en comprendre un maximum, mais nous ne pouvions intervenir ni poser de questions bien sûr. Nous devions faire comme si nous n'avions rien entendu, rien compris. Pourquoi se trancher le sexe ? Pourquoi d'une telle façon ? Je me posais ces questions et n'arrivait pas à imaginer la scène, les choses se brouillaient dans mon esprit. De quel frère s'agissait-il ? Celui que j'avais rencontré ?
Les faits furent confirmés tant par le facteur, que par la laitière et le livreur de journaux. Chacun y allait de son explication à propos de cette amputation volontaire. On parlait d'une dispute entre frères qui aurait conduit l'un des deux au désespoir. Mais les ragots ne faisaient que compliquer les choses. Cette affaire m'a obsédé longtemps. Naïvement, je me considérais comme son ami et même son meilleur ami. Pour ma part, j’avais fini par conclure à une simple histoire sentimentale : les  frères vivaient une relation fusionnelle, l'aîné aurait annoncé son intention de se marier et, de chagrin, le jeune serait passé à l'acte. Armande quant à elle, n'y allait pas par quatre chemins : « vous vous rendez compte, à trente ans, vivre entre frères, sans jamais avoir eu une femme, on dit que même les putains les refusaient. » « Alors quoi, ils faisaient cela ensemble, disait une autre, ou encore avec les animaux, c'est bien connu hein, les vachers avec les vaches et les chevriers avec les chèvres. » « Vous pensez, c'est pas une vie cela, et cette crasse, cette misère, allez savoir comment ils ont grandi pour en arriver là. »

Nul n'a jamais tenté de savoir ce qui s'était passé ensuite, qu'était devenu l'organe, qu'était devenu le castré lui-même, l'avait-on sauvé ? Avait-il vécu sans sexe ? A l'époque, il ne nous venait même pas à l'esprit que l’on puisse recoudre le pénis, le greffer ou en greffer un autre. Dans nos têtes non seulement d’enfants mais dans celles des adultes en général, cette question n’existait pas. Aujourd'hui la chirurgie du pénis a énormément progressé. Restaurer une verge d'une longueur suffisante à la suite d'un accident, en fabriquer une si celle d'origine n'est plus récupérable, greffer des implants enrobés de chair, tout cela est devenu possible et les performances dans ce domaine sont bien connues. En faisant quelques recherches, j’appris qu’il y a peu de temps s’est tenu à Nice, un congrès rassemblant près de deux mille chirurgiens spécialistes de la reconstitution du pénis.  Durant les guerres d’Afghanistan et d’Irak, avec la propagation des bombes artisanales et anti personnelles, 1400 américains ont perdu tout ou partie de  leur pénis et testicules. D’où l’avancée extraordinaire de la chirurgie de reconstruction des appareils génitaux. Mais du temps des deux frères, je ne sais où on en était dans ce domaine.  

L'aîné, puisqu'il était clair que la victime était le benjamin, avait-il prévenu un médecin, fait appel à une ambulance ? On peut imaginer qu'il s’est précipité près de son patron à la ferme et que celui-ci aurait appelé les secours médicaux. Je n'en sais rien, je ne sais pas ce qu'il s'est passé ensuite, ni comment cet homme a vécu, avec ou sans sexe. Comme vous le lirez plus loin, je n'eus de réponse à ces questions que bien des années plus tard..

Avec le temps, l'histoire des deux frères et de l'émasculation de l'un deux s'est faite oublier. D'autres incidents ont émaillé la vie du village, alimenté les conversations et participé à l'oubli. Les deux frères seraient sans doute sortis définitivement des mémoires après la fin dramatique de la ferme Tonbit. (La mère Tonbit, très belle et élégante dame dont l'apparence était très éloignée de l'image que l'on se fait habituellement d'une fermière, aura un accident mortel. Un camion avait percuté frontalement sa Mercédès, la tuant sur le coup et entraînant dans la mort trois de ses cinq enfants. Le père en fut inconsolable. Il délaissa totalement la ferme, un jour la grange s'effondra, on ne vit plus ni chevaux ni tracteurs. Les terres furent vendues à d'autres fermiers et ce fut la fin de l’entreprise.)


Mais il était écrit que l'histoire des frères me rattraperait.

Près de vingt ans plus tard, on reparla d'eux. J'étais tombé par hasard sur un article qui évoquait un assassinat. Mon attention avait été attirée par le fait qu’on y mentionnait Strépy. L'article était confus mais les personnages, les suspects en fait, dont il était question, avaient vécu dans la rue des Canadiens. La petite maison lugubre, le travail à la ferme, l'épisode de l'émasculation… le journaliste y allait avec force détails, le doute n'était pas permis, les deux frères étaient les suspects et il s'agissait des mêmes deux frères de mon enfance. Je vous livre l’article tel quel. Je n’en connais, hélas, pas le nom de l’auteur.


