mardi 8 novembre 2011

le mieux est l'ennemi du bien


Ce texte est fort long. Je m’en excuse, mais il parle une succession d’événements survenus en un laps de temps très court et que je me devais de vous conter.

Je m’étais réveillé en nage et il me fallut un certain temps pour me rendre compte que j’étais bien dans ma chambre. Le soleil passait en jaune pâle à travers les tentures d’écru. Le réveil électrique indiquait « Dimanche 31 octobre, dix heures dix ». Marlène rentrerait dans huit heures de ces cinq jours de travail à Londres. J’avais bien planifié tout ce que j’avais à faire d’ici là pour que la maison soit en ordre à son arrivée et le repas préparé.
 J’avais décidé de cuisiner ce que les espagnols désignent « Salade Russe ».Simple et bon. De plus, je pouvais, je devais même, la préparer à l’avance et la laisser « prendre » au moins deux heures au frigo. Je descendis à la cuisine et mis directement à cuire trois pommes de terre en chemise et trois œufs durs. Une fois cuits et refroidis, j’aurais à couper deux belles carottes, un beau blanc de poireaux, deux échalotes, et une vingtaine d’olives noires en mirepoix, les mélanger avec les pommes de terre et les œufs cuits durs, y ajouter une boîte de thon au naturel, mettre le tout dans un beau saladier, recouvrir d’une bonne couche de mayonnaise et mettre le tout au frigo.
J’avais également acheté du saumon fumé bio, pas absolument nécessaire mais c’est une tradition et une tradition, cela se respecte. Depuis toujours, quand Marlène rentre de l’étranger, il y a à table du saumon fumé et du cava espagnol. C’est comme cela et il n’ya aucune raison que je change cette coutume.
Mais déjà, on sonnait à la porte (chose rare un dimanche matin) et j’allais ouvrir, encore en pyjama (chose non pas rare mais absolument exceptionnelle). C’était André, le papa d’Hélène. « Voilà Mario, la femelle est également morte. Le vétérinaire est formel, c’est le choc psychologique de la mort du mâle. C’est comme pour les oiseaux inséparables dés que l’un meurt, l’autre suit, c’est pour cela qu’on les appelle inséparables ». Son ton était véhément, accusateur, j’avais créé le drame dans cette famille, j’étais responsable de tout. J’avais tenté d’exclure de ma mémoire cette catastrophe survenue la veille, samedi. J’y pensais sans y penser et avait presque fini par croire que ce n’était pas arrivé, qu’il s’agissait d’un mauvais rêve.
J’avais hésité le samedi à tondre la pelouse, non pas qu’elle fut trop haute mais histoire de la nettoyer des feuilles mortes qui s’y accumulaient. Marlène ne me demande rien de spécial pour son retour, elle n’a pas d’exigences particulières quand à l’ordre dans la maison, mais je veux toujours en faire trop, que tout soit net et même mieux qu’à son départ. Qu’elle puisse s’écrier « oh, quelle belle maison, quelle belle table, quel bon repas, quelle belle pelouse, quel bel accueil… ». Je voulais toujours en faire trop et cela m’avait déjà valu quelques incidents, mais jamais aussi catastrophiques que cette fois. C’était d’autant plus ridicule qu’à l’heure où Marlène rentrerait de Londres, il ferait déjà sombre et elle ne remarquerait pas la pelouse tondue et propre. D’autant qu’en deux jours, d’autres feuilles l’auraient à nouveau encombrée. Mais rien n’y fit. En fait je le faisais autant pour Marlène que pour moi. Je décidai donc de tondre la pelouse et une connerie n’allant jamais sans une autre, je choisis d’utiliser la vieille tondeuse. Elle trainait dehors depuis juin, sa carrosserie était rouillée et démangée tout autour du moteur. J’avais mis du gros sotch sur les trous pour empêcher la tonte de me voler dans la figure, mais j’appréhendais le moment ou le moteur se détacherait et finirait on ne sait où. Mais comme cette fois,  il s’agissait