Chère tante, cara
zia, querida tia,
J’espère que cette
lettre te trouvera en bonne santé. Je t’écris peu ces derniers temps mais cela
ne veut pas dire que je ne pense pas à toi. Simplement, je préfère pour
t'écrire, prendre le temps et être dégager d'autres préoccupations.
Ici, tout va bien.
Comme le diraient les panneaux de propagandes à Cuba : vamos bien.
L'aventure du restaurant se poursuit et se développe selon nos attentes. Nous commençons
à trouver notre rythme et à nous y habituer. Nous nous levons chaque matin à
sept heures et descendons au restaurant prendre notre petit déjeuner en lisant
la presse. (Nous n'ouvrons plus le matin à 7h30 comme au début, nous ne servons
les petits déjeuners que sur réservation de minimum 6 personnes et dans ce cas,
nous leur servons un petit dej. canon, ce sont leurs mots)
Vers 8h45, Marlène
part travailler au Sips et ce du lundi au jeudi.Les vendredi et samedi elle se met au travail dés 8h30 et n'arrête que vers 23 heures.
Une fois Marlène
partie, je me mets au travail et fait ma mise en place. Je termine la salle
vers 15h ou 15h30 et passe alors à l’administration : les comptes, les
commandes, les déclarations de toutes sortes. Je ne vais pas te parler des
contraintes du resto car je n’en retiens en fin de comptes que les bons côtés.
Et le bon côté du resto, ce sont les rencontres, les gens qui viennent, qui
nous parlent ou qui ne nous parlent pas mais nous remercie d’un regard ou d’un
sourire parce que grâce à nous ils sont avec un ami ou une amie et notre lieu
et notre nourriture facilite la détente et la convivialité. Imagine une sortie
avec quelqu’un et on te sert une mauvaise nourriture. C’est déjà un peu gâché
la rencontre Non ?
Nous voyons des couples,
en formation, se détendre au fur et à mesure que le repas avance et nous sommes
contents de participer un peu, à faire leur bonheur. Tu sais pour des amoureux,
si le repas est raté, c'est difficile de garder un bon souvenir de la soirée
passée ensemble; Nous voyons des couples de tout genre revenir et espérer revivre
cette soirée où ils sont tombés en amour comme disent les québécois.
Beaucoup de clients
deviennent avec le temps des amis et nous avons l’impression de les connaître
depuis toujours.
Bon, évidemment c’est
crevant. Les « coups de feu » sont stressants et on en sort dans un
état second. Nous vivons les dimanches comme des somnambules ou des zombies.
Nous nous efforçons de sortir prendre un verre mais avons hâtes de rentrer,
nous mettre dans le divan et somnoler en regardant la TV. Les soirées sans
travail se passent dans le calme ou à table ou nous essayons de nouveaux mets.
Mais la nuit, au lit,
revient le cinéma que je préfère. Celui où je revois les tables de notre resto.
Je recompose les groupes, les couples, je revois l’endroit exact où ils
étaient, je repasse dans ma tête les conversations, je revois leur expression
quand ils dégustent un plat ou une entrée. Je revois leur regard et je sais qu’ils
sont contents. Mais une seule remarque ou déception me fout parfois la soirée
en l’air, surtout si elle est justifiée. J’essaye de trouver le juste milieu
entre parler, écouter mais ne pas déranger et laisser les gens vivre leur
soirée. Je rêve et tire des plans sur la comète, je rêve du jour où je n’aurai
plus à travailler, je devrai juste vérifier que tout se passe bien, que les
jeunes font bien leur boulot et le mien consistera juste à parler aux amis
clients. Bon je sais ma tante, c’est pas demain la veille.
Malgré tout, nous
aspirons à un peu de repos et rêvons de notre futur voyage en Inde. C'est tout
proche puisque nous partons le 12 février. Nous allons découvrir un autre
monde, fait de lumière mais aussi de noirceur. Nous sommes à la fois
enthousiaste, curieux et avons un peu d’appréhension quant à la misère dont
tous les livres nous parlent, De toutes façons je t'écrirai et te raconterai ma
tante.
Voilà, nous sommes
vendredi, il est 17h30 et Marlène travaille sans interruptions depuis 9h30 ce matin.
Nous avons eu un bon service le midi mais assez étalé et maintenant elle fait
sa mise en place pour le soir. Son obsession est de trouver des plats fins,
bons, originaux mais qui demandent le moins de gestes possibles car au moment
du coup de feu, quand il y a 12 ou 15 commandes devant elle, il n'y a pas une
seconde à perdre.
Moi, j'ai trié les
vidanges et ma salle est prête. Haythem va arriver. C'est notre nouveau commis.
Il est Kurde d'Irak, il est travailleur, consciencieux, concentré, souriant et
évidemment il adore la cheffe comme il dit. Il aime bien parler avec la cheffe
(ils n'arrêtent pas d'ailleurs) car elle est psycologique dit-il.
Bon tante, j'ai été
long et je m'en excuse. Si tu as des idées de plats pour nous, n'hésites pas à
nous le dire. Tu trouveras dans le fond de l’enveloppe les trous de mes
chaussettes, je te remercie déjà de me les repriser.
Nous revenons d’Inde
pour rouvrir le resto le 1er mars. Si tu passes par Liège…
Je t’embrasse et
Marlène aussi (elle t’embrasse aussi je veux dire et bien sûr je l’embrasse
aussi. Enfin t’as compris quoi !!)