mardi 18 octobre 2011

ces yeux déchirés déchirants


Elle, Marlène, insistait pour faire le repas et voulait connaître mes souhaits. « J’ai envie de cuisiner, autant que tu me dises ce que tu aimerais » ! Bon, un repas tapas, avais-je dit, avec si possible « albondigas » (boulettes espagnoles accompagnées d’une sauce tomatée particulière qui n’ont rien à voir avec nos boulettes sauce tomate ordinaires) des vraies, avais-je donc inutilement insisté et « legumbres a tu moda » (légumes à ta façon) sachant que cela lui permettrait de donner libre cours à sa créativité. Je fus de suite interdit de cuisine et en profita pour retranscrire ma promenade de la veille à Bruxelles.
J’avais assisté à une rencontre organisée par la CNE et le SETCA avec les travailleurs locaux (des habitants de Belgique travaillant dans des ambassades et non du personnel diplomatique venant du pays représentés) des ambassades et pour laquelle Marlène traduisait. Cette rencontre était une première, pleinement réussie puisque s’y sont retrouvées près de septante personnes travaillant pour 28 ambassades différentes. Travailleurs sans filets, sans droits, sans contrats et sans recours juridiques, la plupart des ambassades usant et abusant de la fameuse « immunité diplomatique» pour imposer leurs règles où l’absence de règles dans les relations de travail. La matinée était consacrée à des témoignages personnels. Touchants. Des femmes et des hommes, en pleine force, qualifiés, dignes,  racontant les humiliations vécues : travail non déclarés, travail au noir (y compris dans des fonctions de haut niveau), licenciement abusif, sur le champ, sans aucune indemnités, heures de travail non comptées, précomptes professionnels jamais versés par l’employeur, interprètes à qui on impose des travaux domestiques non seulement dans les bureaux des ambassades mais aussi au domicile privé de l’ambassadeur, domestique obligée de prester de huit heures le matin à 23 heures et de dormir dans le salon durant cinq années …J’en passe et des pires évidemment. Encore un esclavage des temps modernes.
 Je vous dis cela en ajoutant de suite que cette journée fut très positive car elle a vu la naissance d’une intersyndicale pour ce personnel avec l’appui de l’administration belge des affaires étrangères et d’autres cabinets ministériels. Je vous tiendrai de temps en temps au courant de l’évolution de ce combat.
Mais le soleil était splendide, et j’avais quitté la réunion après les témoignages pour parcourir à pieds les rues de la capitale. J’avais trois heures devant moi et en tête le parcours que je voulais faire. J’ai mis 25 minutes pour aller de la rue de Washington (parallèle à l’avenue Louise) à la rue Haute. Pas grand-chose d’intéressant sur cette partie du parcours, si ce n’est la partie de la chaussée de Charleroi qui va de l’avenue Louise à la rue Berghmans (500m) où sont rassemblés des épiceries fines et des cavistes très originaux. J’étais content en contournant le Palais de Justice par la gauche, de voir un nouvel ensemble d’habitations sociales, esthétique et bien aéré dans lesquelles des familles ont commencé à vivre. J’ai flâné tout le long de la rue Haute et la rue Blaes. Quelques nouveautés que je vous soumets : à la rue Haute « L’Atelier en Ville » occupe pour le moment un déjà grande surface commerciale mais prépare un nouveau magasin encore plus grand juste en face du New Dewolf (ce dernier, qui pourtant a jouer un rôle non négligeable dans le développement du commerce de décoration dans la rue Haute, ne vaut vraiment plus le déplacement). « L’atelier en Ville » est spécialisé dans la réhabilitation ou la reproduction de mobilier en fer et bois de style industriel que pour ma part j’aime beaucoup. L’autre nouveauté est un magasin d’art africain qui nous présente toutes sortes de sculptures, très colorées, très originales et que je n’avais jamais vu. Je ne suis pas un spécialiste de l’art traditionnel africain qui habituellement ne m’attire pas, mais là j’ai aimé. Accrochez vous, les prix démarrent à 1500€ et vont jusque 2500€ pour des sculptures plus importantes. Le magasin s’appelle « Tanganyika, Mali ART »et ne se trouve pas loin de l’Atelier en Ville( rue Haute donc)
Rien de neuf à la rue Blaes, mais je vous conseille, si vous aimez les beaux objets et les jouets anciens (style tricycle, billards…) de ne pas rater  « apostrophe », au numéro 40 (ou 50 ?), j’y passerais des heures. Si vous voulez offrir quelques choses d’original à un enfant, c’est l’endroit et les prix sont abordables..