surtout de ramasser les feuilles mortes… Cela arriva en fait juste au début de la troisième bande de tonte. D’un  seul coup. Bien plus vite que je ne l’aurais imaginé. Les quelques bout de ferraille qui attachaient encore le moteur au reste de la tondeuse, se déchirèrent et instantanément, le moteur se détacha, pris de la hauteur sous l’effet de l’hélice, traversa les cinq mètres du jardin de notre voisine Louise et atterrit dans le jardin des autres voisins. J’entendis un cri, bref, assez aigu, difficile à reproduire et puis d’autres cris et des pleurs d’enfants. Mon Dieu, Hélène pensais-je. J’entendis de suite les cris de sa mère, « Mon Dieu qu’avez-vous fait Mario, mon Dieu qu’avez-vous fait ? ». Je reçus un coup au cœur, mon ventre était en feu, je me précipitais, sautais les deux clôtures à une vitesse époustouflantes, Hélène pleurait, mais ne semblait pas blessée, sauf aux mains qui étaient en sang, mais je compris très vite que ce n’était pas elle qui saignait. Les chihuahuas ! L’enseigne avait été installée à peine quinze jours auparavant : « les chihuahuas d’Hélène, élevage et vente ». C’était un chihuahua. Hélène tenait en mains une tête de chien chihuahua, qui n’était plus rattaché à aucun corps. Ses grands yeux étaient resté ouverts, un bout de sa langue rose sortait de sa bouche, j’avais décapité un chihuahua !! J’étais à la fois soulagé et à la fois je me rendais compte que la catastrophe n’en était pas moins terrible. « Qu’avez-vous fait Mario ? » se plaignait la mère d’Hélène, « mon chihuahuaaaa », pleurait Hélène. Je ne savais que dire pour m’excuser, j’avais les intestins tordus de douleur, ma désolation ne les calmait ni les consolait. C’est André le père qui finit par dire : « c’est cinq mille euros un chihuahua ! ». « Oui bien sûr, je paierai, je suis désolé, j’aurais préféré me blesser moi-même, c’est un accident comme il en arrive parfois, cela aurait pu être pire, mais je ferais appel à mon assurance et je paierai bien sûr ». Je dus au moins le répéter dix fois pour qu’enfin tout le monde se calme, que la mère arrête de répéter « qu’avez vous fait Mario ? » qu’Hélène cesse de pleurer « mon chihuahuaaaaa » et qu’André cesse de me rappeler « c’est cinq mille euros un chihuahua ». J’emportais mon moteur de tondeuse, repassais le jardin de Louise qui entretemps était accourue et me regardait l’air de dire « vous n’en faites pas une bonne hein vous ! ».
Il me fallut un long moment pour me remettre de mon désarroi et J’achevais de tondre ma pelouse avec les pieds de plomb. Qu’avais-je eu besoin de tondre cette pelouse ? Et avec cette vieille tondeuse en plus ? Le soir, je bus deux bouteilles de vin pour tenter de chasser de ma mémoire la tête sanguinolente du petit chien et les sanglots d’Hélène. Et maintenant, il s’avérait qu’un deuxième chihuahua était mort. « Deux chihuahua c’est dix mille euros » me dit André. Bien acquiesçais-je. Je prendrai contact avec mon assurance, je paierai, je suis désolé, je ne le regretterai jamais assez…
C’était donc bien arrivé et il allait falloir que j’explique cela à Marlène qui m’avait déjà dit à plusieurs reprises de ne pas utiliser cette vieille tondeuse, que je finirais par avoir un accident… On croit que cela n’arrive jamais ce genre de chose mais voilà.
Il fallait quand même que je continue ma remise en ordre de la maison, les chihuahuas étaient morts et ne rien faire ne leur rendrait pas la vie. Je nettoierai juste ce qu’il faut, ne rien faire qui ne soit indispensable, éviter tout nouvel accident, ne pas ajouter de catastrophes à la catastrophe.
Mon nettoyage consiste à prendre les poussières des meubles et des objets, à changer de place un tableau ou l’autre, à cirer table et armoire et à passer le mocho au sol après y avoir passé l’aspirateur.