Son titre : Les comportements bizarres des anciens commis de ferme

QUAND il a appris que Charles Demez, habitant l'ancien hôtel de maître du charbonnage Saint Julien, avait été tué à Strépy-Bracquegnies, Jean-Pierre Marchand a aussitôt pensé aux deux frères. « Ils ont eu une petite histoire de mœurs quand ils habitaient face au château. Je n'en connais pas les détails. Toutes sortes de bruits avaient couru sur des parties fines qui se déroulaient à Saint Julien. Je me demandais comment les deux frères avaient pu être mêlés à ce monde.  Mais l'aîné avait purgé sa peine. Je ne sais pourquoi, j’ai pensé qu’il serait soupçonné», raconte Jean-Pierre, 65 ans, retraité encore bien costaud, bandant encore ses muscles dans son tee-shirt bleu délavé. » Installé avec sa femme à quelques kilomètres de Strépy, il a travaillé pendant des années avec Christian, l'aîné. Tous deux étaient commis de ferme à Maurage, un village voisin. « Christian, c'était pas un intello «  lâche-t-il encore
Pourtant, hier, les époux Marchand ont appris que leurs anciens amis étaient les coupables présumés dans l'affaire du meurtre de Demez. « Je vous le dis franchement, je le pense pas capable de tuer », déclare Jean-Pierre, assis dans sa salle à manger.
« A l'époque, ils venaient souvent manger chez nous le soir. Mais quel appétit ! On les surnommait les barakis, leur petite maison de la rue des Canadiens était vraiment une baraque », se rappelle le retraité, qui a perdu de vue son ami au fil des ans. Enfants du juge, les frères, Christian et Francis, avaient d'abord atterri chez Gustave Héquet, exploitant de vaches à lait à Trivières. «Les frères sont arrivés chez moi à 14 ans. Ils étaient pas fûût fûût », confie cet éleveur de 78 ans pour expliquer que ses anciens commis n'étaient pas bien malins. « Leur travail, c'était traire les vaches, engraisser les porcs et travailler aux champs .S’avait pas fait l’unif’ mais ils étaient pas cons non plus. Ils aimaient bien bricoler par contre », dit encore le vieil homme qui se souvient des outils retapés par ses commis. Des employés calmes, travailleurs, qui, le dimanche, préféraient les escapades à mobylette à la messe. « Ils sont restés jusqu'à l'armée. A leur retour, ils se sont fait engager chez un marchand de bestiaux puis sont reparti chez leurs parents nourriciers à Soignies et enfin ils ont travaillés comme commis chez Tonbit à Strépy.
Plus tard, l'aîné a trouvé une femme qui avait des enfants », raconte Alain Donchot, assis dans
sa ferme envahie par un parfum de carbonnades flamandes. Le paysan ne connaît pas non plus le détail de l'affaire de Strépy : « Il est allé en prison, mais il disait qu'il était innocent ». Cette année-là, Jean-Pierre a fondé une famille et est devenu jardinier dans un hôpital. Sa  route s’est séparée de celle des deux frères. Christian et Francis ont écumé la région et accumulé les petits boulots. « L'aîné, je l'ai connu dans une société de chantiers à La Louvière. Il était simple manœuvre », affirme un ancien collègue qui le décrit. comme un  farfelu .
A La Louvière, Christian s'est forgé la réputation d'un homme étrange, menant une vie de marginal désargenté. « Il est allé aux Restos du cœur », confirme une bénévole locale. « Parfois, je lui donnais du pain tellement il avait faim », ajoute un ex-employeur.
« Il est franchement bizarre. Très tôt le matin, il fait les poubelles, ramasse des mégots.
Il tourne dans la rue, devant le magasin Lidl, cherchant à se faire des amis », dit une voisine, sans méchanceté. Selon des villageois, le quinquagénaire à l'éternelle casquette aurait transformé son logement en capharnaüm, entassant dans la baignoire tout ce qu'il récoltait dans les rues. D'autres insistent sur ses longs moments passés à sa fenêtre. « Il suffit de lever la tête pour le voir. Un jour, il était carrément nu et regardait mon ex-copine, dans la boulangerie. « Un mec spécial », confie un autre voisin. Malgré son passé flou et cette vie étrange, Christian semblait n'effrayer personne. « Depuis le meurtre, on pensait à lui, mais on n'arrive pas à l'imaginer commettre un tel acte », lâche, perplexe, la bénévole des Restos. « Lui, le coupable ? Ça m'étonnerait », estime Alain Donchot. Face aux gendarmes, l'ancien commis de ferme a pourtant reconnu les faits. Faut-il y voir un lien avec la vieille histoire de l'émasculation ? « Mais cela, c'était le plus jeune qui se l'était fait » dit Alain. « D'ailleurs depuis quelques mois, ils habitaient de nouveau ensemble. Cela ne leur vaut rien de bon, vaudrait mieux qu'ils restent séparés. » Cette affaire, Christian l'avait vaguement évoquée avec l'un de ses employeurs à la carrière où il chargeait des cailloux dans un broyeur. «Christian avait fait un séjour en prison. Il en parlait pas trop mais il disait : « de toutes façons, je suis malade, ce n'est pas ma faute, j'ai été violé par des gens là où j'avais été placé, et mon frère Francis c'est pareil ».
Quoi qu'il en soit, la justice va s'intéresser de près au passé des deux commis de ferme, les deux frères de la rue des Canadiens.

