lundi 19 décembre 2016

1020 km au sud de Marseille

Cette fois, je suis à 1020 km au Sud de Marseille, donc beaucoup plus bas sur la méditerranée, dans la région d’Alicante dont je vous ai parlé au mois d’octobre. Mais contrairement à ce que m’avait annoncé Bégonia, ma belle-sœur,  quelques jours plus tôt, il fait mauvais, un temps tel que je n’en ai jamais vu depuis 23 ans que je fréquente le coin. C’est le déluge, la région Valencia-Alicante est en alerte orange. Des trombes d’eau s’abattent sur la terre, les toits et les routes transforment celles-ci en véritable torrent emportant tout sur son passage. Des coups de tonnerre d’enfer vous réveillent la nuit et les montagnes environnantes vous en renvoient leurs échos multipliés. Les cailloux et les terres des montagnes finissent par colorer la mer de brun. Hier, un habitant de Finestrat, voulant mettre sa voiture à l’abri du fleuve torrentiel qui avait pris la place de la route où il était garé a été emporté jusque la mer. Son naufrage a été filmé, on le voit fauché par la force de l’eau à hauteur de ses mollets, on assiste à ses tentatives de se redresser mais chaque fois l’eau est la plus forte, épuisé, il est emporté tel une brindille vers la mer. On le retrouvera le lendemain  à sept km de l’endroit où il avait disparu.
A longueur de journée tournent en boucle sur les chaînes de télé les catastrophes, les villages et villes inondés, les voitures et les mobiliers urbains emportés, la boue qui s’infiltre partout jusque dans les maisons, inondent les champs d’agrumes menaçant les récoltes en cours.
De fait, dans ce village que j’adore (voir ma chronique du 24 octobre) le spectacle est désolant, la plage pourtant très large disparaît sous l’assaut des vagues, la promenade du bord de mer est déserte et il n’y a pratiquement pas âme qui vive, les gens sont terrés chez eux comme cela a été conseillé par les autorités. Seul des débris en tout genre, des branches de palmiers, les pierres et les cailloux ayant dévalés la montagne, jonchent les rues. Difficile d’imaginer la vie qui y régnait il y a encore quelques jours et difficile d’imaginer que dans quelques semaines les traces de ce chaos auront disparu, le soleil brillera, les habitants et les touristes se promèneront le long de la plage, se baigneront ou mangeront en terrasse. Ils ne sauront peut être pas ce qu’était le village en cette veille de Noël désespérante pour les espagnols de la Costa Blanca. Comme un espace-temps où tout doit mourir et disparaître
Allez savoir pourquoi, défilent à ce moment dans mon esprit les mauvaises nouvelles des dernières semaines : l’élection de Trump, la victoire de Fillon, la guerre en Syrie, les foules de réfugiés, leur naufrage, Erdogan et ses crimes, le refus du gouvernement belge de se soumettre à la loi, la destruction du dernier haut fourneau de Seraing, la mort de Jacky et tous ces malheurs qui ajoutent à la désespérance du monde.
Difficile dans ce ciel noir de trouver les étoiles que je cherche pourtant toujours. Comme devant la plage déserte et encombrée de détritus devant laquelle je suis, difficile d’imaginer que demain le soleil brillera. Mais je trouve quelques étoiles dans ce qui paraîtra insignifiant, dans de petites choses de la vie quotidienne. Une interview de Jef Aérosol affermit ma conviction que l’art est résistance : résistances des idées, résistances des solidarités. Une photo d’une jeune femme nue saupoudrée de farine me fait rêver. Cette photo porte les deux choses qui me font fondre, qui me passionnent : la farine et le corps féminin.
J’ai quand même pu aller jusqu’au port de pêcheurs. Je voulais m’assurer que les petites barques étaient toujours là et que leur propriétaire n’était quand même pas sorti dans  cette mer démontée. C’est là que je l’ai vue. C’était elle, j’en étais sûr. La petite bouteille. Elle clapotait contre la coque du bateau d’Amedeo.  Je la reconnaissais à sa forme dodue et je voyais les messages qu’elle contenait. Je l’avais mise à la mer à Marseille, j’y avais glissé deux feuilles de papiers à cigarette. Sur l’une j’avais écrit pas espièglerie un ex Voto tel que j’en avais vu à ND de la Garde. Sur l’autre, un message recto-verso : « il est probable que personne ne te trouvera et que tu finisses parmi les déchets de cette planète, mais si un jour je te retrouve, alors tout sera possible». Aussi improbable que cela puisse paraître, je l’ai retrouvée. Elle avait parcouru les 1020 km qui séparent Marseille d’Alicante. C’était cette nuit, j’en suis sûr. Vous croyez que je l’ai rêvé hein !! ah gens de peu de foi.
Allei, il paraît que le mauvais temps nous quittera mercredi. Je reprendrai alors mes promenades du matin et je vous raconterai… En attendant j’ai difficile, comme mon amie Nicole, de vous souhaiter un « joyeux » Noël dans ce monde ou tant de gens souffrent, mais sachez que je pense à vous et vous souhaite le meilleur qui soit pour les vôtres.

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