Je devais faire attention au grand miroir du corridor. Il fait un mètre cinquante de hauteur et quatre vingt centimètres en largeur. C’est un grand miroir, reproduction des miroirs néo-classiques. Il est lourd, il s’est déjà retrouvé au sol après que le câble d’acier qui le tenait au crochet se fut brisé. Heureusement, à l’époque le miroir n’avait subi aucun dégât. J’avais remplacé le câble par une chaîne, mais chaque fois que je le dépoussiérais, j’avais une appréhension et aujourd’hui encore plus après la catastrophe de la veille. Je pensais même ne pas le dépoussiérer pour éviter tout risque mais, il se trouvait dans l’entrée, entouré de deux belles lampes murales qui faisait scintiller ses moulures dorées et il ne fallait pas qu’il soit poussiéreux à l’arrivée de Marlène. Je passais donc ma loque à poussière. Sans doute étais-je nerveux, sans doute appuyais-je trop fort où peut être fis-je un geste maladroit, toujours est-il que j’entendis un clac, je vis le miroir glisser le long du mur et je fis ce que je n’aurais pas du, je tentais de le retenir et évidement, voulant le plaquer au mur, je brisai la glace. Le bruit de verre brisé me parut effroyable et je ressentis une atroce douleur. Une pointe de verre m’était entré dans l’avant bras, je l’enlevais et découvris une entaille de quatre ou cinq centimètres de larges et de deux centimètres de profondeur. Je suis en permanence sous anticoagulant et le sang se mit à pisser. Le cadre du miroir était entier mais le verre se réduisait à des morceaux de pointes accrochées aux bords. Je m’entourais le bras d’une serviette éponge, espérant stopper l’hémorragie. Il fallait que je ramasse les morceaux par terre, sans me blesser de nouveaux. Ce que je fis. Mais la serviette était complètement imbibée et quand je la retirais, le sang coulait et sortait par giclée. Je n’avais pas le choix, je devais me rendre à l’hôpital au plus vite et plus vite je serais soigné, plus vite je pourrais achever la mise en ordre de la maison.
La salle des urgences était remplie de monde, des gosses qui pleuraient ou gémissaient, des femmes au bord de la syncope, un gars pieds nus dont le gros orteil faisait angle droit avec le pied. Il avait heurté le pied de sa nouvelle table et son orteil s’était détaché m’expliqua t’il. Il m’apprit qu’il était chauffeur de bus et je ne pus m’empêcher de rire. « C’est pour quoi vous ? » me demanda l’infirmière. Je lui expliquais et immédiatement, elle cria, « brancardier, Sintrom » et immédiatement, je me retrouvais installé dans une chaise roulante, on m’injecta le contre produit, l’hémorragie s’arrêta presque de suite et on me recousu la plaie sans autre forme de douceur. On m’annonça de suite que je devrais rester à l’hôpital jusqu’au lendemain, le temps de réguler mon taux. J’expliquais que c’était impossible, que ma femme rentrait de Londres dans quelques heures que je devais finir de mettre en ordre la maison, mais rien n’y fit. « Votre femme préférera vous retrouver en bonne santé que de retrouver sa maison en ordre » trancha la doctoresse. Peut être, mais il était hors de question que Marlène rentre sans que je ne sois là pour l’accueillir, et découvre le miroir brisé et au pire, apprenne les circonstances de la mort des chihuahuas. Je m’endormis une demi-heure, à mon réveil, les médecins et infirmiers étaient débordés et couraient en tout sens. J’en profitais pour m’éclipser sans demander mon reste.
Il me restait assez de temps de nettoyer et d’ensuite aller chercher Marlène à la gare. Mais jamais deux sans trois comme on dit.
Le seau qui nous sert pour le nettoyage est toujours rangé au pied de la terrasse, juste au coin des pignons arrière et latéral. A cet endroit, les joints des briques se sont vidés sous l’action du temps et surtout de la pluie. Depuis vingt ans que nous habitons la maison, je me dis qu’il faudrait prendre le temps de rejointoyer, mais, vous savez comment c’est, nous parons au plus pressé, nous nous occupons le plus souvent d’abord des apparences et de l’esthétique, à tort nous donnons priorité à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur et puis comme disait mon grand père, les briques, cela tient par habitude…Bref, nous n’avons toujours pas rejointoyé. Parfois l’idée m’affleure que les briques pourraient finir par tomber et le pignon s’effondre. Mais je ne m’y suis jamais vraiment arrêter et ai toujours préféré investir les projets positifs que les réparations.
