lundi 13 juin 2016

Journal d'un restaurateur (23)

Journal d’un restaurateur (23)
Certains clients et amis s’étonnent que nous donnions si facilement nos recettes et nos méthodes de travail. Un restaurateur ami nous disait récemment « ne donnez pas vos recettes, les autres vont vous copier ». En fait, nous ne demandons pas mieux que d’être copier, nous sommes heureux que l’on nous demande souvent d’organiser un cours de cuisine (ce que nous ne faisons pas faute de temps) et continuerons donc à donner nos recettes et nos méthodes. Mais il faut se dire qu’en cuisine, une recette ne fait pas automatiquement un bon met. Une recette n’est pas tout, il y a aussi l’intuition, le savoir-faire, le toucher, la captation de ce qu’il y a dans le produit. Il y a le Métier. Je lisais récemment cette belle phrase d’un maître cuisinier japonais s’adressant à ses élèves : « Une recette est comme une partition musicale, elle est parfaite, mais si vous ne la jouez pas avec votre talent et avec votre âme, elle peut n’avoir ni goût ni charme ».
Notre WE a été calme, surtout le samedi soir. Cela nous a permis de passer la soirée avec Claudine et Gérard. Nous nous connaissons sans doute depuis trente ou trente-cinq ans. Nous avons travaillé dans la même organisation même si c’était dans des secteurs différents, avons fréquenté les mêmes coordinations, avons participé aux mêmes combats. Nous avons donc des échanges d’anciens combattants parfois mais aussi une lecture des événements ou du monde actuel à la lumière de notre passé. Et souvent, nous arrivons aux mêmes conclusions qu’avec d’autres vieux amis : nos certitudes sont ébranlées, le monde est dans une évolution ultra rapide, mais nous ne voulons pas lâcher prise, il y a des espaces où l’on peut construire des choses et il y a des valeurs pour lesquelles il est nécessaire de continuer se battre : la justice, l’équité, la solidarité, le vivre ensemble dans une planète durable…Je repense à une phrase que j’avais encadrée à une époque : « ni certitude, ni itinéraire, ni errance mais… itinérance ». A chacun de construire son chemin.
Nous avons terminé la soirée avec les C. Merveilleuses. Les deux ont un travail absolument fabuleux. L’une est luthière et spécialisée dans la fabrication de violons. Elle aime la matière, la forme, et elle a passé la main sur le bois de la table d’hôte en frêne que Véronique a mis en démo dans notre restaurant. L’autre C. est dans le monde du cinéma. Elle ne vend pas du rêve mais une approche, une lecture du réel et un regard esthétique bien sûr. Il y avait aussi JC et S qui nous a raconté son Maroc, son Marrakech et son travail d’accompagnement des vieilles personnes qu’elle adore.
Nous avons reçu quatre personnes, anglophones, assez âgées, ce samedi soir. C’est Dina qui s’est occupé d’eux vu mes faibles connaissances de la langue. Je leur ai conseillé le vin blanc de chez Joncier. A un moment, le seul d’entre eux qui baragouinait un peu le français me fait appeler et me dit « nous avons commandé cette bouteille à 36€ c’est bien cela ? » Oui dis-je c’est cela. « OK me dit-il combien pour la deuxième bouteille ? » Du tac au tac je lui dis et bien la deuxième ce sera le contraire soit 63€. « Ah dit-il 63€ pour les deux alors ? » Ah dis-je, mais vous êtes un vrai italien vous. « Non, dit-il,  écossais. » En partant, le monsieur a tenu à aller saluer tout le monde à la cuisine et Dina a eu le plus gros pourboire de son année en salle.
Quand j’ai raconté cela à Gérard il m’a dit c’est normal, j’ai acheté un jour un livre de recettes de cuisine écossaise et le premier paragraphe disait : allez chez le voisin emprunter deux belles casseroles et tout ce dont vous avez besoin…

Quand nous avons quitté le restaurant, il était un peu plus de minuit, les restaurants voisins avaient baissé leur volet. La pluie s’est mise de nouveau à tomber violemment et je me suis dit que cela ne m’empêcherait pas de sortir mon vélo et de recommencer peu à peu mes balades. Ce que j’ai fait ce dimanche. Allei, à la semaine prochaine avec à la carte une nouvelle entrée absolument fabuleuse dont nous reparlerons.

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