lundi 6 juin 2016

Journal d'un restaurateur (22)

Ce qui frappe le plus les clients qui nous fréquentent, outre l’originalité des plats proposés (qui relève tant de la cocina casera- cuisine de maison- que de la créativité de la cheffe, c’est la forte présence de légumes dans les assiettes et leur mode de cuisson. On nous demande sans arrêt notre méthode de cuisson et nous la divulguons sans problèmes : nos légumes sont posés sur des plaques de cuisson, avec un filet d’huile d’olive, un peu d’eau et cuits au four. La durée de cuisson dépend bien sûr du type de légumes. C’est sans aucun doute cela aussi qui assure la qualité de cuisson : chaque légume ou type de légumes est cuit séparément. L’objectif : les cuire juste ce qu’il faut, ils doivent être cuit tout en restant croquant. Ces légumes ne doivent pas être égouttés, on y met juste l’eau qu’il faut pour éviter qu’ils ne dessèchent et gardent ainsi toutes leurs qualités nutritives. Au moment de dresser les plats, les légumes sont rissolés de différentes manières selon les plats.
Marlène adore aussi aller contre les « canons » gastronomiques. Elle sert crus des légumes qu’on a toujours cuits (le potiron par exemple), elle sert cuits ou rissolés des légumes que l’on mange généralement crus (les radis par exemple), elle prépare des salades fraîches avec des fanes et des épinards et cuit des feuilles de laitues dans ses lasagnes végés.
Autre caractéristiques de notre cuisine : nous tentons toujours un équilibre dans les choix proposés entre plats végés et plats carnés. C’est vrai pour la carte du midi où le plat du jour est toujours décliné dans les deux catégories. Ainsi si nous proposons une lasagne, il y aura toujours le choix entre une lasagne végé et une lasagne bolo par exemple, ou une potée avec viande et une autre avec des protéines végétales. Nous veillons en effet à ce qu’il y ait toujours des protéines végétales dans nos plats végés. Nos plats végé ne sont pas comme c’est souvent le cas dans certains restaurants, des plats dont on a simplement retiré la viande. Et nous avons toujours également un ou deux  plats végétaliens. Nous nous refusons en fait à discriminer les choix de qui que ce soit.  Nous considérons le végétarisme comme une démarche intéressante : il est évident que le mode de consommation carné occidental est invivable à l’échelle planétaire et au vu de l’accélération démographique (il faut neuf fois plus de terre pour produire une protéine animale que pour produire une protéine végétale). Il est donc indispensable de trouver un mode de consommation carnée équilibrée et de favoriser la consommation de protéine végétale (ce que nous faisons depuis les débuts de Como en casa il y a sept ans.) Nous respectons aussi bien le végétalisme qui refuse toute consommation non seulement de chair animale ou de la mer mais aussi de produit animalier tels qu’œufs, lait etc… Le végétalisme peut interpeller et apporter quelque chose au débat sur le mode d’alimentation. Sachant également que dans ces deux disciplines alimentaires la santé est un des facteurs déterminant. Mais nous ne voulons pas faire de ces deux démarches une doctrine discriminatoire envers ceux qui aiment la viande. La viande est un repère culturel très fort dans notre culture alimentaire. Personnellement je rêve d’une consommation de viande qui se limiterait à sa seule production artisanale et domestique.
Il est indispensable dans le domaine alimentaire de donner du temps au temps. Ce qui l’emportera c’est la qualité, le goût, le plaisir et la convivialité autour d’un  repas partager. Autrement dit, le Bon, le Propre et je Juste.
Nous sommes ouverts à toute nouvelle expérience, d’où la mise à la carte des pâtes à la farine d’insectes. Nous y croyons beaucoup comme une composante dans les recherches d’alternatives protéinées. Nous en avons encore servis une dizaine ce dernier WE et les gens en étaient ravis.
Il est important de ne pas être doctrinaire dans le domaine de l’alimentation. Faut-il considérer les insectes comme des produits animaliers ? Si la motivation du végétarisme et du végétalisme est de lutter contre la souffrance animale, que penser de « l’intelligence » ou du  moins de la « sensibilité » que les chercheurs découvrent de plus en plus chez les plantes ?
Dans cette recherche constante d’équilibre, voici ce que nous proposions à la carte ce dernier WE (vous savez qu’en soirée nous n’ouvrons que le vendredi soir et samedi soir)
En entrée nous avions : - Pâtes à la farine d’insectes au pesto d’épinard, roquette et menthe poivrée. – Céviche de cabillaud et ses petits légumes tout frais. - Couteaux de mer au vin blanc et persil. – Tartare de patates douces et guacamole aux olives et légumes.
En plat : - Bœuf en croûte de pavot et sa farandoles de légumes. – Scampis au curcuma et gingembre et ses légumes et fruits rissolés. – Risotto au saumon (le risotto est souvent végétarien et s'accommode des légumes de saison allant des salsifis aux épinards et en passant par les fraises avec ces différentes épices. Le risotto carné est rare chez nous) - Curry de légumes, tofu et quinoa. – Penne aux épinards et feta.- Filet de maquereau aux champignons et son gratin de céleri rave et pomme de terre.
Cela nous fait plaisir évidemment d’entendre les compliments. « C’est vraiment très bon » « merveilleux », « une tuerie ». Ce dernier vendredi un groupe de six jeunes femmes venaient du Grand-duché de Luxembourg et sur proposition d’une amie vivant à Liège, sont venues à Como en Casa. Elles trouvaient tout fantastique : la nourriture, le lieu et l’accueil. Et aussi le fait que chacun a son intimité tant il y a de l’espace entre les tables.
Samedi, nous avons terminé la soirée avec Benoit et Bénédicte. Celle-ci va recevoir dans les prochains temps dans le cadre d’échanges étudiant, une mexicaine, un taiwanais venant du Chili et un américain. Pendant ce temps leur fille aînée partira un an en Argentine. Benoit, lui, s’entraîne en vue d’une balade à vélo avec des copains dans les alpes. Enfin, ce n’est pas une balade, c’est une performance et il a déjà perdu 6kg simplement en s’entraînant et en cessant la bière. Bon, c’est décidé, je remonte le vélo de la cave et j’arrête, eueueuh non, je diminue le vin.
Quand nous avons quitté le resto, les volets des restaurants voisins étaient baissés. Les hommes, les animaux, les plantes et les insectes étaient solidaires dans la peur du déluge d’eau qui commençait  à s’abattre sur la ville. Au moins on ne pensait pas à qui allait manger qui ou quoi.

Allei, à la semaine prochaine

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