Ainsi se terminait l’article. Curieusement, il n’était pas signé. L’article est un peu décousu et il n’est pas facile de s’y retrouver. Le journaliste parle surtout de Christian, qui serait le principal suspect. Très peu d'informations sur  Francis, le plus jeune, si ce n'est qu'il était revenu vivre avec son frère les derniers mois. Leur parcours se clarifiait par contre: Soignies, Trivières, Maurage, Strépy. Placement en institut (avec abus sexuel), famille d’accueil, travail de commis de ferme…

Je suivis l’affaire de l’assassinat à travers la presse bien sûr. S’y mêla une série de rumeurs et de fausses pistes. On reparla des parties fines organisées au château. N’y participait que du beau monde. Mais Demez employait occasionnellement les deux frères comme gardiens et hommes à tout faire. Certains articles laissaient sous-entendre que Christian s’était accusé à la demande de certains amis du châtelain pour en protéger d’autres, de la Haute... Et pour Christian, la vie en prison paraissait parfois plus douillette et sécurisante que la liberté, alors…

Mais après des mois, on le relâcha faute de preuves. Il s’était contredit un nombre invraisemblable de fois et ses aveux avaient perdu toute crédibilité.

Une semaine après sa libération, ce fut un nouveau coup de tonnerre qui s’abattit sur le village : on retrouva les deux frères morts chez eux ! L’enquête conclut à un double suicide. Dans le voisinage, ce fut la consternation, même si beaucoup pensaient qu’il y avait peu de chance que leur histoire se termina autrement.

Une fuite dans la presse confirma les résultats de l’autopsie : Francis, le benjamin, avait subi il y a de nombreuses années une ablation du pénis. Celui-ci n’avait jamais été reconstitué. Un urètre artificiel avait été fixé sous la peau à l’emplacement de la verge, lui permettant d’éliminer ses urines. En revanche, les relations et la reproduction sexuelle n’étaient pas possible par ce biais.

La fin des deux frères me perturba et me déstabilisa quelques temps. Qu’aurais-je pu ou du faire ? Les choses se seraient-elles passées autrement si j’étais devenu leur ami ? Comment une rencontre qui n’avait duré que quelques minutes pouvait-elle vous poursuivre à ce point et aussi longtemps ? Me demandais-je.
Au bout du compte, j’en conclus, fataliste, que je n’aurais rien pu y changer. Il y a des vies perdues d’avance, des gens sont mal nés, le malheur les poursuit et aucune eau bénite ne pourra rien y changer.

Liège, le 20 mai 2019



mercredi 26 septembre 2018

La petite fenêtre du deuxième étage (suite)


Hier, je publiais mon troisième billet de campagne qui s’intitulait : « La petite fenêtre du deuxième étage. (Vous pouvez retrouver le texte sur mon blog : mario gotto.blogspot.com/
Yvette a réagi à ce texte en m’envoyant les souvenirs dont lui ont fait part des amis asturiens. Elle m’a autorisé à vous en faire part.

Salut Mario.
Ton histoire appelle dans ma mémoire les souvenirs transmis par mes amis asturiens émigrés à Liège.
À 80km de Palomar, au col de Tarna, il y avait un puits naturel dans la montagne choisi par les franquistes pour y jeter les corps des opposants au fascisme.

