C'était la journée de la femme ce dernier dimanche. Je n'aime pas cette idée car la femme est là tous les jours et tous les jours, les femmes remplissent nos vies et remplissent le monde de leur présence, de leur travail et de leur amour. Alors, cet extrait de "Femme qui court avec les loups" de Patricia Pukola Este.
Il est une vieille femme, qui vit dans un endroit caché,
connu de tous mais que bien peu ont vu. Comme dans les contes de fées d’Europe
de l’est, elle semble attendre que les personnes perdues, errantes ou en quête
de quelque chose parviennent jusqu’à elle.
Elle est circonspecte, souvent velue et fuit la compagnie
des autres. Elle croasse et s’exprime plus par des cris d’animaux que par des
sons humains.
Certains diront qu’elle vit sur les pentes de granit érodées
du territoire des indiens Tarahumara. On dit aussi qu’elle est enterrée en
dehors de Phoenix, près d’un puits. On l’aurait vue descendre vers le Sud, vers
Monte Alban, dans une voiture complètement délabrée, avec la vitre arrière
rabattue sur la grand route d’El Paso. Elle accompagnerait les camionneurs qui
foncent vers Morelia, au Mexique. On l’aurait aperçue sur la route du marché,
au-dessus d’Oaxaca, avec sur le dos des fagots aux formes curieuses. Elle se
donne différents noms : la Huesera,
la femme aux os ; La Trapera, la
Ramasseuse, et la Loba, la Louve.
La Loba a pour tâche de ramasser des os. Elle a la
réputation de ramasser et de conserver surtout ce qui risque d’être perdu pour
le monde. Sa caverne est pleine d’os de toutes sortes appartenant aux créatures
du désert : renards, serpents a sonnette, corbeaux. Mais on la dit
spécialiste des loups. Elle arpente les montagnes et les lits asséchés des
rivières et les passe au crible à la recherche des os de loup. Lorsqu’elle est
en place et que la belle architecture blanche de l’animal est au sol devant
elle, elle s’assoit près du feu et réfléchit au chant qu’elle va chanter.
Quand elle a trouvé, elle se lève et, les mains tendues
au-dessus de la criatura, la
créature, elle chante. C’est alors que la cage thoracique et les os des pattes
de loup se recouvrent de chair et que sa fourrure pousse. La Loba chante encore
et la bête s’incarne un peu plus ; sa queue puissante et recourbée se
dresse.
La Loba chante encore et la créature se met à respirer.
La Loba chante toujours, un chant si profond que le sol du
désert tremble et pendant qu’elle chante, la bête ouvre les yeux, bondit sur
ses pattes et détale dans le canyon.
Quelque part, durant sa course, soit du fait de sa vitesse,
soit parce qu’elle traverse une rivière à la nage, qu’un rayon de lune ou de
soleil vient se poser sur elle, elle se transforme soudain en une femme qui
court avec de grands éclats de rire vers l’horizon. Libre.
C’est pourquoi, on raconte que si vous errez dans le désert
au coucher du soleil, peut être un tout petit peu égaré et sans doute fatigué,
vous avez de la chance car la Loba peut vous prendre en sympathie et vous
montrer quelque chose. Quelque chose qui appartient à l’âme.
Tire de « Femme qui court avec les loups » de
Patricia Pukola Este. Ed Grasset
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