Si vous aimez le capharnaüm,  juste devant l’église de la Chapelle se trouve une véritable caverne d’Ali Baba, que vous ne sauriez rater  (1200m2 de surface). Ne vous y perdez pas car on vous y oublierait.
J’ai traversé le boulevard de l’empereur et ai descendu la rue des Alexiens (le long du bâtiment du PS). Trois restaurants qui valent la peine, s’y suivent : « La Porte Noire », « Bleu de toi » et « Le Vert de Gris ». Cuisine franco belge de qualité, cadre agréable et prix abordable (comptez 30 à 35€) Légèrement plus bas dans la rue se trouve ce café historique dont je vous ai déjà parlé et où vous pouvez déguster le véritable Lambic : « La feuille de papier doré »
J’ai pris ensuite la première à droite (derrière le PS) et rejoint la place de la Vieille Halle-au-Blé. Outre la Fondation Jacques Brel, la place foisonne aujourd’hui de cafés, restaurants et terrasses rassemblant les bruxellois branchés. Deux adresses à signaler outre le café Novo, « Saudades do Brasil » si vous voulez découvrir la cuisine de ce pays a des prix tout à fait corrects et un des restaurants italiens réputés de Bruxelles, tenu par trois frères sardes « le Pou qui tousse » aux prix malheureusement assez élevés. Mais j’ai déjà eu l’occasion d’y manger et c’est de l’authentique tradition italienne.
J’ai alors plongé vers la Grand Place sur laquelle une troupe de guides (scouts féminines) faisait le spectacle, rafraîchissant et gai. On avait envie de chanter avec elles. Je me suis ensuite mêlé aux « Indignés » rassemblés devant la Bourse pour clôturer leur manif.
Comme j’avais du temps, je les ai aidé à démonter les grilles qui empêchaient l’accès à la Bourse dans laquelle on a tout cassé, y compris défoncé les crânes des traders  avant de nous attaquer aux vitres de tous les commerces environnants et d’ensuite incendier les camionnettes et voitures de la police fédérales… ? Euh non, je me suis bien mêlé aux indignés mais le reste c’était dans mon cauchemar de la nuit passée. Oublions.
J’ai rejoint Marlène et des amis à la Halle Saint Géry, dans une ambiance ensoleillée où le vin blanc était bien délicieux. Ma promenade a duré trois heures, tout à l’aise et il me reste bien des circuits à faire à Bruxelles.
Juste quand je finis de transcrire cela, Marlène ouvre la porte fenêtre de la cuisine, me propose de dresser la table et y dépose divers plats, beaux et colorés dont un d’Albondigas. Elle avait mis dans les trois cent grammes d’ haché porc et bœuf, deux œufs et deux belles cuillères à soupe de graines de cumin, elle avait ensuite façonné de petites boulettes qu’elle a roulées légèrement dans la chapelure et frite dans l’huile d’olive. Elles étaient déposées sur une sauce rouge dans laquelle j’ai reconnu des piments rouges mais pas le reste. Quand je lui ai demandé ce qu’elle y avait mis, elle m’a simplement répondu « toutes sortes de choses » et j’ai bien vu que je n’en saurais pas plus. Elle avait préparés des légumes à »à l’italienne ». C’est moi qui les désignent ainsi car ils me rappellent trop les buffets d’antipasti qu’on trouve dans les restaurants de Rome : elle coupe les aubergines (qu’elle a pelées auparavant) et les courgettes en tranches très fines (à la mandoline qu’Agnès nous a offert) et les frit à l’huile d’olive en y mettant ail et thym. Elle a mis des poivrons grillés dans le four à 220 degrés, elle les a retiré dés qu’ils ont commencé à noircir, les a pelé et coupé en lanières. A mélangé les trois légumes dans une abondante huile d’olive dans laquelle trempait quantité de thym et d’origan. Comment vous dire le plaisir ? J’avais le soleil qui me réchauffait le dos, il n’y avait aucun bruit dans le quartier, nous avions acheté chez Uguson trois sortes de pain provenant de chez Benoît Segon et une bouteille de vin du Languedoc appelé « Alegria ou Petit Bonheur ». Je me suis dit « déguste, ne va pas trop vite, profite », J’ai alterné albondigas sur lesquelles j’ajoutais encore de cette sauce secrète, légumes mélangés que je déposais sur le pain multi céréales ou le pain aux olives vertes, je m’arrêtais pour une gorgée de « petit bonheur », j’étais ému et me suis dit que c’étaient les choses simples qui rendaient heureux.

Le titre de cette new est tiré d’un poème de Paul Eluard que je vous livre :
Que deviens-tu pourquoi ces cheveux blancs et roses
Pourquoi ce front ces yeux déchirés déchirants
Le grand malentendu des noces de radium
La solitude me poursuit de sa rancune



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