Au milieu des années 80, j’y étais avec mes amis. 
Une tradition était respectée, celle d’un pique-nique dans la montagne : tous les opposants au régime de Franco montaient « par un heureux hasard » le même jour, au même endroit dans la montagne, au col de Tarna, pour pique-niquer ... mais avant tout, tu t’en doutes, pour y célébrer subversivement la mémoire des victimes et s’opposer au pouvoir en lui disant que tout le monde connaissait ses exactions.

En 1985, la tradition se perpétuait : grand pique-nique familial et meeting politique, là-haut dans la montagne ! Des gens surgissaient de partout, femmes, hommes, enfants. Des groupes mangeaient en famille, entre amis sur la petite plaine qui prend place au col. Ils se connaissaient ou se reconnaissaient. Mes amis m’expliquaient les rôles des uns et des autres dans la résistance...
Puis le meeting politique soutenu dans un grand espoir de refondation, 10 ans après le départ de Franco.

Un pouvoir tel que tu le décris et aussi une opposition, une résistance, une volonté de battre le fascisme, ce sont ces actes d’individus « naturellement militants », de structures d’accueil au niveau international, des plateformes d’accueil citoyen, syndical, politique qu’il nous faut continuer à mettre en place, à soutenir, et aussi à valoriser au niveau des pouvoirs locaux.

Mes amis s’appelaient Inès et Pepe Garcia
Leurs cousins habitaient Tarna et ... connaissaient très bien la montagne pour l’avoir parcourue, pour s’y être cachés et avoir trouvés des abris hospitaliers mais aussi des opposants, des ennemis…

Merci Yvette. 
Aujourd’hui, 150 intellectuels, créateurs, artistes, syndicalistes et militants français lancent un appel « Nous continuerons à accueillir les migrants. La revue Mediapart avec d’autres est à l’initiative de ce texte que vous pouvez trouver sur son site. Elle s’inscrit dans la même perspective dont je vous faisais part hier.

mardi 25 septembre 2018

La petite fenêtre du deuxième étage 'billet de campagne N°3)



