J’ai fini par trouver l’église de
Villers-Saint-Siméon. Je l’avais cherchée sans succès il y a quinze jours (voir ma chronique du 25 juin « c’était
son ombre, j’en suis sûr »). Elle est bien cachée dans son écrin de
verdure et d’arbres. Elle est entourée d’un petit cimetière. Certaines tombes
sont proches de la porte d’entrée. Il y a surpopulation et les autorités
communales de Juprelle tentent d’y faire de la place. Pour « les jeunes en
quelques sortes ». Devant de nombreuses tombes, on trouve donc de petites
pancartes jaunes clouées sur de petits bouts de bois fichés en terre. On peut y
lire ceci :
COMMUNE de JUPRELLE : CONSTAT
DE DEFAUT D’ENTRETIEN DE SEPULTURE
Sépulture A. Bloc X allée Y
N° X (un plan se trouve à l’entrée indiquant les blocs et les allées)
Nos services ont constaté que
cette sépulture était en défaut d’entretien conformément aux articles L 1232-1
et L 1232-12 du code de la démocratie locale et de la décentralisation, cette
concession fait donc l’objet d’une procédure en défaut d’entretien.
Le défaut d’entretien est établi
lorsque d’une façon permanente la tombe est malpropre, effondrée ou en ruine et
lorsqu’elle est dépourvue de signe indicatif de sépulture exigé par le
règlement communal des cimetières et par le code de la démocratie locale et de
la décentralisation.
Pour tout renseignement :
contactez le service des sépultures de Juprelle : 04 2787573. www.juprelle.be
Date du début d’affichage le
01-10-2016
A défaut de remise en état de la
sépulture au plus tard le 01-12-2017, l’autorité communale mettra fin à la
concession.
Signé : le bourgmestre C.
Servaes
Je suppose qu’après le 1er
décembre, les tombes concernées - à mon avis une bonne trentaine - seront
démantelées. Que deviennent les pierres tombales ? Les ossements ?
J’ai remarqué cinq tombes qui
présentaient les caractéristiques de « défaut d’entretien »
semblables aux autres. Mais face à elles, aucune pancarte jaune. L’une avait
encore un bouquet de fleurs en plastique terni dans un de ses vases en pierre. Sans
doute cela lui a sauvé « la vie ». Deux autres portaient, gravée dans
leur pierre, l’inscription « concession à perpétuité ». Et enfin sur
les deux dernières était fixée une
petite plaque émaillée en blanc avec un drapeau aux couleurs belges et la
mention « FNAPG ». Fédération Nationale des Anciens Prisonniers de
Guerre. Je connaissais le sigle de cette fédération dont mon instituteur,
monsieur Jadoul et Alexandre faisaient partie (voir ma chronique du 29
septembre 2014 : « Alexandre et les fleurs de gare »).
Il y a un grand caveau, peut-être
le plus grand, contre le mur d’enceinte. Gravé sur la pierre horizontale :
FAMILLE SIMENON. Il faut que je jette un œil à son livre « Pédigrée ».
Sa première expérience sexuelle avec une cousine à la campagne, il avait douze
ans : était-ce à Villers Saint Siméon ?
On entre dans l’enceinte du
cimetière et de l’Eglise par un petit portail en fer forgé noir. Sur la gauche,
l’ancienne cure qui selon les inscriptions lues sur la boîte aux lettres est
aujourd’hui occupée par un couple. Le jardin du curé n’est plus entretenu.
En sortant, si on descend plus
bas, on découvre un petit bâtiment au fronton duquel est gravé « Ecole
Communale. 1871 ». Le bâtiment est très bien préservé et est aussi habité
par un couple.
Devant l’école un monument
« A nos héros, tombés au champ d’honneur ». Dans la colonne
1914-1918, deux noms seulement : Maréchal G et Tilkin L. Dans la colonne
1940-1945, quatre noms : Herman L., Sauvage M., Boré A. et Collardin D.
J’ai songé que ces six personnes
ont fréquenté l’école communale construite en 1871.
Il devait y avoir très peu
d’habitants à Villers Saint Siméon à ces époques. Jusqu’en 1977, date de la
fusion des communes, Villers Saint Siméon était une commune à part entière. 9
villages constituent aujourd’hui la commune de Juprelle. Outre Juprelle et
Villers Saint Siméon, il y a aussi : Flexhe-Slins Et Slins, Lantin, Liers,
Paifve, Slins, Voroux-Lez-Liers et Wihogne. Soit 8800 habitants. Sans doute
trois fois moins en 1914.
La paroisse de Villers Saint
Siméon quant à elle, fait partie de l’équipe pastorale dite des
« Douze » : Rocourt, les neuf de Juprelle, Milmort et.. ?
Quelle est le douzième ? Impossible de le savoir !
Plus tard, près de l’église de
Liers, une grande affiche : « Milmort en fêtes ». Vous comprenez ?
Je sortais d’un cimetière…
Je suis revenu par le même chemin
où une deuxième ombre m’était apparue il y a quelques semaines. Au milieu des
grandes plantations de céréales, j’ai pensé à ce qu’avait dit, il y a longtemps
de cela, Michel Rocard. A une question d’Elkabbach qui lui faisait remarquer
que ses mesures n’avaient pas l’air de porter leurs fruits, le premier ministre
avait répondu : « Il faut du temps pour tout voyons. Asseyez-vous donc
au bord d’un champ, monsieur. Vous pouvez regarder le blé durant des heures, vous
ne le verrez pas pousser n’est-ce pas ! Et pourtant il pousse monsieur ».
Eblouissement. En passant dans
une ruelle, une femme. Un bouquet de fleurs rouges qu’elle tient des deux mains.
Elle va à gauche, à droite. Toute préoccupée de mettre ce bouquet à l’abri, elle
ne me voit pas. Sa cours-terrasse, faite
maison, bien rangée, chaleureuse, rien à voir avec les magazines. Magnifique.
Il était 6h50. Quand je repasse vers 8h45, elle est étendue dans une méridienne
en rotin garnie de coussins blancs. Elle pense ? Elle rêve ? Une
sérénité absolue que j’ai eu peur de perturber. Un moment d’éternité pour cette
femme, (est-elle Turque ? Marocaine ?) avant que mari et enfants ne
déboulent dans sa journée.
J’aime croire que ma mère s’est
offert de tels moments ?
Tellement riche la vie !
Allei, à lundi prochain.
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