Le seau de nettoyage possède un bec assez grand et le bec était justement encastré, oh, d’à peine un ou deux centimètres n’est-ce pas, dans le vide d’un joint. Je dus enlever le seau trop vite, en faire une sorte de levier et dés que je l’eus enlevé, quelques briques s’effondrèrent, peu à peu d’autres suivirent et ce fut finalement deux bons mètres de coin du pignon qui se retrouvèrent au sol. J’eus peur que le reste suive et que tout un pan de la maison ne s’écroule. Mais cela sembla se stabiliser. Je courus chercher un mandrin à l’arrière et j’étançonnais le coin du pignon du mieux que je pus malgré la douleur qui s’éveillait dans mon avant bras. A l’intérieur de la maison, le plafonnage avait tenu et seul un trou de quelques cm laissait passer le jour. Je le camouflai comme je puis avec du papier et me dis que je pourrais réparer cela dés demain, sans que Marlène ne s’aperçoive de quoi que ce soit. Il me restait peu de temps pour achever mon nettoyage, dresser la table, me rafraîchir et me changer et enfin aller chercher Marlène.  J’avais décidément joué de malchance, voulant bien faire, j’avais accumulé les catastrophes, je me sentais mal et affaibli et me disais que Marlène s’apercevrait vite que quelque chose ne tournait pas rond.
Je me félicitais d’avoir préparé cette salade russe, j’avais mis le cava au frigo et déballé le saumon pour libérer son parfum. Il me fallut une demi heure pour faire ce qu’il me restait à faire et dans moins d’un quart d’heure Marlène arriverait à la gare des Guillemin.
Mais ce fut le moment où cela tourna au cauchemar. Impossible de démarrer la voiture. Je venais pourtant de faire un aller retour à l’hôpital sans problèmes et là, plus rien, juste un petit clac quand je tournais la clé mais de bruit de moteur, aucun. Pourquoi aujourd’hui ? Pourquoi juste à ce moment, alors que je n’avais pas de temps suffisant pour prendre un bus ou appeler un taxi. Le sort s’acharnait sur moi. Dans d’autres circonstances, j’aurais pu appeler Marlène sur son mobile, lui dire de prendre le bus, mais aujourd’hui ! La laisser venir et à son arrivée devoir lui expliquer le miroir, l’hôpital, les chihuahuas, le pignon. Non, il fallait que j’aille la chercher, que je mette à profit le trajet de la gare à la maison pour lui expliquer. Je la connaissais, elle me plaindrait, elle me dirait « mais mon pauvre chou, fallait pas faire tout cela pour moi, pourquoi toujours te donner tant de mal… ».
Ahmed, le voisin d’en face, portait sa petite fille à l’intérieur de la maison et je m’aperçus qu’il avait laissé tourner le moteur de sa voiture. Je n’hésitais pas une seconde, sautais dans son auto et démarrais en trombe. Dans le rétroviseur, je vis Ahmed sortir en courant, agiter les bras et puis rester stupéfait au milieu de la rue. Je lui expliquerai, il comprendra et qu’il comprenne ou non, je n’avais pas le choix et tout cela finirait par s’oublier.