Je suis candidat sur la liste Vert Ardent aux élections communales à Liège, à la 49ème  place. J’étais en Espagne jusque la semaine dernière et avant d’entamer ma campagne sur le terrain, je voudrais vous raconter l’histoire dont m’a fait part Poldo, un cousin de Marlène. Vous pourriez vous demander ce qu’une histoire comme celle-là, qui s’est déroulée à plus de 1500 km d’ici, il y a près de 80 ans, vient faire dans une réflexion électorale ? Ceci : quelques jours après qu’elle me fut racontée, j’appris dans la presse belge l’existence du mouvement "Schild & Vrienden" (Bouclier et Amis) révélée par la VRT, mouvement  plus ou moins proche de la NVA et de son secrétaire d’Etat fétiche. Mouvement qui fait la part belle aux propos ouvertement racistes, antisémites, antiféministes. J’appris également la réunion du responsable du PP belge avec Salvini et Steve Banon, ancien conseiller de Trump. Ils veulent créer ensemble un grand mouvement populiste en Europe.
Vert Ardent entend développer, si les électeurs le porte au pouvoir, une démocratie plus directe et participative (vous pouvez prendre connaissance du programme complet de Vert Ardent sur son site internet : https://vertardent.be.) Ce point du programme me parait fort important. Il me parait indispensable que les responsables politiques entretiennent un lien permanent avec les citoyens et soient à leur écoute pour éviter l’emprise des démagogues et des ennemis de la démocratie.
Voici l’histoire. Ce n’est pas une fiction
« Qu’avais-je à m’obstiner à penser qu’ils l’avaient précipité du haut de la falaise dans le Nalon. Assis à la table de la salle à manger aménagée dans l’ancienne étable, nous voyions par la fenêtre du coin cuisine, l’autre côté de la vallée de Palomar. « On n’a jamais su où ils l’ont enterré » continuait Poldo en nous désignant de sa main la vallée, les coteaux faits de prairies, de bois et d’à-pics rocheux qui nous faisaient face.  Son émotion était perceptible, la nôtre aussi et pour ma part je ne me risquais plus à poser la moindre question. Ma gorge était serrée et je n’aurais pu aller au bout d’une phrase. Je tenais donc pour moi cette idée qu’ils l’avaient précipité du haut de la falaise qui plongeait à pic dans la rivière,  à cet endroit assez profonde. Et rien à faire pour me détacher de cette idée, de ce sentiment que Ramon et ses quatre compagnons avaient fini une balle dans la tête et avaient disparu dans les eaux noires du rio Nalon.
Poldo, de son vrai nom Léopoldo  Canedo Alvarez,  légèrement plus âgé que Marlène, le cousin préféré de la famille, souriant, séducteur, flambeur et sorteur, avait vécu une quinzaine d’années à Paris, d’où il venait régulièrement rendre visite avec son frère Emilio et leurs épouses respectives à la famille de Marlène installée à Bruxelles. Quand arrivaient les « parisiens », habillés de la dernière mode, avec toujours un cadeau pour chacun, c’était la fête. On coupait le jambon, on mettait sur le feu la plus grande casserole où l’on cuisait la « fabada » la plus riche qui soit, garnie qu’elle était de chorizo, morcilla, lacon maigre et gras à la fois. Le cidre et le vin coulaient à fond. La fête durait tout le WE. On tentait d’oublier le passé, la misère, le franquisme et la haine qu’il véhiculait.
Poldo était rentré en Espagne après la mort de Franco en 1975. Goya, sa femme, ne supportait plus son exil et voulait retrouver son Espagne, ses Asturies, ses montagnes verdoyantes, ses rivières, ses horreos, ses fêtes, l’élégance aristocratiques dont se paraient les femmes le dimanche, quand on laissait la besogne de côté pour se réunir entre amis autour d’immenses tablées couvertes de nappes blanches. A la sortie du franquisme, l’Espagne manquait de tout et par-dessus ce tout, des ouvriers spécialisés capables de construire l’économie. Comme réparateur TV, Poldo était des plus recherché : impossible de commercialiser les TV couleurs en Espagne sans techniciens pour les installer et les réparer.
Poldo et Goya s’installèrent à Palomar, de l’autre côté de la montagne qui la sépare de Puerto, le village de Marlène. Ils occupent en fait la maison du grand père de Poldo. On n’a pas touché à sa structure. C’est une maison robuste, aux murs épais. On a juste transformé l’étable en cuisine-salle à manger où trône une belle table en bois épais. La toute petite fenêtre du second, qui laisse juste passer un corps pas trop grand, est restée telle qu’elle était. C’est par cette petite fenêtre qu’avaient fui José le père de Poldo et Adelino, son oncle.
Trois individus s’étaient présentés ce jour-là. Inconnus dans la région. « Ils » voulaient José et Adelino. Le chef de famille de l’époque, le grand père de Poldo n’était ni communiste, ni socialiste. Plutôt une sorte de gentlemen Farmer, qui ne voulait que le bien autour de lui, qui aidait l’un ou l’autre dans le besoin. Mais il n’ignorait rien des engagements républicains de ses deux fils. « ils » l’ont menacé : « si ne dis pas où sont tes deux fils, nous t’emmenons à  Oviedo. « Ils » l’ont emmené avec quatre autres villageois. Aucun des cinq n’est jamais arrivé à Oviedo et bien sûr n’est jamais rentré chez lui. « On n’a jamais retrouvé leur corps. Mon grand-père Ramon est enterré quelques part là-bas » nous dit Poldo en nous désignant la fenêtre de la cuisine d’où l’on voit le versant opposé de la vallée.
José et Adelino avaient fui de justesse par la petite fenêtre du deuxième étage, celle qui donne sur la prairie à l’arrière, juste au-dessus de la roche sur laquelle est appuyée la maison. Adelino fut le premier à passer clandestinement en France. José fera 8 longues années de prison et rejoindra plus tard son frère.
Les asturiens sont ceux qui ont résisté jusqu’au bout au coup d’état de Franco. Ils le paieront très cher et très longtemps. Le régime persécutera la population asturienne jusqu’à la mort de Franco, arrêtant, tuant, poussant à l’exil ceux qui ne faisaient pas allégeance. Bien sûr dans cette résistance, les mineurs étaient le fer de lance.
Ce dernier 20 août, Poldo et Goya nous avaient invités, Marlène et moi avec Luis et Monsé, pour déguster les calamars dans leur encre préparés par Goya. Nous avions échangé les souvenirs de Paris, de Bruxelles et peu à peu la conversation avait glissé sur les souvenirs plus anciens, plus douloureux. Tout cela était parti d’une question sur cette fameuse petite fenêtre du deuxième étage. Je comprenais maintenant pourquoi on l’avait maintenue telle qu’à l’origine. En terminant son histoire, Poldo a répété « je ne sais toujours pas ce qu’ « ils » ont fait de son corps ». Il régnait un lourd silence autour de la table. Par la fenêtre de la cuisine, c’était la falaise de l’autre côté de la vallée qui occupait ma vision. J’ai imaginé le corps de Ramon Canedo Gonzalez tombant, les mains liées dans le dos, la tête trouée d’une balle au milieu du front.
J’ai pensé que le fascisme s’avance toujours à pas feutrés mais une fois au pouvoir, il devient bestial. Il libère la haine et les instincts les plus enfouis. Les milices les plus haineuses  s’organisent, se vengent de leurs échecs non pas en s’attaquant aux vrais responsables mais souvent aux plus faibles, aux boucs émissaires… aux juifs, aux chômeurs, aux militants, aux étrangers.
Nous n’y sommes pas encore me direz-vous ! Bien sûr que non. Mais en ce mois d’août, en Italie, un groupe s’est attaqué et a tué un africain avec pour seul prétexte qu’il était africain. En Belgique, on vient d’inaugurer un centre fermé spécial pour famille avec enfants. « ils »annoncent qu’ils vont construire d’autres centres fermés pour les migrants en transit, qu’ »on » leur confisquera leur GSM pour empêcher qu’ils communiquent avec leur famille… « Ils » veulent accélérer la dégressivité des allocations de chômage…  »Ils » disent qu’ils vont s’unir avec des Salvani, des Orban, des Banon et en finir enfin avec ces rêveurs qui affaiblissent notre race et notre culture en ouvrant leur porte à tous ces gueux venus d’ailleurs.

