Les premiers objets que l’on peut
qualifier de vivants sont apparus sur terre il y a trois milliards et demi d’années.
C’étaient de minuscules gouttes issues de la « soupe » primitive
(voir ma chronique de la semaine dernière). Ces gouttes ne se dissolvaient pas
car les éléments la composant étaient rendus étroitement solidaires par l’existence
d’une membrane. Parmi ces éléments, un brin d’ADN était porteur de l’information
permettant de réaliser diverses protéines. Les bactéries présentes sur terre il
y a trois milliards et demi d’années étaient semblables à celles que nous
pouvons observer aujourd’hui (on a retrouvé des membranes pétrifiées).
Difficile à accepter mais c’est grâce à ces êtres frustres que nous sommes
présents. Ils étaient capables de se reproduire et c’était là leur arme
essentielle : une bactérie qui peut se dédoubler toutes les vingt minutes aboutirait
au bout de 24 heures à une population telle que serrées les unes contre les
autres (elles font à peine un micron de diamètre) elles recouvriraient le
territoire de la Wallonie.
C’est déjà une victoire inouïe
dans laquelle le temps perdait toute prise pour exercer son pouvoir
destructeur. Au lieu de résister au temps par l’inertie, comme les pierres
simplement capables de durer, les
bactéries narguaient le temps en faisant sans fin des doubles d’elles-mêmes.
Mais, problemo comme dirait mon
grand-père, cette prolifération sans fin devint vite inquiétante, comme une
tumeur qui grandit sans autre objectif que de croître et dans une uniformité
terrifiante. Heureusement des erreurs se produisirent et ci et là des
descendants d’une cellule naissaient différents, dotés de pouvoir que ne
possédait pas leur cellule mère. La diversité s’accrut lentement. Elle permit l’interaction
non plus seulement entre différents éléments à l’intérieur d’une bactérie mais
entre bactéries elles-mêmes. Les différences apportèrent ainsi un ressort
supplémentaire au déroulement de notre histoire. Au lieu de se dire « que
le plus fort gagne », les bactéries comprirent qu’elles avaient intérêts à
collaborer.
Grâce aux erreurs de
reproduction, aux accidents de transmission, les bactéries ont mis en place au
bout de quelques centaines de millions d’années
une immense variété de souche. Elles avaient imaginé d’innombrables
métabolismes. Associées en colonies riches de nombreuses espèces, elles pullulaient
dans les milieux les plus extrêmes et chaque espèce faisait sa part : certaines
s’adaptaient au froid, d’autres à la chaleur, certaines au milieu acide, d’autres
au milieu basique, certaines trouvaient leur énergie dans la lumière du soleil,
certaines produisaient des déchets que d’autres utilisaient comme nourriture.
Certaines ont même été capables de fixer sous forme d’acides aminés l’azote de
l’air, tandis que d’autres (et à la suite tous les êtres vivants) utilisaient
ces acides aminés pour synthétiser les substances constituant leur organisme.
Les bactéries photosynthétiques utilisaient au début l’hydrogène sulfuré
rejeté dans l’atmosphère par les volcans. Quand cette source s’épuisa, des
bactéries furent capables d’utiliser une autre matière première : l’eau.
Mais la décomposition de l’eau donnait de l’hydrogène ET de l’oxygène, poison terriblement toxique. Apparurent alors les « cyanobactéries »,
plus connues sous le nom d’algues bleues, qui provoqua un véritable cataclysme
planétaire. En quelques centaines de millions d’années la quantité d’oxygène
fut telle que la plupart des espèces ne purent le supporter et disparurent. D’autres
se réfugièrent dans des abris isolés de l’atmosphère. Elles connurent des
mutations qui leur permirent de résister à cette accumulation de poison et même
d’en bénéficier. Elles mirent au point des métabolismes basés sur l’oxydation
et trouvèrent ainsi leur salut : elles
apprirent à respirer.
A ce stade, la collaboration entre
les différentes bactéries atteignit la perfection. De même que les déchets des
unes étaient la nourriture des autres, les unes consommaient, en respirant, l’oxygène
produit par la photosynthèse nécessaire à la survie des autres.
C’était il y a un peu plus d’un
milliard d’années. La collaboration des bactéries entre elles avaient surmonté
le problème que leur existence avait posé en transformant leur milieu. De l’oxygène,
elles avaient fait un aliment. La suite va encore prendre presque un milliard d’années
mais est assez facile à imaginer. La variété des espèces sera sidérante. Certaines
resteront dans l’eau, d’autres en sortiront, en rampant, puis en marchant ou en
volant, développant ensemble une merveilleuse planète faite d’une diversité
inestimable. (Un autre changement majeur verra encore le jour pour notre plus
grand bonheur c’est que si pour se reproduire, une bactérie donnait deux
bactéries, (1 =2) avec le temps, il faudra deux êtres vivants pour en produire
un nouveau (2=1). Eh, Eh faut pas grand-chose pour être heureux hein, quel beau
cadeau nous a fait là la nature n’est-ce pas!!)
Mais l’essentiel était fait, les
bactéries avaient inventé la respiration. En collaborant, les bactéries avaient
ainsi dirigé l’aventure de la vie dans une voie irréversible.
Notre histoire a débuté il y a quatre
milliards et demi d’. A l’échelle de l’histoire de la planète et de la vie,
notre histoire contemporaine, disons même les deux mille ans qui viennent de
passer, n’équivalent pas à un micron sur un mètre. Et pourtant, nous pourrions
détruire ce que la nature a mis tant de temps à construire.
Elles ont bien appris à respirer,
on apprendrait bien à collaborer non ?
(L’essentiel de ce texte est tiré du livre d’Albert Jacquard :
La Légende de la Vie »)
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