lundi 26 décembre 2016

lever de soleil et retour des pêcheurs

Nous voilà rentrés d’Alicante, juste le temps de faire de petites courses pour le réveillon de Noël, que nous avons voulu très calme. Le lendemain de l’envoi de ma dernière chronique, le soleil est réapparu sur la Costa Blanca. Juste ce qu’il fallait d’abord pour dissiper les nuages, rehausser la température et me permettre de faire ma promenade du matin. Le changement était incroyable, les rues étaient d’une propreté rare puisque tout avait été emporté vers le bas du village c’est-à-dire en bord de plage.  Le petit ruisseau au fonds du ravin près du centre historique est devenu une rivière où des dizaines de canards s’en donnent à cœur joie. Seule la plage porte les stigmates du déchaînement des jours précédents : détritus de toutes sortes jonchent la promenade et le sable. Mais déjà les balayeurs de rue sont au rendez-vous, ils travaillent en courant comme si leur survie en dépendait. En fait tout doit être fait pour que la ville soit agréable. Noël est sacré en Espagne, rares seront ceux qui travailleront les derniers jours et sans doute les balayeurs veulent-ils en finir au plus vite.
Le mercredi, la température atteignait 24 degrés et nous mangions en terrasse (ce fut le cas tous les jours suivants). Le jour de notre départ le thermomètre affichait 28 degrés
Nous avons vécus deux moments assez exceptionnels. D’abord le jeudi soir, nous avons été au port vers 17 h, juste pour le retour des bateaux de pêches. Nous voyions ces marins harassés de fatigue nous expliquant être en mer depuis 5 heures le matin, sortir le fruit de leur pêche (c’est un des ports de pêches le plus importants de la côte méditerranéenne espagnole), dérouler les filets pour les réparer pour le lendemain, nettoyer bateau et outils divers, pendant que dans le hall de vente les propriétaires de bateau négocient la vente de leur pêche avec les dizaines de commerçants ou restaurateurs qui embarquent aussi vite leur achat dans des camions frigo venus parfois de 300 km à la ronde. Des gens sont là avec des seaux et munis de longues épuisettes. Ils essayent de prendre les mouettes de vitesse et ramassent les poissons tombés à l’eau ou sur le sol. C’est la cohue et certains irritent les pêcheurs en voulant monter à bord pour ramasser les poissons qui y traînent encore. Un vieil homme s’est rempli un seau de plus de 10 kg de petits poissons, surtout des rougets. Quand je lui demandais ce qu’il comptait en faire, « comer » (manger) m’a-t ‘il répondu, me regardant comme s’il avait affaire à un idiot. Je me demandais quand même combien il pouvait être dans cette famille pour manger une telle quantité de poissons.
Ensuite le vendredi matin, Marlène s’est levée avec moi vers 6 h 30 pour découvrir ma promenade matinale et assister au lever du soleil. Quand nous sommes arrivés sur la plage des étudiants, je voyais la ligne rougeoyante qui se faisait pressante. J’ai dit à Marlène : « mets tes lunettes de soleil, ça va être maintenant ». Elle a ri mi surprise, mi incrédule. Mais elle avait juste chaussé ses lunettes que le soleil faisait son apparition, d’abord un petit quartier mais très vite un plus grand et en moins de dix minutes, tout le rond du soleil était visible et montait lentement mais sûrement dans le ciel. Au début, il est rouge mais pas trop éblouissant, ensuite il jaunit, devient plus fort, ses rayons s’élargissent et il devient impossible de le regarder « droit dans les yeux » je dirais. C’est un spectacle et un moment magiques, de ces instants rares qui vous font communier avec la nature et vous confirment dans cette idée que le monde vous appartient et que vous appartenez au monde. Derrière nous, vingt mètres plus haut, nous avions repéré un vieux chien qui avait posé ses deux pattes sur le mur de clôture et regardait vers l’horizon. Comme nous, il scrutait la ligne rouge et une fois le soleil levé, il s’en est allé l’air satisfait. Nous nous sommes dit que c’était sans doute là son rituel quotidien et qu’il était bien chanceux.
Quand on pénètre dans le vieux village, il y a une placette avec une église et un bar où l’on peut prendre un café dès 7h30 le matin. J’y avais déjà fait une halte de temps à autres. Cette fois, je l’ai fait chaque jour et la femme m’ayant reconnu, elle me devançait dans ma commande : « un solo ? » mi affirmatif, mi interrogatif. On appelle « un (prononcez oun) solo » un café sans lait, un « cortado » (coupé) un café avec lait. Si vous ne précisez rien d’autre, on vous servira de petits cafés. Si vous en voulez un plus grand, disons à la belge, vous demanderez un « americano ». Si vous souhaitez un déca, il vous faudra préciser « descafeinado de macchina » et éviter ainsi qu’on vous serve une eau chaude avec du café soluble. Bon, moi je ne devais plus rien dire puisque c’est la tenancière qui avec la voix enrouée des fumeuses me lançait « un solo ». Je m’installe en terrasse en m’arrangeant pour faire face à la petite maison bleue, d’une largeur de 4 m maximum, mais comportant 4 étages (sans doute une ou deux très petites pièces par étage) et surtout un minuscule penthouse avec une terrasse fleurie recouverte d’un toit de bambou. J’y imagine une chambre à la Van Gogh, une douche à l’italienne, peut être une kitchenette. Mais celle-ci n’est pas nécessaire, le café est servi à 1 euros dans les bars et les menus courants, entrée-plat-dessert, sont annoncés à 8,95€.  Je me plais parfois à m’imaginer dans cette petite cahute, regardant les passants sur la place, les fidèles entrant et sortant de l’église lors de la messe du dimanche ou à l’occasion d’un enterrement comme c’était le cas jeudi. Je me mettrais de temps à autre à l’ordi pour vous écrire mes chroniques du haut de ce minuscule cinquième étage sans ascenseur. Je me baladerais le matin le long de la plage et sortirais sans doute le soir jouer aux dominos avec les vieux du village avec qui j’écluserai ce vin noir qui sent la terre et le bois décomposé du vieux tonneau d’où le tire directement dans la même bouteille jamais rincée, la tenancière à la voix rauque
Entretemps, le monde continuait de ne pas tourner rond et un terroriste avait fauché des vies innocentes à Berlin. Je me suis demandé une fois de plus quand s’arrêtera cette violence aveugle, injuste, inadmissible. Quand j’ai appris qu’un jeune homme avait tué l’ambassadeur de Russie à Ankara en annonçant que « puisque vous tuez des innocents à Alep, nous tuerons les responsables russes partout où ils seront », je me suis dit cela c’est la guerre !! J’ai immédiatement pensé à l’attentat du métro Barbès à Paris en 1941 quand un jeune communiste signait l’entrée en résistance des jeunes français après l’attaque allemande de … l’Union Soviétique. L’histoire vous joue parfois de ces tours…..

Allei, la prochaine fois que je vous écrirai, nous serons en 2017, et après vous avoir écrit je me mettrai en route pour une semaine en Champagne avec mes enfants et petits-enfants. Passez des fêtes aussi belles que possible.

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