jeudi 9 juillet 2015

Albert Delacharlerie s'en est allé

Il s'appelait Albert, Albert Delacharlerie. Un nom qui sans petit de, évoque malgré tout l’Histoire. Nous avions 20 ou 25 ans, il en avait 20 de plus.
Il était prêtre. Il avait été, sans notre avis, nommé aumônier par la conférence épiscopale. Aumônier malgré nous aurait dit Sergio Reggazzoni, un des nôtres, venu de Suisse. Aumônier malgré lui avons-nous compris bien après. Car nous apprîmes qu'il aurait pu faire une carrière épiscopale, et que le nommer aumônier de la JOC dont nous étions les dirigeants, était une façon de l’en écarter. C'est sans doute ce qui lui arriva de mieux dans la vie, même s'il eut du mal à le vivre au moment même.
Nous avions 20 ou 25 ans et toute l’assurance, l’arrogance et les certitudes propres à notre jeunesse.
Il accepta tout. Il nous dit que nous n'avions peut être pas tort. Nous avons compris assez vite que nous n'avions peut être pas raison. Nous avons compris plus tard que nous pouvions tout questionner, que rien n'allait de soi, qu'il fallait secouer l'édifice pour essayer d'autres voies. Les bien-pensants, les installés, les gens de son âge, l’establishment du MOC de l’époque lui en voulaient de nous donner sa caution d’adulte. Lui en voulaient de nous permettre de nous fourvoyer, de nous tromper, de nous chercher au risque de nous trouver. Nous avons fait notre chemin, nous avons creusé notre route et nous sommes construits notre destin. Nous nous sommes parfois trompés mais cela nous a permis de réaliser de bonnes choses. Il aurait encouragé Tsipras en lui disant cherche, mais c'est compliqué. Il nous a dit à l'époque cherchez mais rien n'est simple. Sortez des sentiers battus mais préparez-vous à souffrir. Nous avons pris des chemins de traverses, nous avons dû inventer et nous en sommes heureux.
Il a quitté la prêtrise, il a épousé Nicole qui avait notre âge et pour lui ce fut un acte d'amour profond et aussi un geste révolutionnaire, sa manière de contester cette église qu’il ne comprenait plus.
Nous savions que logiquement il mourrait avant nous. Nous avions 20 ans et il en avait 20 de plus. Mais aujourd'hui qu'il est parti, nous savons que c'est un frère qui s'en est allé, un frère qui fut un peu un père, un père qui fut un peu un frère. Salut Albert, ta tolérance d’adulte a participé à nous construire.
Nous pensons à Nicole et à tous les tiens. Qu’ils se consolent, si cela est possible, de ton départ, qu’ils soient heureux et fiers de ce que tu fus.
Nous serons ce samedi 11 juillet à 11h à l'Eglise de Bouge pour un dernier salut

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire