La préparation de calamars dans leur encre demande des calamars
moyens, non nettoyés et de l’encre de calamar. Ils ont l’air sale, mais le
seront moins quand vous leur aurez enlevé les fines peaux et membranes qui les
recouvrent, vidé de leurs intestins et de leur os et passé à l’eau. Soyez
attentifs, quand vous enlevez les
entrailles, à bien les fouiller pour récupérer la pochette d’encre et à
récupérer aussi ces sortes de petites antennes qui sont la partie la plus
délicieuse de la chaire. Mettez des gants de cuisine si vous voulez éviter de
vous balader trois jours avec des ongles noirs. Demandez à votre poissonnier de
vous fournir deux pochettes d’encre supplémentaires.
Marlène utilise sa cocotte en fonte pour y faire revenir un oignon et 4 à 5 gousses d’ail coupés fins, ensuite les quatre calamars qu’elle a débités en rondelles et morceaux. Dés que ceux-ci perdent de leur aspect transparent et deviennent blancs, elle ajoute un verre de vin blanc et enfin l’encre dont elle dispose. Elle sale, poivre et laisse cuire 10 minutes, le temps que la sauce s’épaississe pour devenir luisante, onctueuse et bien noire. Certains, en Italie, y ajoutent de la tomate, Marlène ne le fait pas.
Je vois et sens tout de suite si le plat est réussi ou pas et samedi soir il l’était à la perfection. L’odeur et la saveur de cette sauce sont merveilleux et délicats, la texture des calamars est fabuleuse, on a quelque chose sous la dent sans que ce soit caoutchouteux et servi avec des frites à l’espagnole, c’est un régal. Les frites à l’espagnol sont coupées plus fines que nos frites belges, elles sont frittent à l’huile d’olive dans laquelle on a écrasé deux, trois, quatre gousses d’ail. (En Italie, ma cousine Vicensinna, aujourd’hui décédée, faisait pareil mais y ajoutait beaucoup de romarin. Elle hésitait avant de se mettre à les préparer car elle savait que nous étions insatiables de ses frites et qu’elle y passerait la soirée). Pour ma part, je trempe les frites le plus possible dans cette sauce jusqu’à ce que les frites deviennent elles-mêmes noires d’encre. En les mangeant ce samedi, m’est revenu en mémoire un épisode de mon enfance à première vue traumatisant mais que je considère comme un beau souvenir :
Quand arrivait le beau temps, nous ne mangions plus à l’école, nous rentrions déjeuner à la maison. A l’époque nous étions trois frères, plus tard viendrait un quatrième et ensuite deux sœurs. L’hiver, nous prenions nos tartines et madame Jadoul, la femme de l’instituteur, nous préparait de grosses soupes bien épaisses qui auraient été très bonnes si elles ne répandaient en permanence, jusque dans les classes, son odeur de brûlé. Mais donc les beaux jours, nous rentrions à la maison et mangions la cuisine de notre mère. Disons le, nous baignions à l’époque dans un bonheur aussi insouciant qu’inconscient, mais néanmoins total. Mais voici qu’un jour, elle nous servit une soupe ou plutôt un bouillon dans lequel baignaient quantité de légumes et des pâtes. Le bouillon était ...noir. Difficile comme je l’étais à l’époque, je refusais de manger « cette eau sale ». Mes deux frères eux, l’ingurgitèrent sans broncher et me conseillèrent d’en faire autant car elle était très bonne, dirent-ils. Rien à faire, il était hors de question que je mette cela en bouche. Ma mère, qui était la plus douce et gentille des mères, me dit d’un ton ferme ou tu manges cette soupe ou tu peux retourner à l’école le ventre vide. Je me levais de table et parti à l'école, furieux et ruminant ma vengeance.
Le soir, au moment du souper, alors que toute la famille se voyait servir des pâtes à la sauce tomate merveilleusement parfumée, vraiment les pâtes dont je raffolais, ma mère me dit, pour toi pas de pâtes, mais de la soupe. Et de poser devant moi une assiette du même bouillon noir du midi. Je me levais de table encore plus furieux et criait que jamais je ne mangerais cette soupe pour cochon et que je préférais encore mourir de faim. Mon père essaya de me raisonner mais je sortis dans la cour cultiver ma colère, ruminer sur l’injustice de la vie tout en tentant de réprimer les gargouillis de mon ventre affamé.
Marlène utilise sa cocotte en fonte pour y faire revenir un oignon et 4 à 5 gousses d’ail coupés fins, ensuite les quatre calamars qu’elle a débités en rondelles et morceaux. Dés que ceux-ci perdent de leur aspect transparent et deviennent blancs, elle ajoute un verre de vin blanc et enfin l’encre dont elle dispose. Elle sale, poivre et laisse cuire 10 minutes, le temps que la sauce s’épaississe pour devenir luisante, onctueuse et bien noire. Certains, en Italie, y ajoutent de la tomate, Marlène ne le fait pas.
Je vois et sens tout de suite si le plat est réussi ou pas et samedi soir il l’était à la perfection. L’odeur et la saveur de cette sauce sont merveilleux et délicats, la texture des calamars est fabuleuse, on a quelque chose sous la dent sans que ce soit caoutchouteux et servi avec des frites à l’espagnole, c’est un régal. Les frites à l’espagnol sont coupées plus fines que nos frites belges, elles sont frittent à l’huile d’olive dans laquelle on a écrasé deux, trois, quatre gousses d’ail. (En Italie, ma cousine Vicensinna, aujourd’hui décédée, faisait pareil mais y ajoutait beaucoup de romarin. Elle hésitait avant de se mettre à les préparer car elle savait que nous étions insatiables de ses frites et qu’elle y passerait la soirée). Pour ma part, je trempe les frites le plus possible dans cette sauce jusqu’à ce que les frites deviennent elles-mêmes noires d’encre. En les mangeant ce samedi, m’est revenu en mémoire un épisode de mon enfance à première vue traumatisant mais que je considère comme un beau souvenir :
Quand arrivait le beau temps, nous ne mangions plus à l’école, nous rentrions déjeuner à la maison. A l’époque nous étions trois frères, plus tard viendrait un quatrième et ensuite deux sœurs. L’hiver, nous prenions nos tartines et madame Jadoul, la femme de l’instituteur, nous préparait de grosses soupes bien épaisses qui auraient été très bonnes si elles ne répandaient en permanence, jusque dans les classes, son odeur de brûlé. Mais donc les beaux jours, nous rentrions à la maison et mangions la cuisine de notre mère. Disons le, nous baignions à l’époque dans un bonheur aussi insouciant qu’inconscient, mais néanmoins total. Mais voici qu’un jour, elle nous servit une soupe ou plutôt un bouillon dans lequel baignaient quantité de légumes et des pâtes. Le bouillon était ...noir. Difficile comme je l’étais à l’époque, je refusais de manger « cette eau sale ». Mes deux frères eux, l’ingurgitèrent sans broncher et me conseillèrent d’en faire autant car elle était très bonne, dirent-ils. Rien à faire, il était hors de question que je mette cela en bouche. Ma mère, qui était la plus douce et gentille des mères, me dit d’un ton ferme ou tu manges cette soupe ou tu peux retourner à l’école le ventre vide. Je me levais de table et parti à l'école, furieux et ruminant ma vengeance.
Le soir, au moment du souper, alors que toute la famille se voyait servir des pâtes à la sauce tomate merveilleusement parfumée, vraiment les pâtes dont je raffolais, ma mère me dit, pour toi pas de pâtes, mais de la soupe. Et de poser devant moi une assiette du même bouillon noir du midi. Je me levais de table encore plus furieux et criait que jamais je ne mangerais cette soupe pour cochon et que je préférais encore mourir de faim. Mon père essaya de me raisonner mais je sortis dans la cour cultiver ma colère, ruminer sur l’injustice de la vie tout en tentant de réprimer les gargouillis de mon ventre affamé.
Ce jour-là, je me mis au lit avec un cafard monstrueux, tentais
d’oublier ma faim, maudissant ma mère et pensant que de toute façon, je me
rattraperais au petit déjeuner le lendemain. Sans quoi, je quitterais cette
maison à tout jamais et personne ne me retrouverait. Ma mère serait malheureuse
et ce serait bien fait pour elle.
Mais le lendemain, au petit déjeuner, je fus sidéré, scié. Jamais
je n’aurais cru ma mère capable d’une chose pareille et si je racontais cela à
des gens qui l’ont connu, ils ne le croiraient jamais. Toujours est-il que
pendant que les autres mangeaient leur pain trempé dans du lait chaud dans lequel
fondait de la cassonade, je retrouvais devant moi une assiette noircie de soupe.
Ce ne fut plus la colère qui me monta à la tête, mais un immense sentiment de
découragement et d’impuissance. Cette femme était-elle devenue folle ? Elle que
j’adorais, avait-elle décidé de me détester ? De m’empoisonner ? Mais je ne
pouvais pas manger, c’était exclu et je m’en fus avec mon cartable sans dire au
revoir à cette mère indigne. Durant la matinée, je me forçais à espérer malgré tout,
que ma mère, dont la préoccupation permanente
était de nous savoir nourris et en bonne
santé, finirait par céder. Je vécu cette matinée la faim au ventre, incapable
de suivre la moindre leçon et de me détendre durant les récréations. A midi,
sur le chemin de la maison, j'imaginais ma mère folle d’inquiétude à mon égard,
j'essayais de deviner ce qu'elle avait préparé pour me requinquer. J'espérais
bien ne plus jamais voir cette horrible assiette de soupe dont je ne me
rappelais même plus la couleur et la composition. Car, sans m’en rendre compte,
à ce stade, l’enjeu n’était plus de savoir si cette soupe était mangeable ou
pas mais qui de ma mère ou moi allait céder le premier. Mon abattement fut
alors total. La soupe était servie. Ma mère, me voyant défait, me dit
doucement, manges Marioli, tu vas voir, c’est très bon. Elle était inquiète,
j’étais au bord des larmes. Mes frères et mon père étaient tout autant
préoccupés et essayaient également de me convaincre de manger. Je me levais,
livide, au bord de l’effondrement et parti à l’école. (Quand j’y repense
aujourd’hui, je suis sûr que pour ma mère, mon entêtement et le sien, furent
une torture et un déchirement). Je rêvais quelques instants qu’elle allait me
courir derrière pour me proposer autre chose à manger mais cela n’advint pas et
je traversais un interminable après midi, comme un somnambule, étranger à tout
ce qui m’entourait, obsédé par la faim. Le soir, je rentrais vaincu. Ma mère
s’installa près de moi, posant son bras sur mon épaule et m’encourageant, avec
sa douceur habituelle, à goûter son bouillon noir aux légumes et aux pâtes.
Allez Marioli chéri (c’est ainsi qu’elle m’appelait), goûtes. Toute la famille regardait,
à la fois inquiète et curieuse de voir ce qui allait se passer.
J’avalais avec dégoût une première cuillère en espérant la vomir immédiatement et qu’ainsi, je serais vengé et on me servirait enfin autre chose. Mais je ne vomis pas. J’avalais une deuxième et ensuite une troisième cuillère. Purée de N de D... c’était bon ! Mais d’où venait ce goût délicieux que je n’avais jamais connu ? Depuis lors et jusqu’aujourd’hui, si j’ai parfois rencontré des saveurs qui s’en approchaient, je n’ai jamais retrouvé ce goût subtil et plein du bouillon noir. Alors, me dit ma mère, sans triomphalisme aucun, c’est si mauvais ? Je ne voulais quand même pas capituler en rase campagne et lui dit en boudant mouais, ça peut aller. Mais j’achevais mon assiette plus vite que je ne l’aurais du et quand ma mère me demanda si j’en voulais une autre, je dis oui, aussi trop vite. J'étais aux anges, libéré, un soldat revenant de guerre, commençant à être rassasier. Elle m’en servi une autre, me déposa un baiser sur le front et me disant, soulagée et en italien : « imbeccile che sei ! ». Mon estomac se calmait peu à peu et mes papilles étaient ravies. Je me mis à rire, ma mère aussi et comme de coutume, nous rîmes de plus en plus, les autres aussi et nous finîmes le repas dans un fou rire général qui me permit de donner le change quand aux larmes qui m’inondaient les joues.