mercredi 5 septembre 2018

J'ai déjà perdu 3 voix (billet de campagne n°2)

Billet de campagne N°2 : J’ai déjà perdu trois voix.

Le 27 juin, je vous annonçais  ma présence à la place 49 sur la liste Vert Ardent, en vue des élections communales du 14 octobre. Les vacances sont passées et après trois semaines de pérégrinations dans le Nord de l’Espagne, je me pose pour quelques semaines dans le Sud. Internet va heureusement m’aider à communiquer avec vous, le temps que je rentre et que nous puissions nous voir.
Toujours est-il qu’avant d’avoir entamé ma campagne, j’ai déjà perdu trois voix.
Michèle, une amie répond à mon annonce de candidature en me disant que cela fait bien longtemps qu’elle-même a quitté le balcon mais que cette fois, elle ne se déplacera pas pour aller voter. Elle me dit : ‘j’entends déjà tes objections mais ma décision est prise ».  Et elle me renouvelle son amitié. Vous allez trouver ma position complètement incongrue, mais je lui ai dit que je ne lui ferais pas la leçon et qu’elle était assez grande pour savoir ce qu’elle avait à faire.  Et je lui ai moi aussi renouvelé mon amitié. La décision de Michèle me fait dire que le « rejet »  du politique est fort, vraiment très fort. Michèle est enseignante, c’est une femme ouverte aux autres et au monde en général. Je ne la vois pas s’abstenir de gaieté de cœur, je crois que c’est de sa part un geste de contestation. Les partis traditionnels et le parti socialiste en particulier ont une très lourde responsabilité dans ce rejet. L’abstention est dommageable à la démocratie, mais elle est le produit de pratiques politiques inacceptables. La gauche devrait encourager la citoyenneté active, le PS la dissuade et l’étouffe.
Je me suis présenté à une époque sur la liste PS comme candidat indépendant et d’ouverture. Dans ma militance de l’époque je fréquentais nombre de militants socialistes sincères. La plupart étaient actifs dans l’associatif et les mouvements. Il s’agissait des Jacques Zwick, Jean Cornil, Serge Noël, Yannick Samzun, Pierre Galand, Bruno Vinikas et j’en passe. Je pensais que « les affaires » (à l’époque c’était celles des carolos) se régleraient et qu’un renouvellement était possible.  Nous pensions à quelques-uns que non seulement une gauche forte était nécessaire mais qu’il fallait aussi qu’elle s’engage sur les questions environnementales et qu’une alliance rouge-verte était nécessaire. Ce renouveau de la gauche n’a pas eu lieu. Et tout récemment, c’est à Liège que les affaires (Publifin, Moreau, Mathot…) ont éclaté, sans que les responsables de la fédération n’aient été capables de réagir et de clarifier les choses. S’ajoutent à cela les trahisons sociales du PS, vivement critiquées y compris de l’intérieur par des responsables et non des moindres. Trente ans d’un même pouvoir, c’est trop, ce n’est pas sain, c’est même malsain, d’autres alternatives sont donc nécessaires. Vert Ardent est pour moi l’alternative la plus crédible qui se présente à Liège. On peut aujourd’hui sérieusement enfin espérer que nous soyons incontournables pour une prochaine majorité communale.
En attendant, avec l’abstention de Michèle, je perds une voix et voilà qu’avant mon départ en vacances, Florence Caeymaex, une amie qui m’est très chère m’annonce qu’elle sera candidate sur la liste PS. Elle fait son entrée en politique. Elle fait un autre choix que le mien mais je le respecte et lui souhaite beaucoup de succès. Mais cela me fait quand même une deuxième voix de perdue.
Il y a fort à parier également que les responsables de Vega ne voteront pas pour moi et que je perde ainsi une troisième voix. Vous savez que j’étais, avec d’autres amis dont mon colistier Pierre Eyben, parmi les fondateurs de Vega. Nous voulions avec Vega, développer la même dynamique qui est celle pour laquelle je me suis toujours battu : une gauche forte, consciente des enjeux environnementaux. Quand Ecolo décide de créer  une liste d’ouverture - Vert Ardent- (pour rappel, Vert Ardent c’est 23 candidats venus d’Ecolo, 3 candidats venus du mouvement Demain et 23 candidats qui comme moi sont des citoyens actifs indépendants), il n’y avait pas à hésiter. Que rêver de mieux ? Vega aurait pu, aurait logiquement du nous rejoindre. Ils ont décidé de faire bande à part. Rien ne le justifie. Pour ma part, je le regrette, je tourne la page Vega et m’engage résolument avec Vert Ardent.
On dit que dans une campagne électorale, il ne faut pas trop parler des autres mais plutôt parler de ses propres objectifs. C’est vrai et c’est promis, c’est ce que je ferai dorénavant. Mais je ne pouvais pas non plus éviter de m’expliquer sur mes tentatives politiques passées. Voilà qui est fait et quelques soient les polémiques, je ne reviendrai plus ni sur le PS ni sur Vega. Je voulais souligner ma fidélité à mes luttes de toujours, au-delà des appareils politiques. C’est ma constance à moi : lutte pour la justice sociale, lutte pour la préservation de l’environnement, deux conditions inséparables et indispensables du mieux vivre ensemble et du respect des générations futures.
J’y reviendrai dans les prochaines semaines.
La ville espagnole dans laquelle je séjourne en ce moment a fait une mutation extraordinaire. Nous en rêvions Marlène et moi depuis longtemps et voilà que l’association de quartier s’est mise à penser l’avenir de sa ville et surtout de son centre historique. Nous avons assisté ce dernier WE à la deuxième édition de la fête du quartier. C’était fabuleux, gai, familial, coloré, spectaculaire. C’est une fête organisée par et pour les habitants qui se sont emparés de tous les moyens d’expressions artistiques possibles, qui se sont mis à filmer, photographier, raconter, peindre, danser, cuisiner. Une vraie fête alternative qui nous montre que tout est possible quand on permet à la citoyenneté de s’activer. Que rêver de mieux pour sa ville.
Mario Gotto (5 septembre 2018)

