mercredi 11 février 2015

"Je pleure comme un veau"

J'ai peur. J'ai peur de ne plus pouvoir lire de livres, de romans, de nouvelles. j'ai peur de ne plus pouvoir chanter les chansons que j'aime. J'ai peur de ne plus pouvoir regarder de films trop émouvants, trop forts, trop vivants. Cela fait quelques mois que je voudrais vous entretenir à ce propos, mais j'hésitais, me croyant seul dans cette situation. Et puis deux choses sont venues me montrer que je n'étais pas seul à vivre avec les yeux mouillés. 
D'abord, en lisant les sonates d'automne de j. Zwick j'ai été frappé de voir à de nombreuses reprises, combien des lectures, des chansons, des films, des mots lui faisaient monter la larme à l'oeil. Puis, pas plus tard qu'avant hier, un souper avec mon frère Renzo et mon beauf Jean Louis: à propos d'un film, j'entends les deux se dire "j'ai pas arrêté de pleurer". Quoi, vous pleurez?? Oui, réponds Jean Louis et plus je vieillis et plus je pleure facilement! Ouf, libération! je ne suis pas le seul à avoir la larme facile. C'e n'est pas du à mes origines italiennes ( comme me le disait une cliente quand je lui avais dit que le film "mes belles années " m'avait fait pleurer. Oui mais, vous, vous êtes italien). Ouf, quel soulagement, les hommes sont de plus en plus émotifs et pleurent pour un oui, pour un non. C'est gênant, mais cela devient général. Bon, il est vrai que Charlie a, parmi des tas de choses positives au milieu de cette horreur, libéré les larmes des hommes (on a toujours trouvé plus normal les larmes chez les femmes, ces êtres fragiles et émotifs.). Bon, mais moi, je vous dis pas. Ma soeur Evelyne m'offre le dernier recueil de L. Sepulveda et dés la première page où il parle de sa relation à ses enfants et au Viejo (son père, dit le vieux), plus moyen d'aller plus loin, mes yeux sont noyés de larmes et les mots devienent illisibles et je suis obligé de remettre malecture à plus tard. Je rentre un soir de la semaine dernière avec une chanson de Jean Ferrat dans la tête (Que serais-je sans toi), je me mets à la fredonner et cloc, ma gorge se serre, ma voix s'étrangle et je sors des sons complètement ridicules et tremblotants sous l'émotion.  Je me dis bon arrêtons et passons à l'écoute sur Youtube; impossible d'écouter Jean Ferrat, trop profond et touchant, Youtube me renvoie à du similaire et je tombe sur Leo Ferré, encore pire, ce type y croit trop et cela me brise complètement et j'ai envie qu'il ressuscite. Je clique sur Stranger Song de Lèonard Cohen et là c'est la fontaine, telle, qu'elle inquiète Marlène qui me demande ce qui est arrivé et à qui. La connaissant, je lui passe le casque et elle a la réponse à sa question puisqu'elle se met elle-même à pleurer. L'autre jour, nous regardons, par hasard " la guerre est déclarée". Un film sur le combat de parents d'un enfant atteint d'une tumeur au cerveau. Ouf, je vous dis pas, deux fleuves de larmes inextinguibles.
Alors je me dis, c'est foutu, je ne pourrai plus jamais lire, sauf des trucs sans âmes, sans vie, sans émotion. Je ne pourrai plus jamais chanter, ni les passantes, ni les mots bleus, ni femme chocolat. Je ne pourrai plus lire, ni Sépulveda, ni Manuel Rivas, ni Almudenas grandes, ni Tabucchi. Ils me font tous pleurer d'émotion et avec l'âge, je n'arrive plus à la contenir.  Je n'irai au cinéma que pour des films tordus et à la con mais fini de regarder en boucle Le voleur de bicyclette (que je devais déjà regarder en cachette de Marlène), Le septième jour, La femme d'à côté ou encore Au milieu coule une rivière. Je suis condamné à la connerie, à l’abêtissement et je me demande ce que je vais devenir. Je vais passé ma vieillesse à me balader là où il n'y a personne à croiser qui pourrait me raconter des histoires tristes. Je m'assiérai dans mon beau bureau tout neuf, à regarder juste la couverture des livres sans y toucher, ou le fonds du jardin en espérant ne pas y voir ce couple de merle dont on voit qu'ils s'aiment, dont le mâle fait tout et est prêt à tout pour défendre la femelle qui prend un bain dans la petite fontaine du jardin. ils s'aiment, cela se voit mais cela risque de me toucher et de faire remonter en moi tant de moments si doux que j'en pleurerai. Je ne prendrais plus le téléphone pour ne pas risquer d'entendre mes petites filles me raconter leurs amis, leur chemin dans la vie,  leur moment de bonheurs simples qui me touchent tant. Il faudra que j'arrêtes de penser aux amis et amies que j'ai et que j'ai eu et qui réveillent en moi tant de nostalgies heureuses.
Mais que vais-je pouvoir faire si je ne sais plus affronter tout ce qui est si beau dans la vie?? Non, C'est pas possible, il faut que je réapprenne à  rire quand les choses sont gaies, à me réjouir quand on est bien ensemble, à partager ce qui me touche avec ceux que j'aime. Il faut que je  me dise, non, que je me mette à crier que c'est cela le bonheur, quitte à en pleurer de joie, quitte à en "pleurer comme un veau"
Surtout cette semaine c'est la Saint Valentin, il y a plein de réservations pour des tables de deux. Je sais ce que cela va donner, je vis cela toutes les semaines: des couples qui s'aiment, s'émeuvent, qui se disent je t'aime, c'est pour toujours, et qui en pleurent d'émotion. Je vais pas quitter le monde quand même. C'est décidé, je leur offrirai un verre, on se souhaitera pleins de bonnes choses et on aura les larmes aux yeux et allei, on écoutera Charlebois chanter Un homme ben ordinaire.

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