Il m’arrive souvent dans des moments de terribles stress ou de fortes émotions, d’avoir des pensées complètement saugrenues, de m’attacher à des choses sans importance aucune au regard de la situation vécue. C’est ce qui se passa en passant devant la station d’essence, je compris enfin que le mot NITNIT que je voyais depuis quinze jours sur les calicots sans que j’y prête réellement attention, était en fait TINTIN que le lisais sur l’envers du calicot. Ce n’est qu’à ce moment que je pris conscience des illustrations des personnages d’Hergé qui ornaient le calicot. Mais il fallait que je fasse attention, je roulais trop vite, dans une voiture que je ne connaissais pas bien. Jusqu’à présent, tout ce qui était arrivé, était des accidents dont je n’étais pas totalement responsables ou du moins étaient des catastrophes involontaires que l’on pouvait ranger dans l’ordre des accidents domestiques. Bon de fait la fuite de l’hôpital était limite de ce point de vue, mais les conséquences ne concernaient que moi et je n’infligeais rien aux autres si ce n’est l’inquiétude que cela pourrait créer chez Marlène. Mais « l’emprunt » de la voiture d’Ahmed, relevait d’un autre type de comportement. C’était presque de la délinquance. Je pensais en roulant à tombeau ouvert à l’expression que Marlène employait souvent, même en forme d’humour : « mais tu es fou ma parole ! ». La plupart du temps, c’était badin. Mais il était arrivé une fois ou l’autre ou elle me le disait et je voyais chez elle un regard scrutateur, interrogateur, qui signifiait clairement « mais tu n’es pas fou quand même ? » ou même « mais oui, tu es fou !». Etais-je fou ? Malgré les apparences, dans les lacets qui descendaient vers la ville et dans lesquels je n’arrêtais pas de faire crisser les pneus, je pensais que non. Je ne crois pas être fou. Tout au plus, parfois des fractions de secondes de perte de consciences, d’absences, des trous ou des petites cases manquantes, parfois un refus presque volontaire de réfléchir à ce que je fais, aux conséquences de tel ou tel désir auquel la réflexion me ferait renoncer. J’ai toujours eu une volonté farouche de sortir des sentiers balisés, de tenter du neuf, de créer, d’inventer, de sortir des carcans et des contraintes. Mais était-ce là de la folie ? Je ne pouvais pas ou ne voulais pas le croire.
Mais dans un dérapage, je venais de heurter une voiture à l’arrêt. Les dégâts devaient être considérables, Je ne pouvais cependant pas ralentir, j’allais arriver d’extrême justesse à la gare et pourtant, je n’étais pas au bout de mes peines. Les travaux ! L’accès à la gare était en travaux ! Je devais me garer à 250 mètres de la gare et c’était impossible, je serais en retard, Marlène me chercherait sur le quai, dans la salle des pas perdus, sur l’esplanade. Non. Je connaissais ces travaux, je savais qu’au-delà des barrières, le rond point en béton était déjà réalisé et le béton avait durci. Ils le coulaient le vendredi quand j’étais venu au point-vélo. Je décidais de foncer. Avec suffisamment d’élan, je passerais les barrières, atterrirais sur le rond point et de là, encore un bond pour me retrouver devant la gare. C’est le contraire qui se passa. La voiture s’encastra dans les barrières qui se plièrent sous les roues avant et la voiture heurta le béton de plein fouet. Malgré les airs bag, je fus projeté au travers du pare brise, et me cognais contre une machines rangée là. Je me relevai péniblement et me mis à monter en boitillant l’escalier extérieur conduisant aux quais.  Je sentais le sang couler sur la figure et le long de mon bras, mais je savais que l’anticoagulant me protégeait d’une hémorragie. Stupidement, je me demandais comment réagirait le ciment blanc de Calatrava aux tâches de sang ? Je fus sur le quai numéro un en même temps que le train en provenance d’Ostende et Bruxelles, dans lequel voyageait Marlène. Mais deux policiers que je n’avais pas vu venir, me plaquèrent au sol et ma tête cogna violemment le béton.
C’est à ce moment exact que je me suis réveillé en nage et il me fallut un certain temps pour me rendre compte que j’étais bien dans ma chambre. Le soleil passait en jaune pâle à travers les tentures d’écru. Le réveil électrique indiquait « Dimanche 31 octobre, dix heures dix ». Marlène rentrerait dans huit heures de ces cinq jours de travail à Londres. La pelouse était encombrée de feuilles mortes, je fis signe à Ahmed qui nettoyait sa voiture, les bords du miroir de l'entrée scintillaient au soleil et j'entendais les chihuahuas d'Hélène s'égayer dans leur jardin.

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