mercredi 27 juin 2018

Je quitte le balcon

Vous le savez, les élections communales auront lieu en octobre. J'ai décidé d'y aller. Je serai candidat sur la liste créée par Ecolo et le mouvement Demain : Vert Ardent.
J'avais décidé de soutenir cette liste car je trouvais qu'enfin, il y avait dans cette démarche une vraie ouverture. Renoncer à se présenter sous la bannière Ecolo, pour une liste d'alliance, c'est fameux. De plus, cette liste est portée essentiellement par des jeunes trentenaires, des jeunes compétents, sérieux, enthousiastes, passionnés, heureux de vivre et de travailler au service de la population liégeoise. Donc, quand on m'a proposé de figurer sur la liste, j'ai dit oui bien sûr.
Les défis politiques d'aujourd'hui sont énormes:  "l'immonde" repointe plus que le bout de son nez, une certaine classe politique ne pense qu'à ses propres avantages, l'austérité fait payer à la population l'enrichissement de quelques uns: les grands groupes et les banquiers. De nouvelles perspectives, de nouvelles solidarités, une nouvelle fraîcheur dans la manière de gérer une commune sont indispensables
Je ne pouvais pas ne pas y aller, je ne pouvais pas rester au balcon par les temps qui courent. J'ai décidé de quitter le balcon. Comme un dernier round dans mes engagements pour tenter de construire un monde meilleur.

Je serai  49e, dernier sur la liste. Le 49e, on dit qu'il pousse la liste. On dit aussi que c'est une place de combat. Ca me va. Prêt pour pousser, prêt pour le combat.