J’avalais avec dégoût une première cuillère en espérant la vomir immédiatement et qu’ainsi, je serais vengé et on me servirait enfin autre chose. Mais je ne vomis pas. J’avalais une deuxième et ensuite une troisième cuillère. Purée de N de D... c’était bon ! Mais d’où venait ce goût délicieux que je n’avais jamais connu ? Depuis lors et jusqu’aujourd’hui, si j’ai parfois rencontré des saveurs qui s’en approchaient, je n’ai jamais retrouvé ce goût subtil et plein du bouillon noir. Alors, me dit ma mère, sans triomphalisme aucun, c’est si mauvais ? Je ne voulais quand même pas capituler en rase campagne et lui dit en boudant mouais, ça peut aller. Mais j’achevais mon assiette plus vite que je ne l’aurais du et quand ma mère me demanda si j’en voulais une autre, je dis oui, aussi trop vite. J'étais aux anges, libéré, un soldat revenant de guerre, commençant à être rassasier. Elle m’en servi une autre, me déposa un baiser sur le front et me disant, soulagée et en italien : « imbeccile che sei ! ». Mon estomac se calmait peu à peu et mes papilles étaient ravies. Je me mis à rire, ma mère aussi et comme de coutume, nous rîmes de plus en plus, les autres aussi et nous finîmes le repas dans un fou rire général qui me permit de donner le change quand aux larmes qui m’inondaient les joues.
Ma mère avait sorti une soupe exceptionnelle, elle le savait
et n’aurait sous aucun prétexte accepté que je ne la goûte pas. Je n’ai plus
jamais fait ni le difficile, ni l’imbécile en me mettant à table. Aujourd’hui,
présentez-moi des mets, quel que soit leur aspect, des abats, des tripes, une
sauce à l’encre noire..., j’essayerai toujours, sans appréhension, d’aller
chercher les goûts merveilleux, inconnus qui s’y cachent.
Ce dernier samedi soir, J’ai utilisé la moitié d’une
baguette au levain pour saucer l’encre de mon assiette ainsi que la cocotte dans laquelle les
calamars avaient été cuits. Comme c’est souvent le cas, quand nous goûtons un
repas aussi réussi, il nous prend, à Marlène et moi, une frénésie culinaire et
nous passons le reste du WE à cuisiner, espérant retrouver la même jouissance
gastronomique. Le dimanche matin, je me suis levé tôt pour faire du pain et
entre autres, de petites baguettes à la farine de froment complète. Nous en
avons fait des sandwichs aux fromages le midi tout en regardant les escapades de
Petitrenaud. Le soir, j’essayais le « gâteau
de pomme de terre ». C’est ainsi que ma mère appelait sa purée dorée au four,
que lui avait enseigné Jeanne, la voisine de Strépy. Il s’agit de cuire les
pommes de terre en chemise, de les peler et les passer ensuite au presse
purée, d’y ajouter des œufs entiers, de la noix de muscade à volonté, du sel,
du poivre et du lait. J’ai achevé le mélange au fouet pour le rendre le plus
léger possible et après avoir décoré sa surface de beaux dessins faits à la fourchette
et de quelques noix de beurre, l’ai mis
à dorer au four à 230 degrés.
Bingo ! Réussi ! j’y ai retrouvé le goût de la
purée de mon enfance. Marlène hésitait à la manger, tu comprends, mon poids, ma ligne... Je lui fis comprendre,
sans ménagement, que si elle ne le mangeait pas immédiatement, elle le
retrouverait sur la table le lendemain au petit déjeuner à l’exclusion de toute
autre nourriture. Elle s’en servi et s’en resservi en abondance, trouva cela
très bon et, heureux et amoureux, nous nous sommes réjouis de ce que la vie
nous apportait.
Mario Gotto
Mario Gotto
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire