Magique, la soirée de samedi a
été fabuleusement magique. D’où cela vient-il ? Sans doute y a-t-il des
jours où nous sommes plus en forme que d’autres, plus ouverts, plus attentifs
aux gens qui sont là, à leurs attentes, à leur plaisir. Dès 18h30, quatre
tables sont arrivées, coup sur coup, dont trois jeunes sœurs emmenées par l’une
d’elle qui était déjà venue avec son père. Je m’en souvenais car il avait
écouté sans ciller mes explications sur l’araignée de porc et ce n’est que
quand j’eus terminé qu’il m’informa qu’il était boucher de profession. Ces
trois sœurs étaient hyper-sympas, elles avaient 1h30 pour manger car elles
allaient à un spectacle au Forum, je ne sais plus lequel. En partant, elles
m’ont dit au revoir « Mario » en rigolant. Je me demande où elles
avaient appris mon prénom.
Une autre table était occupée par
trois autres jeunes (bon quand je dis jeunes, j’estime leur âge entre 25 et 35
ans, des gosses quoi !). Ces trois derniers gèrent un salon de tatouage à
Rocourt. Bien sûr, nous avons parlé tatouage mais surtout lunettes car l’un d’entre
eux outre quelques piercings, portait des lunettes superbes et originales. Il
m’a expliqué qu’il en avait toute une collection et qu’il en achetait à chacun
de ses voyages. Ces dernières venaient d’Irlande. La plupart du temps ce sont
des solaires de qualité et dès qu’il rentre en Belgique, il demande à son
opticien d’y mettre ses verres correcteurs.
Il y avait bien sûr les trois
tables habituelles de couples venant de Flandre, toujours très sympas et
heureux d’être là et aussi une table internationale (une italienne, un
français, une maltaise et une belge). Je ne connais pas très bien leur
organisation mais ils se réunissent tous les deux ou trois mois à Liège et
viennent toujours manger chez nous. On finit par se connaître, le français
apprécie beaucoup notre carte de vins. Ils ont choisi Leblanc (c’est le nom du
vin) de Lirac, il contient 15% d’un cépage très peu connu, le Bourboulenc, qui
donne un goût très particulier et extraordinaire à ce vin composé
majoritairement de Roussanne et de Marsanne. Je me l’étais procuré au salon des
vins bio de la semaine dernière.
Depuis que Dina et Pauline sont
là, je peux me permettre de passer plus de temps avec les gens une fois le coup
de feu terminé. Ces deux filles sont de vraies travailleuses et je peux
vraiment m’appuyer sur elles. J’ai passé un long moment avec un couple de
retraités, qui était déjà venus mais avec qui je n’avais jamais eu l’occasion
d’échanger. Lui a été avocat en début de
carrière, puis juge, il a siégé dans quelques cours d’assisse et il a terminé
les quinze dernières années comme juge de paix. C’est cette dernière partie de
carrière qu’il a le plus appréciée. Comme je lui disais que nous avions eu en
semaine une table de 30 juristes démocrates, nous avons passés un certain
nombre de noms en revue et il m’a dit qu’en fait il avait été avec maître
Raskin, l’un des fondateurs de l’Association Liégeoise des Juristes Démocrates.
Sa femme a été enseignante toute
sa vie. Biologie et physique. Nous avons discuté de l’évolution des rapports
enseignant-élève et comme à ce moment, les tatoueurs sont venus me dire au
revoir, nous avons parlé de l’évolution de l’habillement et de l’apparence
physique (cheveux longs, cheveux ras, tatouages, piercings). Je leur ai montré
la photo de ma classe d’école primaire de Strépy, et me suis rappeler que notre
instituteur, monsieur Jadoul, était toujours en costume et cravate et recouvert
de son tablier en grosse toile grise. La dame a expliqué qu’elle avait toujours
porté une tenue classique dans son métier de prof, même si chez elle, elle
pouvait porter jeans et sandales. La conversation a porté sur le fait de savoir
si en s’habillant de façon décontractée ou ordinaire ou comme les jeunes, les
profs ne perdaient pas une part de leur autorité et de leur respectabilité face
aux élèves. Intéressante question mais
très difficile. Comment réagiraient des élèves aujourd’hui face à un prof qui
porterait chaque jour costume et cravate ?
Nous sommes passés du coq à l’âne
et le juge a raconté qu’au Palais de justice de Liège, dans l’ancien palais des
Prince évêques, les juges n’avaient pas de bureaux !!Il y avait juste au
sous-sol une petite salle avec des armoires métalliques et deux bureaux eux
aussi métalliques. C’est là que se trouvaient les dossiers et c’est là que les
juges les étudiaient !!!Vous imaginez cela, me dit-il. Lui avait pris
l’habitude de reprendre ses dossiers le vendredi en fin de journée et de les
étudier chez lui le WE. Quand il a été nommé juge de paix dans une ville
voisine, il disposait d’un vaste bureau de 40 m2 et de deux secrétaires pour
l’assister ; donc me disait-il ce n’était pas la fonction qui créait les
bonnes conditions de travail mais le hasard des bâtiments disponibles. Autre
info intéressante, ils venaient d’assister au Palais à une représentation (avec des avocats et des comédiens) d’un
procès d’Assisse. Il trouvait cette reproduction assez bien faite et crédible
(c’est pour avoir son avis qu’on l’y avait invité). Il m’apprend que cela se
fait régulièrement comme moyen de formation des jeunes avocats.
Nous avons terminé la soirée avec
un couple venant de Plainevaux. Ils étaient là pour la première fois, ils
passaient par hasard et nous dirent qu’ils avaient superbement mangé. La
discussion a tourné autour de la nourriture, des préparations et des légumes
oubliés. La dame est fana de cuisine et consomme autant que possible du bio.
Marlène et elle ont longuement discuté et vraiment sympathisé.
Je crois que samedi, personne n’a
quitté le restaurant sans nous remercier et nous féliciter.
Quand nous sommes partis, il
était minuit passé. Les autres restaurants avaient baissés leur volet et je me
suis repassé le film de la soirée. Quand le restaurant est plein comme ce samedi,
il y règne une ambiance que j’appelle de brasserie où même le repas terminé,
les gens restent (le restaurant a commencé à se vider à partir de 11h ou 11h30),
parlent entre eux et j’adore ce brouhaha. Parfois, de mon bar-comptoir, je
regarde les gens, je suis heureux qu’ils soient heureux, que grâce à notre lieu
et notre cuisine, leur soirée est réussie et qu’ils pourront rentrer chez eux
content de leur soirée J’ai aussi pensé dans la foulée des petites phrases de
la semaine dernière à ce compliment que nous a fait un monsieur érudit à propos
de la crème brûlée : « Je crains que les fondements de ma laïcité ne
vacillent et qu’en goûtant cette crème brûlée, j’en arrive à penser que Dieu
existe ». Beau hein !!
Allei, j’ai été long, mille
excuses. Bon maintenant il vous faut penser sérieusement à réserver pour
Barbara hein. C’est le 12 mai.
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