Je vous parlerai de ma vision des choses dans les prochaines semaines, je vous parlerai du programme de Vert Ardent. Mais je voudrais déjà vous dire que à mon sens la majorité actuelle et le PS (j'y ai été candidat d'ouverture en 2006 et je vous dirai les leçons que j'en ai tiré) en particulier - la plus vieille  majorité communale  en Wallonie - ne sont plus crédibles. L'affaire Publifin a achevé de me convaincre que ces hommes politiques là ne changeront jamais. 20 ans du même mayorat cela suffit. 30 ans de la même majorité, ce n'est plus possible. 
Nous sommes 49 sur la liste, mais en fait nous sommes dix et cent fois plus à penser qu'on peut changer les choses, qu'on peut construire une ville où il fait bon vivre et où chacun a sa place.
J'aurai besoin de votre soutien. Merci déjà de partager cette annonce auprès de vos amis. Si vous souhaitez me soutenir, merci de me le faire savoir à : mario.gotto@gmail.com 
Ce vendredi 29 juin aura lieu le lancement de notre campagne, celle de Vert Ardent. Cela se fera au Hangar. C'est à vingt heures. Il y aura de la nourriture préparée par des personnes venues du monde entier, il y aura de la convivialité et de la musique. Je serais heureux que vous passiez nous saluer. A très vite.

lundi 28 mai 2018

balle perdue

Il n'est pas rare que l'on entende cette expression: "tué par une balle perdue". J'entends "balle perdue" et je pense immédiatement aux chasseurs. C'est compréhensible. On vise un lièvre en suivant sa course, on le manque et la balle finit dans le corps d'un rabatteur ou d'un autre chasseur. C'est un accident, ce n'était pas eux qui étaient visés, c'est réellement un balle perdue dont on ne se doutait pas qu'elle allait finir dans le corps d'un autre.
Cela arrive dans les guerres bien sûr. On vise une position ennemie, on tire en rafale et s'il y a des civils dans les parages, des balles peuvent les atteindre. On parle de "dommages collatéraux", de balles perdues. Les généraux, les chefs de guerre savent  quand ils décident telle ou telle action, que des civils peuvent être atteints. C'est un élément intrinsèque à la guerre. Ils s'en font une raison. Ca fait partie du jeu si l'on peut dire. On accusera alors l'ennemi de prendre les civils en otage. On en viendrait à dire que c'est l'ennemi le responsable des "balles perdues". Il est évident que contester la mort de civils ou leur fuite et leur exode, c'est contester la guerre elle-même. C'est une évidence, c'est une nécessité.: la guerre n'a jamais apporté le bonheur.
Il peut y avoir des tas d'autres situations à propos desquelles on peut parler de balles perdues, c'est à dire de balles qui atteignent une autre cible que celle visée au départ: des affrontements armés dans une rue, des policiers qui tirent sur des gagsters en fuite et qui touchent des passants. Le cinéma et la littérature sont remplis de "morts pas balle perdue".
Mais Mwada a t'elle été tuée par un balle perdue? Résumons ce que nous savons du contexte. Une cammionette remplie de migrants refuse d'obtempérer aux ordres de la police qui veut les arrêter. S'en suit une course poursuite, trois voitures de policiers encadrent la camionette. On nous dit que les migrants montrent aux policiers les enfants qui sont à bord. Malgrés tout, sans qu'aucune menace armée ne vienne de la camionette des migrants, un policier tire. Non pas dans les pneus, mais "dans le tas". La cible c'est un des passagers, quel qu'il soit. La balle n'est pas perdue. Elle n'atteint pas un policier dans un autre véhicule, ni un civil roulant sur l'autoroute. Non elle atteint sa cible: un des migrants. Une enfant. Mwada.
Le policier est défait, abattu nous dit-on. C'est à espérer. Si ce n'était pas le cas, c'eut été du cynisme ajouté au cynisme. On ne sait pourquoi le policier à tirer. Marre de ces migrants qui nous niquent? Tentative d'intimidations? Peu importe, le résultat est là. Un policier est armé, c'est une lourde responsabilité que de porter une arme. S'il fait une erreur qui entraîne la mort d'innocents, il doit quitter la police.
 Mais voilà que les responsables de cette chasse aux migrants, Théo Francken et son patron De Wever en rajoutent à la balle perdue et tentent de nous faire comprendre que les vrais responsables ce sont les parents. Ceux là mêmes qui fuient les balles perdues ou les éclats d'obus de Syrie ou d'Irak, qui s'entêtent à vouloir mettre leurs enfants à l'abri, quelque part où ils pourraient si pas être heureux, vivre et se construire un avenir. Bref, on accuse ceux-là mêmes qui s'obstienent à assurer leur devoir de parents.